Zone C : l’absence d’occupation en Droit international

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Bertrand Ramas Muhlbach – Desinfos

Par arrêt en date du 31 décembre 2019, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes de l’association Organisation Juive Européenne et de la société vignoble PSAGOT LTD tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’avis du Ministre de l’économie et des finances du 24 novembre 2016, relatif à l’indication des « marchandises issues des territoires occupés par Israël depuis 1967 ». Pour ce faire, il s’est fondé sur l’arrêt de la CJUE du 12 novembre 2019 selon lequel « l’étiquetage des denrées alimentaires originaires d’un territoire occupé par l’Etat d’Israël doit porter non seulement la mention de ce territoire », mais également, s’agissant « des denrées provenant des colonies », de « la mention de cette provenance ».

Ainsi, les décisions de Justice émanant des plus hautes juridictions, européenne et française, affirment, sans vergogne, qu’Israël « occupe des terres depuis 1967 », pour en tirer des conséquences juridiques. Etrangement, il n’est jamais fait référence aux critères du Droit international qui permettraient de vérifier si la présence d’Israël en zone C de Cisjordanie relève ou non d’une occupation. Les décisions judiciaires participent juste d’un mensonge international occultant la légitimité d’Israël sur ce territoire.

Théoriquement, le raisonnement juridique procède de la manière suivante : il est tout d’abord rappelé le contexte de la situation factuelle, puis procédé à la qualification juridique de cette situation particulière, avant de rappeler la règle de Droit applicable, pour pouvoir appliquer la règle de Droit à la situation ainsi qualifiée.

Dans le cas d’Israël, le raisonnement juridique est « exceptionnellement » différent : il est d’abord posé, comme axiome, « qu’Israël occupe des terres depuis 1967 » avant d’examiner la règle de Droit qui doit lui être appliquée. Autrement dit, les juridictions refusent d’examiner le point de savoir si Israël occupe ou non (illégalement) la zone C de Cisjordanie, préférant affirmer, de façon péremptoire, qu’Israël est « un occupant », comme pour installer, dans l’opinion internationale, qu’il y aura nécessairement un démantèlement des « colonies (soi-disant) illégales ».

Il convient donc de rappeler ce qu’est un « territoire occupé » en Droit international pour essayer de comprendre la raison pour laquelle, la communauté internationale s’enferre dans son déni de la situation géopolitique contemporaine.

Selon l’article 42 du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (La Haye, 1907), « un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. L’occupation ne s’étend qu’aux territoires où cette autorité est établie et en mesure de s’exercer » (pour leur part, les Conventions de Genève ne définissent pas l’occupation, mais la IVème Convention précise les dispositions applicables « aux territoires occupés »).

La définition du « territoire occupé » permet donc de constater qu’Israël n’est en rien occupant de la Cisjordanie. Tout d’abord, Israël n’est pas une « armée ennemie » des palestiniens. En effet, Israël n’a jamais été en guerre avec les palestiniens, a fortiori en 1967. Rappelons que la guerre menée l’était contre les pays qui la lui ont déclaré en 1948, Jordanie, Egypte, Syrie, Liban et Iraq. Par ailleurs, la Cisjordanie était, en 1967, partie intégrante de la Jordanie (qui l’avait annexée en avril 1950). Ainsi, le seul territoire occupé en 1967 était la Jordanie, dans la partie occidentale.

Or, cette occupation a pris fin le 31 juillet 1988, lorsque la Jordanie a renoncé à la Cisjordanie : elle a, par conséquent, cessé d’être occupée. Mieux, la Jordanie a signé la paix avec Israël, le 26 octobre 1994. Ainsi, non seulement la Jordanie n’était plus occupée en août 1988 mais en outre, il n’y avait plus de présence d’une « armée ennemie » sur le territoire anciennement Jordanien.

D’ailleurs, la Cisjordanie (dont la nature juridique était celle de bien sans maître) a fait l’objet d’une organisation juridique et administrative initiée par Israël et Autorité Palestinienne, sous l’égide des Etats-Unis : le 26 septembre 1995, les parties ont convenu qu’Israël exercerait l’intégralité des prérogatives juridiques, militaires et administratives en zone C (soit 60% de la Cisjordanie). Ainsi, et contrairement à ce qu’affirment les décisions de justice française et européenne, il n’y a pas « d’occupation de la zone C de Cisjordanie ».

Dès lors, la présence israélienne en zone C de Cisjordanie n’obéit pas aux dispositions de la IVe Convention de Genève (CG IV, art. 27-34 et 47-78), et ses dispositions du Protocole additionnel I prévoyant notamment que « L’occupation n’est qu’une situation temporaire et les droits de l’occupant se limitent à la durée de cette période ».

Si la communauté internationale se ment sur la réalité géopolitique, la raison en est simple : elle a substitué un conflit imaginaire « israélo-palestinien », au conflit « israélo-arabe » né de la volonté des pays arabes de détruire Israël. Ce faisant, la communauté internationale essaie, depuis, de se positionner comme un arbitre d’une guerre (inventée) avec les palestiniens.

Il est vrai que ces derniers ont été les « floués de l’histoire » : lorsque la Palestine était sous souveraineté ottomane, les Juifs y ont migré en masse. Les arabes de Palestine leur ont alors vendu les terres à des prix d’or. En 1916, les anglais leur ont promis la création d’un Etat arabe (sur le pourtour méditerranéen) s’ils se joignaient à eux dans la guerre contre les ottomans mais les ont trahis, un an plus, tard lorsque Lord Balfour a promis aux juifs la création d’un foyer juif en Palestine (novembre 1917). Finalement, les anglais ont conservé le mandat sur la Palestine (à la suite du traité de Versailles), sans s’opposer aux migrations massives de Juifs en Palestine, et sans gérer cette double promesse faite aux Juifs et aux arabes de Palestine. En 1947, l’Onu a décidé du plan de partage de la Palestine en un Etat arabe et un Etat juif, refusé tant par les arabes de Palestine que l’ensemble des pays arabes. Or, pendant la guerre déclarée au jeune Etat juif, les pays arabes ont recommandé aux arabes de Palestine de quitter Israël, leur assurant un retour rapide dès la destruction d’Israël. Résultat, de nombreux arabes de Palestine se sont retrouvés réfugiés à dans le Moyen Orient, sans jamais pouvoir revenir. En avril 1950, la Transjordanie a annexé la Cisjordanie pour former la Jordanie, en occultant le mouvement national palestinien naissant et en massacrant les fedayins, en septembre 1970, avant de les expulser vers le Liban. La « nation palestinienne » a finalement été reconnue par l’Onu le 22 novembre 1974 (résolution 3236) mais sans affectation de territoires. Lorsque la Jordanie s’est déliée de ses liens avec la Cisjordanie, en 1988, la Cisjordanie était composée de populations palestiniennes et juives. Les accords d’Oslo de 1993 devaient théoriquement déboucher sur la création d’un Etat palestinien qui n’a jamais vu le jour, en raison du refus par le Hamas, de négocier avec Israël. Finalement, la Palestine a été reconnue (29 novembre 2012) comme Etat non membre observateur, mais toujours, sans assiette territoriale.

A ce jour, la présence israélienne en zone C de Cisjordanie est donc parfaitement légitime, et non le résultat d’une occupation qui durerait depuis 1967. Les produits en provenance de Cisjordanie draient donc être étiquetés comme « provenant d’une zone sous contrôle légitime israélien », en vertu des accords israélo palestinien de paix, et non comme provenant « d’un territoire occupé » ou de « colonies illégales ».

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