Pour Libé, les Juifs volent littéralement l’eau des Palestiniens…

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Erreur de traduction involontaire ou mauvaise foi avérée ? Le correspondant de Libé en Israël a totalement dénaturé les propos d’un responsable des habitant juifs de Judée-Samarie qu’il ne s’est d’ailleurs pas donné la peine de rencontrer.

Lorsqu’il s’agit du conflit israélo-palestinien, le journal Libération est-il décidément fâché avec l’exactitude des faits et les règles journalistiques les plus basiques, à commencer par la fidélité des propos rapportés ?

La question mérite d’être à nouveau posée à la lecture du récent article de Guillaume Gendron, le correspondant en Israël du journal.

Dans ce reportage publié sur une double page avec photos couleurs, Guillaume Gendron prend une nouvelle fois prétexte d’un fait divers local pour dresser un réquisitoire implacable contre les Israéliens, en particulier les « colons » juifs de Cisjordanie.

A l’origine de l’affaire, un coup de filet à la mi-juillet du COGAT, l’administration civile israélienne en charge de la Judée-Samarie, contre une trentaine de Palestiniens accusés d’avoir fracturé en douce les canalisations du réseau d’eau potable pour la revendre à des Bédouins et des agriculteurs palestiniens.

Une douzaine de camions-citernes qui servaient à convoyer l’eau détournée a été saisie et au moins cinq trafiquants présumés ont été renvoyés devant la justice.

Un article qui accuse les Israéliens sans quasiment leur donner la parole

Voilà donc toute la genèse de l’enquête du correspondant de Libération.

Dire que cette enquête est objective et qu’elle expose le point de vue de chaque camp serait abusif.

Les vols d’eau sont pourtant avérés, mais Guillaume Gendron se porte au secours des traficoteurs palestiniens, les présentant comme victimes d’un système de ségrégation tout autant cruel qu’injuste qui aurait été mis en place par Israël.

Le « stress hydrique », c’est un terme à la mode pour désigner la pénurie d’eau qui affecte une région.

Or, c’est faux. Il n’y a pas de pénurie d’eauni en Israël, ni en Cisjordanie. Mais Guillaume Gendron a besoin d’asséner cette contre-vérité pour les besoins de son reportage.

Le reporter de Libé s’est rendu sur place, dans les localités des montagnes autour de ‘Hévron, et a rencontré une dizaine d’interlocuteurs, tous palestiniens ou plaidant en leur faveur.

Il décrit tout d’abord le « dénuement d’Umm al-Kheir, un village de bergers » où « l’on survit dans la touffeur poussiéreuse sans eau courante ni électricité »« De l’autre côté de la route », il décrit la localité juive de Carmel, « implantation aux airs d’oasis » avec ses vertes pelouses et où « les hangars à poulets d’élevage des colons tournent à plein régime, engloutissant des énormes quantités d’eau ».

Le décor est planté, façon Libé.

Guillaume Gendron donne alors la parole à ses interlocuteurs palestiniens et aux ONG qui les soutiennent.

L’Israélien Guy Butavia, militant de l’organisation d’extrême gauche Ta’ayush, justifie les vols d’eau perpétrés par les Palestiniens : « Certains fracturent les canalisations des colons, mais s’ils avaient accès à l’eau normalement, personne ne volerait ! ».

Eid Suleyman, un militant palestinien du village de Umm al-Kheir, explique à son tour : « l’accès à l’eau n’est pas un crime, c’est un droit. Ça n’a rien à voir avec la résistance à l’occupation, c’est de la survie. »

Abou Jihad, 73 ans, le doyen du village bédouin de Susyia, enfonce le clou : « On nous a interdit de creuser un puits… Comme si on voulait nous assoiffer pour qu’on parte. »

Le journaliste interviewe ainsi une dizaine de personnes qui toutes accablent les Israéliens, présentés comme les pilleurs des ressources naturelles et les assoiffeurs de toute une population.

« Les Arabes n’ont pas besoin d’eau » (un « colon », cité par Guillaume Gendron)

Mais au fait, que répondent les Israéliens à de pareilles accusations ?

C’est là que Guillaume Gendron porte la plume dans la plaie et décoche sa plus belle flèche.

Le reporter de Libé – qui est un homme de terrain – a certainement pris tous les risques pour obtenir quelques informations des « colons juifs » qu’il vient de mettre en cause.

Sans doute au péril de sa vie, il a fini par en débusquer UN qu’il cite dans son article :

Voilà, c’est tout. Au lecteur de se débrouiller avec ça.

Mais pour une « petite phrase », c’est une petite phrase… et qui vaut son pesant de colonialisme.

Décryptage de la citation, pour ceux qui n’auraient pas tout compris

Cet individu qui affirme que « les Arabes n’ont pas besoin d’eau » ne peut-être de toute évidence qu’un « colon » de la pire engeance.

Si elle a été prononcée, cette affirmation aussi péremptoire que lapidaire transpire le mépris, sinon le racisme à l’égard de toute une population, en l’occurrence les Arabes.

Arrivant sans prévenir au détour d’un paragraphe, cette phrase a quelque chose de terrible.

Une formule aussi détestable vise précisément à légitimer la détestation de celui à qui ces propos sont prêtés, en l’occurrence le chef des « colons » de la région sud de Hébron

Une citation fausse… tronquée et mal traduite

Seulement voilà : Yochaï Damari a-t-il jamais prononcé cette phrase ?

Nous avons effectué un travail de vérification.

Nous avons retrouvé la citation originale de Yochaï Damari qui figure dans cet article en anglais du site Jewish Press relatant lui aussi l’affaire du vol d’eau par un groupe de Palestiniens.

« Les autorités israéliennes lancent une opération massive contre des vols d’eau par des Arabes dans la région de Hébron (photo : des camions-citerne confisqués, 15 juillet 2019) »

Or, que dit Yochaï Damari dans cet article ? Voici sa déclaration intégrale :

« Yochaï Damari, président du Conseil régional du Mont de Hébron, a remercié les autorités pour leur action et a qualifié le phénomène de « véritable terrorisme de l’eau ».

«Les Arabes ne manquent pas d’eau, ils ont leurs propres ressources, mais dans le cadre de la gestion de la zone C, ils ont besoin d’eau pour l’agriculture et les logements neufs situés dans des zones isolées. Il est inacceptable que les citoyens israéliens, qui paient des impôts à l’État, continuent de souffrir tandis que les voleurs continuent de bénéficier d’un approvisionnement en eau sans interruption », a-t-il dénoncé. »

Cette erreur de traduction est-elle délibérée ?

Le responsable juif n’a jamais déclaré que les Arabes n’avaient « pas besoin » d’eau. Il a affirmé qu’ils n’en « manquent pas », ce qui – vous en conviendrez – n’est pas du tout la même chose.

Guillaume Gendron a tout bonnement confondu deux verbes anglais : « to need » et « to lack ».

Le journaliste, que nous avons joint par e-mail, nous a confirmé que cet article de Jewish Press était sa seule source et qu’il n’était pas entré en contact direct avec Yochaï Damari.

Yochaï Damari confirme ses propos

InfoEquitable a appelé Yochaï Damari. Son numéro de portable n’est pas très compliqué à trouver en Israël. Le responsable des localités juives de la région de ‘Hévron nous a confirmé et précisé ses déclarations.

« Personne ne manque d’eau ici. Ni les Israéliens, ni les Palestiniens. Grâce aux usines de désalinisation d’eau de mer, il n’ y a aucune pénurie. La société nationale israélienne Mekorot distribue de l’eau à qui en fait la demande. Encore faut-il la payer, ce qui est le plus normal du monde. Tous les Israéliens la payent. Le gang de Palestiniens, arrêté pour avoir fracturé des canalisations, préférait simplement la voler. Ils ont été pris la main dans le sac. »

Les « colons » juifs ne prennent pas l’eau des Palestiniens

La « guerre de l’eau » entre Israéliens et Palestiniens est en réalité – c’est le cas de le dire – un tuyau percé, un marronnier dans le jargon des journalistes, qui depuis des années ne correspond plus à la situation sur le terrain.

L’affaire est en tout cas plus nuancée et moins manichéenne que l’article de Libé la présente.

« Il s’agit au départ d’un dossier compliqué et conflictuel », explique l’ancien diplomate Yigal Palmor, aujourd’hui directeur des relations internationales de l’Agence juive.

« Les implantations juives de Judée-Samarie sont toutes reliées au réseau israélien Mekorot qui est moderne et performant. Les villes et villages palestiniens ont leur propre réseau, assez désuet, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne fonctionne pas toujours très bien. Cette mauvaise gestion est aggravée par la corruption qui mine l’administration et les services publics palestiniens ».

« Nous avons maintes fois proposé aux Palestiniens de les raccorder au réseau israélien. Ceux-ci ont refusé, estimant que cela reviendrait à accepter une forme d’annexion rampante. Dans tous les cas, on ne peut pas dire aujourd’hui que les habitants juifs des territoires captent l’eau des Palestiniens. Toute l’eau est amenée d’Israël. Elle provient en majorité des usines de dessalement et de moins en moins des nappes phréatiques. Les Palestiniens auraient parfaitement la possibilité d’acheter cette eau s’ils le désiraient, mais ils rechignent à le faire considérant une nouvelle fois que ce serait pactiser avec l’occupant. »

« Sur cette question de la gestion et du partage des ressources en eau, les relations entre Israël et l’Autorité palestinienne sont régies par les accords d’Oslo, en vertu desquels un Conseil d’eau conjoint a été créé. Ce conseil doit prendre des décisions pour mieux fournir l’eau en Cisjordanie, mais les Palestiniens refusent depuis des années d’y participer pour des motifs politiques. »

Libération publiera-t-il un rectificatif ?

Le correspondant de Libé n’en n’est pas à son coup d’essai.

Il y a quelques semaines, Guillaume Gendron avait rédigé à propos d’une autre affaire un article très à charge contre la société israélienne qui comportait plus d’une inexactitude.

Après ce nouveau dérapage, InfoEquitable s’adresse à la direction de Libération en lui demandant quelle mise au point elle envisage de publier pour rectifier auprès de ses lecteurs l’erreur flagrante de son correspondant à Tel Aviv.

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