« Le Cohen ordonnera, ils retireront les pierres dans lesquelles est l’affection, ils les jetteront hors de la ville, vers un lieu impur » (Vayikra 14,40).
Dans les parachioth Tazria’-Metsora, la Tora décrit le cas d’un homme chez qui apparaît une plaie de tsara’at, pouvant atteindre sa peau, ses vêtements ou les murs de sa maison. Il doit alors faire appel au Cohen, qui viendra constater si la plaie est bien de nature à impureté. Ce processus de vérification se fait en plusieurs étapes, au terme desquelles, si la tsaraât est confirmée, le Cohen ordonne de retirer les pierres atteintes et de les jeter hors de la ville.
La Michna (Negaïm 12,6) relève que le texte dit « ils retireront », au pluriel : cela indique que parfois, les pierres touchées appartiennent à deux voisins, si le mur est mitoyen. Même si l’un des voisins est un juste et l’autre un homme mauvais, on doit abattre tout le mur s’il a été atteint. Comme le dit l’adage cité par rabbénou Ovadia de Barténora : « Malheur au méchant, et malheur à son voisin. »
Mais pourquoi punir le voisin innocent ? La Guemara (‘Arakhin 16a) enseigne que les plaies de tsara’at sont la conséquence spirituelle de sept fautes : la médisance, le meurtre, les faux serments, l’immoralité, l’orgueil, le vol et l’avarice. Ces fautes, bien que personnelles, finissent par nuire à l’entourage.
Ainsi, dans le traité Souka (56b), la Guemara rapporte qu’à l’époque de Matityahou le Cohen Gadol, une certaine Myriam, fille d’une famille appartenant au michmar Bilga, renia sa foi et épousa un officier grec. Lors de l’invasion du Temple, elle frappa l’autel avec sa sandale en criant : « Lokos, lokos ! Jusqu’à quand engloutiras-tu l’argent d’Israël sans leur venir en aide ? »
Après la victoire des ‘Hachmonaïm, les Sages sanctionnèrent non seulement son père, mais tout le michmar auquel il appartenait. La Guemara s’étonne : est-ce juste de pénaliser tout un groupe pour les actes d’une seule femme ? Et elle répond : oui. Car ce qu’un enfant dit, c’est chez ses parents qu’il l’a entendu. Si Myriam a parlé ainsi, c’est qu’elle avait entendu son père mépriser les sacrifices. Et puisqu’il était chef de michmar, tous furent concernés par la faute. Encore une fois : malheur au méchant, et malheur à son voisin.
Chaque matin, dans les bénédictions, nous prions pour être préservés d’un mauvais voisin et de mauvaises fréquentations. Le texte ne dit pas « impie » mais « mauvais », car même quelqu’un de pas forcément malveillant peut exercer une mauvaise influence par sa conduite quotidienne.
Dans Pirké Avotי (1,7), Nitaï d’Arbel dit : « Éloigne-toi d’un mauvais voisin, ne t’associe pas à un impie. » On pourrait s’étonner de cet ordre : ne serait-il pas plus logique de dire d’abord de ne pas s’associer à l’impie, puis de s’éloigner du mauvais voisin ? Mais la Michna veut nous avertir que si l’on ne prend pas soin de s’éloigner dès le départ, on finit inévitablement par se rapprocher, puis par imiter. Même un juste peut être corrompu par un entourage négatif.
Le רav Nissim Yaguen ‘atsal explique que c’est pour cela que David Hamélekh commence les Tקhilim par : « Heureux l’homme qui ne suit pas les conseils des méchants… » Il ne commence pas par louer l’étude ou la pratique des mitsvotי, car même celles-ci ne protègent pas un homme mal entouré. L’influence de l’environnement est si puissante qu’elle peut annuler ses mérites.
La Guקmara (Ta4anitי 24a) raconte à ce sujet un fait marquant sur רabbi Yossi de Youkrat. Cet homme, profondément attaché à l’étude, plaçait sur le dos de son âne un panier dans lequel ses locataires déposaient le montant exact de la location. Si la somme était juste, l’âne avançait ; sinon, il ne bougeait pas. Un jour, malgré un paiement correct, l’âne resta immobile. Le locataire découvrit qu’il y avait oublié une paire de sandales. Une fois retirées, l’âne repartit. Était-ce un âne surdoué ? Non. C’est simplement que la droiture extrême de son maître l’imprégnait jusqu’à son animal.
À l’opposé, la corruption de l’homme peut déteindre jusqu’à la nature elle-même. Rav Zamir Cohen rapporte un documentaire diffusé sur National Geographic, qui montrait qu’à San Francisco, une espèce d’oiseaux était en voie de disparition. Après enquête, les chercheurs conclurent que ces oiseaux étaient devenus homosexuels, influencés par l’environnement humain urbain. Ils avaient changé de comportement, ce qui avait mené à leur extinction.
À l’inverse, un homme pur et scrupuleux, qui veille à ne nuire à personne, sanctifie tout ce qui l’entoure. C’est pourquoi la Tora ordonne de détruire aussi le mur mitoyen : parce qu’une impureté qui touche un seul côté peut contaminer l’ensemble si on ne prend pas de mesures claires.
Aujourd’hui, notre entourage ne se limite plus aux murs de nos maisons ni aux voisins de notre rue. Il s’invite dans nos poches, sur nos écrans, dans nos foyers par les fenêtres d’un smartphone. Ces petits rectangles lumineux, de 5 cm sur 10, paraissent inoffensifs, mais leur influence est bien souvent plus sournoise et corrosive que celle d’un voisin malveillant. En un glissement de doigt, ils peuvent ouvrir la porte à un torrent de vulgarité, de mensonge, de violence, d’images et d’idées qui détruisent lentement l’âme, la pudeur, la famille, et les valeurs.
Le danger n’est plus seulement extérieur : il est transportable, discret, personnalisable… et toléré. Il entre dans les poches des enfants, sur les bureaux des adolescents, dans les mains de ceux qui ne l’auraient jamais invité s’il s’était présenté sous son vrai visage. Le mauvais voisin d’aujourd’hui, c’est ce flux continu d’influences, d’images et de contenus qui ne laissent jamais l’âme se reposer.
Alors soyons vigilants. Osons éteindre. Osons dire non. Osons offrir à nos foyers un environnement sain, pur, à l’abri du tumulte numérique. Un mur peut être reconstruit, un écran peut être éteint — mais une âme, une conscience, un enfant, une génération… c’est plus fragile. Protégeons-les avec force, clarté et courage.
Chabat Chalom
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Mordekhai Bismuth