Allemagne – Chine : incident laser au-dessus de la mer Rouge

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Illustration : avion de reconnaissance Beechcraft 350

Depuis le 2 juillet, un incident diplomatique majeur secoue les relations sino-allemandes. Berlin a officiellement convoqué l’ambassadeur de Chine après avoir accusé la marine chinoise d’avoir dirigé un faisceau laser militaire vers un avion allemand effectuant une mission de surveillance au-dessus de la mer Rouge, une zone stratégique située au large des côtes yéménites.

L’appareil ciblé faisait partie d’une opération maritime européenne nommée ASPIDES, lancée début 2024 pour assurer la sécurité des voies commerciales dans cette région vulnérable aux attaques des rebelles houthis. Selon le ministère allemand de la Défense, le Beechcraft King Air 350 – un avion modifié pour des tâches de reconnaissance – transportait quatre militaires allemands lors de la mission. L’avion a été exposé à un laser de qualité militaire provenant d’une frégate chinoise opérant à proximité. Cet usage du laser s’est déroulé sans aucune communication radio préalable, contrairement aux protocoles internationaux, ce qui a déstabilisé l’équipage allemand et conduit à l’interruption de la mission. Heureusement, aucun blessé ni dommage matériel sérieux n’ont été signalés.

Les lasers militaires représentent un danger réel : ils peuvent temporairement aveugler les pilotes, perturber ou endommager les capteurs électro-optiques et les systèmes de navigation, voire chauffer et détériorer les matériaux. Une telle attaque ciblée constitue donc une menace pour la sécurité aérienne et maritime, d’autant plus dans une zone aussi sensible que la mer Rouge.

Du côté chinois, le ministère des Affaires étrangères a vigoureusement rejeté ces accusations, qualifiant les affirmations allemandes de « totalement incompatibles avec les faits ». Mao Ning, porte-parole du ministère, a affirmé que la marine chinoise menait simplement des opérations d’escorte légitimes dans le golfe d’Aden et aux abords de la Somalie, en conformité avec ses responsabilités internationales. Il a également appelé à un dialogue basé sur les faits pour éviter malentendus et tensions inutiles.

Cette altercation survient dans un contexte géostratégique particulièrement tendu. Depuis 2008, la Chine a progressivement renforcé sa présence navale dans la région, officiellement dans le cadre de la lutte contre la piraterie. Sa première base militaire à l’étranger, inaugurée en 2017 à Djibouti, est stratégiquement située à proximité des installations militaires américaines, françaises, japonaises et d’autres puissances. Le détroit de Bab al-Mandeb, par lequel transite une part importante du trafic maritime mondial, est devenu un théâtre d’influence où plusieurs acteurs internationaux rivalisent.

Selon les données officielles chinoises, l’Armée populaire de libération (APL) a déployé 45 groupes navals et mobilisé 35 000 personnels au cours des quinze dernières années pour escorter plus de 7 200 navires commerciaux traversant ce passage crucial. Cette montée en puissance navale inquiète les pays occidentaux, notamment pour sa dimension militaire croissante et sa proximité avec des points de passage stratégiques pour le commerce mondial.

Jusqu’ici, les incidents impliquant des lasers et des forces militaires chinoises ont surtout concerné la région indo-pacifique, avec des tensions récurrentes autour des Etats-Unis et leurs alliés. L’incident récent en mer Rouge marque une rare confrontation directe avec un membre européen de l’OTAN, ce qui pourrait avoir des répercussions diplomatiques et sécuritaires plus larges.

Le gouvernement allemand n’a pas précisé si le laser avait causé des dommages matériels durables sur l’avion ou la santé des militaires à bord, mais a fermement dénoncé cette tactique comme « dangereuse » et a demandé sa cessation immédiate. L’affaire illustre la complexité des relations internationales dans une région stratégique où les ambitions des grandes puissances s’entremêlent et où les risques de malentendus peuvent rapidement dégénérer.

Ce nouvel épisode souligne la nécessité d’une vigilance accrue et d’un dialogue ouvert pour préserver la sécurité des missions internationales en mer Rouge, tout en évitant une escalade des tensions entre puissances navales concurrentes.

Jforum.fr

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