Comment les hommes d’affaires américains comptent nourrir Gaza

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L’initiative, baptisée Fonds humanitaire pour Gaza (GHF), a été annoncée le 14 mai comme une réponse aux accusations portées par Israël contre l’UNRWA et d’autres agences onusiennes, soupçonnées de collusion ou de laxisme face au Hamas. Le gouvernement israélien exige désormais que l’aide humanitaire soit acheminée par une structure totalement nouvelle, conçue pour empêcher tout détournement.

Le Washington Post, qui a eu accès à des documents internes et interviewé des acteurs du projet, révèle toutefois de nombreuses incertitudes dès la phase de conception. Selon les journalistes, même les concepteurs du GHF redoutaient un rejet massif des ONG humanitaires. Ces craintes se sont matérialisées : la plupart des grandes organisations ont refusé de participer, considérant le projet comme impraticable, voire contraire aux principes humanitaires.

Un financement privé et un objectif politique

 

Malgré cela, le fonds a reçu un soutien financier conséquent. Un donateur privé a injecté 100 millions de dollars, démentant les rumeurs selon lesquelles le projet était en manque de financement. Parallèlement, sous pression américaine, des stocks alimentaires achetés par l’ONU grâce à des fonds américains devraient être transférés au GHF, en remplacement des livraisons bloquées.

À la tête du volet opérationnel, on retrouve Phil Reilly, ancien responsable de la CIA en Afghanistan, désormais dirigeant d’une société militaire privée, Safe Reach Solutions. Cette entreprise a été mandatée pour sécuriser les convois et gérer les futurs centres de distribution. Problème : ses équipes, déjà présentes en Israël, ignorent toujours qui distribuera concrètement la nourriture et selon quelles modalités.

Des zones de distribution fermées et biométriques

 

Le projet prévoit quatre points de distribution dans le sud de Gaza, zones dites « stériles », c’est-à-dire isolées, contrôlées militairement, et sécurisées par identification biométrique. Pour y accéder, les civils devront se déplacer parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres, à pied ou avec des moyens rudimentaires. Alternativement, ils devront s’installer dans des « zones d’hébergement temporaire » construites autour de ces centres.

Selon les estimations, chacun de ces centres pourrait devoir desservir plusieurs centaines de milliers de personnes. Cette configuration suscite de vives critiques. L’ancien chef du renseignement militaire israélien, Tamir Heyman, affirme que le projet est tout simplement inapplicable : les familles ne pourront pas faire de telles distances chaque semaine, et les installations semi-permanentes relèvent d’une logique de transfert forcé, difficile à justifier, même sans évoquer les considérations morales.

Doutes dans l’armée israélienne

 

La méfiance ne vient pas uniquement des ONG. Certains responsables militaires israéliens, interrogés par le Washington Post, expriment également des doutes sur la viabilité du plan. Un haut gradé a confié anonymement que plusieurs officiers préféraient conserver le système existant, reposant sur les canaux de l’ONU, malgré les critiques.

Le cabinet israélien, pourtant à l’origine du projet, se retrouve donc face à une impasse : un dispositif officiellement adopté, mais dont la mise en œuvre s’annonce extrêmement complexe et incertaine. Le correspondant de ‘Hadachot 12, Sapir Lipkin, rapportait d’ailleurs que, contrairement aux annonces faites par Benyamin Netanyahou, les points de distribution du GHF n’ouvriront pas cette semaine, ni lundi, ni ultérieurement.

L’aide continue via l’ONU
En attendant, l’aide continue à passer par les mécanismes traditionnels. Selon le Bureau du coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires, 388 camions chargés de nourriture et de médicaments sont entrés à Gaza la semaine dernière. Ce chiffre reste bien inférieur au rythme observé lors des trêves, où entre 500 et 700 camions entraient quotidiennement.

 

Jforum.fr

 

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