Corée du Nord : le Japon et la Corée du Sud tentés par la bombe ?

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À Séoul et à Tokyo, certains s’interrogent sur l’efficacité du parapluie atomique américain et sur la nécessité de se doter d’une force de dissuasion.

La menace que représente la Corée du Nord avec ses fréquents essais de missiles et les avancées de son programme nucléaire réactive le débat sur le déploiement au Japon et en Corée du Sud d’armes atomiques américaines. C’est Shigeru Ishiba, un des ténors du Parti libéral-démocrate (PLD) japonais présidé par le Premier ministre Shinzo Abe, qui a soulevé la question. L’ex-ministre de la Défense, donné comme possible successeur de M. Abe, n’a pas hésité à remettre verbalement en cause « les trois principes » édictés en 1967 et proclamés en 1971, pour lesquels le chef du gouvernement d’alors, Eisaku Sato, avait reçu le prix Nobel de la paix : « Ne pas développer, ne pas posséder, ne pas déployer d’armes nucléaires ». « Ne pas en parler non plus, est-ce vraiment OK ? » s’est interrogé lors d’émissions de télévision M. Ishiba.

Bien que reconnaissant qu’envisager de laisser les États-Unis poser des armes nucléaires sur le sol nippon est un sujet sensible et « émotionnel », M. Ishiba ajoute : « Est-il juste de dire que nous souhaitons la protection via les armes nucléaires américaines mais que nous n’en voulons pas sur notre sol ? »

« Les politiciens frondeurs utilisent les actions provocatrices croissantes de la Corée du Nord comme un levier pour ouvrir le débat, arguant qu’il n’est pas certain que le parapluie nucléaire américain soit assez sûr et appelant le Japon à se protéger lui-même », décrypte Takehiko Yamamoto, de l’université Waseda.

 Le parapluie nucléaire américain est percé. 

« Jusqu’à présent, nous n’avons pas discuté de la remise en cause de ces trois principes et nous ne songeons pas à le faire », a réagi devant la presse le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga. « Le gouvernement agit constamment dans le cadre de ces trois principes, notre position ne changera pas », a renchéri le ministre de la Défense, Itsunori Onodera.

Pour M. Yamamoto, même si le Japon possède « des technologies nucléaires et suffisamment de plutonium pour produire des dizaines d’armes atomiques, il est peu probable que le débat s’intensifie sur ce point », compte tenu des séquelles laissées dans l’opinion par les bombes atomiques américaines larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. S’il rejette aussi clairement l’idée que le Japon, « le seul pays à avoir souffert de la bombe atomique », se dote lui-même de l’arme atomique, M. Ishiba n’en considère pas moins que le « parapluie nucléaire américain est percé » et qu’il faut en débattre.

« Pure théorie »

Une agitation similaire a lieu en Corée du Sud. Des parlementaires de l’opposition conservatrice ont présenté une résolution demandant que le pays se dote de ses propres armes atomiques. « Nous ne pouvons pas toujours compter sur le parapluie nucléaire des États-Unis », a écrit lundi le quotidien local Donga Ilbo. Même si l’opinion y est plus favorable qu’au Japon, selon les sondages, le ministre des Affaires étrangères Kang Kyung-wha a insisté sur le fait que Séoul respecterait toujours son engagement envers le traité de non-prolifération. Les experts soulignent que l’option nucléaire serait extrêmement dommageable. La Corée du Sud s’exposerait à des sanctions internationales avec d’énormes conséquences économiques et un risque de ne plus bénéficier d’approvisionnement en combustibles pour ses centrales nucléaires.

Pour Robert Dujarric, directeur des études asiatiques contemporaines à l’université Temple à Tokyo, le débat relève de la pure théorie. « On ne peut pas débarquer avec quelques missiles de croisière et leurs ogives nucléaires comme si on arrivait chez des copains avec de la boisson et des merguez. Il faut des zones hautement sécurisées avec des soldats dont la seule tâche est de les protéger contre des saboteurs, des commandos ennemis, les manifestants, etc. »

De plus, l’opinion publique est loin d’être prête à l’éventualité d’un déploiement : « Il y aurait une opposition au Japon. Les populations proches des armes nucléaires risqueraient de craindre d’être aux premières loges en cas d’attaque ennemie », souligne M. Dujarric. Et de se demander si cela aurait même un intérêt stratégique : « Faut-il perdre de l’énergie à convaincre sachant que cela n’augmenterait pas forcément la dissuasion. Que les missiles et bombardiers américains soient sur l’archipel, au large de la Corée du Nord sur des sous-marins, ou à bord de bombardiers aux USA, cela ne change pas l’équation. »

Source www.lepoint.fr

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