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Des sionistes de la LDJ aux décoloniaux de l’UJFP et Tsedek : petit guide des organisations juives de France

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Des sionistes de la LDJ aux décoloniaux de l’UJFP et Tsedek : petit guide des organisations juives de France

 

Il y en a pour tous les goûts. Depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier et dans un contexte de recrudescence des actes antisémites dans l’Hexagone, les organisations juives de France font entendre leur voix… et elles sont loin de toutes aller dans le même sens. Certaines se posent en défenseur du sionisme et de la politique du gouvernement de Benyamin Netanyahou ; d’autres se prononcent pour une solution à deux États et dénoncent les crimes de guerre de chaque camp ; d’autres encore fustigent « l’apartheid » hébreu à Gaza et « l’épuration » des Palestiniens…

Pour s’y retrouver et saisir ces différences idéologiques qui peuvent paraître complexes, Marianne a dressé le panorama des principales associations juives actives dans le pays.

 

La plus connue du grand public reste sans aucun doute le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Fondée en 1944, elle fédère plusieurs dizaines d’associations de différentes sensibilités et est affiliée, à l’échelle internationale, au Congrès juif mondial. « Sa mission, c’est de faire le lien entre la communauté juive, l’État et les divers acteurs de la société française », explique Jean-Yves Camus, notamment coauteur de l’ouvrage Le Monde juif (Les Essentiels Milan, 2001). « De manière officielle, le CRIF défend l’existence d’Israël, mais en son sein, il y a différentes nuances, avec des associations plus ou moins proches de la gauche ou de la droite », détaille le spécialiste.

Au fil de son existence, l’organisation a connu certaines évolutions conduisant parfois certains à la qualifier d’extrême droite – à l’instar du fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, en juillet dernier. « C’est vrai que certains courants internes tentent de faire tendre la ligne vers la droite, considérant par exemple que tous ceux qui critiquent Israël sont des ennemis. Mais l’actuel président Yonathan Arfi [depuis 2022, N.D.L.R.] tente de son côté d’adopter une position plus équilibrée, par exemple en rappelant l’attachement des Juifs qui vivent en diaspora aux valeurs de la démocratie et de la République », assure pour sa part la sociologue Martine Cohen, autrice de Fin du franco-judaïsme ? Quelle place pour les Juifs dans une France multiculturelle ? (Presses Universitaires de Rennes, 2022).

Jean-Yves Camus va même plus loin : pour lui, renvoyer le CRIF à l’extrême droite relève tout simplement de la connerie. « Ce qu’il faut constater, c’est que même ses présidents les plus à droite n’ont jamais rompu la tradition qui consiste à ne pas convier le Rassemblement national, autrefois le FN, à leur fameux dîner annuel », souligne le politologue – par ailleurs spécialiste de l’extrême droite française –, jugeant que cela « ne semble pas en passe de changer de sitôt ».

Dans la même lignée que le CRIF : l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), qui compte quelque 15 000 membres dans l’Hexagone. « On peut dire que ces deux institutions sont très proches. D’ailleurs, Yonathan Arfi a également été président de l’UEJF dans les années 2000 », commente Martine Cohen. Jean-Yves Camus relève une petite nuance : « Quand on discute avec eux, les militants de l’UEJF évoquent davantage leur vécu à la fac. C’est-à-dire qu’ils nomment leurs adversaires, ceux qui leur rendent la vie difficile, à savoir l’extrême gauche et les islamistes, on ne va pas se mentir ! »

LA PETITE NOUVELLE : GOLEM

Golem est un collectif de « juifs de gauche » créé un jour seulement avant la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre. Son objectif principal ? Dénoncer la présence du Rassemblement national dans le cortège. « L’extrême droite instrumentalise la lutte contre l’antisémitisme afin de réhabiliter son passé, sa vision et ses structures antisémites, racistes et islamophobes », peut-on lire dans un communiqué diffusé sur les réseaux sociaux.

« Le Pen casse-toi ! Les Juifs ne veulent pas de toi » ou encore « Nous, on dégage les fachos », ont ainsi scandé des militants du collectif – dont fait notamment partie le très médiatique avocat Arié Alimi, proche du journaliste et militant Taha Bouhafs – au cours de la manifestation. « Si je comprends bien, leur but est de lutter contre l’antisémitisme d’extrême droite, mais aussi de dénoncer la droitisation d’une partie de la communauté juive française », observe la spécialiste Martine Cohen, qui n’en sait « pour le moment » pas beaucoup plus à propos de cette « toute jeune » organisation. « Ça m’a l’air assez préparé et organisé, je doute que ce soit un « one shot » », ajoute Jean-Yves Camus. Et pour cause : sur X (ex-Twitter), le collectif a déjà annoncé que d’autres actions auront lieu dans le futur.

LES PLUS ANTISIONISTES : UJFP ET TSEDEK

Parmi les collectifs de « Juifs de gauche », certains tiennent toutefois des positions bien plus radicales, n’hésitant pas à s’afficher dans les manifestations propalestiniennes – au risque de se retrouver au milieu des « Allah Akbar », comme lors du premier rassemblement place de la République, mi-octobre dernier. À commencer par l’Union juive française pour la paix (UJFP), une association fondée en 1994, dont l’action se situe dans « deux domaines liés l’un à l’autre : celui de la Palestine et celui de l’antiracisme » – selon son site web. « Ce sont des antisionistes qui flirtent avec l’antisémitisme, qui résument Israël à la colonisation ignorant toute la dimension de mouvement national juif et de son histoire au XIXe siècle »décrit la spécialiste Martine Cohen, affirmant que l’UJFP est souvent perçue comme « infréquentable » au sein de la communauté juive.

« Historiquement, leurs membres viennent pour la plupart des rangs communistes ou de l’extrême gauche. Leur appellation est très belle, « pour la paix », ça pourrait convaincre tout le monde. Mais en réalité, leur discours se résume à faire une critique systémique et systématique, non pas des gouvernements, mais de l’État d’Israël », analyse Jean-Yves Camus, pour qui l’ampleur de l’association demeure toutefois « groupusculaire ».

Mais l’UJFP n’est pas seule dans son combat. Des relais plus jeunes, dans la même lignée, s’illustrent depuis la résurgence du conflit au Proche-Orient. À l’image de Tsedek (justice en hébreu), un collectif de « Juifs décoloniaux » créé en juin 2023, qui dénonce aussi bien le « racisme d’État » en France que « l’apartheid » en Palestine – mais beaucoup moins les actes terroristes du Hamas… « Nous sommes en rupture avec les discours promulgués (sic) par les institutions juives censées nous représenter et par la majeure partie des collectifs juifs antiracistes français. Il est grand temps de faire entendre notre voix et de construire ensemble un front juif antiraciste et décolonial », peut-on lire sur le site de l’organisation, dans un manifeste rédigé en écriture inclusive – preuve, s’il en fallait, de sa démarche intersectionnelle.

« Ce sont des décoloniaux, des indigénistes », constate Jean-Yves Camus, évoquant à nouveau une tendance « marginale » mais cette fois « très visible en ligne », via X (ex-Twitter) ou la plateforme Twitch. Si le collectif parvient à prendre la parole dans les médias classiques – comme sur le plateau d’Arrêt sur Images ou dans la dernière chronique de l’humoriste Guillaume Meurice sur France Inter –, il milite principalement sur Internet, notamment dans les émissions de « Paroles d’Honneur », concoctées par les disciples de Houria Bouteldja, fondatrice des Indigènes de la République et autrice de l’essai polémique Les Blancs, les Juifs et nous (La fabrique éditions, 2016).

LES PLUS SIONISTES : BETAR ET LDJ

Le pendant inverse existe : des associations juives radicalement sionistes et marquées à droite. C’est le cas du Bétar, un mouvement présent en Israël, aux États-Unis, au Royaume-Uni, mais aussi en France. « Cette organisation a été créée par Vladimir Jabotinsky, qui est en quelque sorte l’inspirateur de la droite israélienne, aujourd’hui incarnée par Benyamin Netanyahou », explique Jean-Yves Camus. « À l’origine, c’est un collectif de jeunes [le député LR des Français d’Israël Meyer Habib en était autrefois membre, N.D.L.R.] qui reste toutefois assez nébuleux. Au début des années 2000, il s’illustrait pour ses actions violentes, s’en prenant même parfois aux juifs de gauche », poursuit Martine Cohen, insistant sur le fait que le « sionisme n’est pas réservé » à la droite.

D’après Jean-Yves Camus, ces incidents liés à la violence du groupuscule ont conduit à en faire « le monstre absolu » aussi bien à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite. « Ce sont des gens clairement de droite, mais il y a quand même beaucoup de fantasmes. Aux yeux de la tendance Rivarol, ce sont les pires, notamment parce qu’ils ont sérieusement tabassé des militants lors d’une marche en hommage à Jeanne d’Arc dans les années 1990 », se souvient le politologue, assurant que les rangs du Bétar sont aujourd’hui « peu remplis ».

Dans le même registre, la Ligue de défense juive, branche française d’un mouvement sioniste fondé aux États-Unis au début des années 2000, se livre à des actions spectaculaires et violentes. L’association est même considérée comme terroriste outre-Atlantique – en raison d’une attaque prévue contre une mosquée. « Ce sont les plus radicaux, qui défendent Israël de façon complètement inconditionnelle et si nécessaire, avec la force », précise la sociologue Martine Cohen.

Le rôle du collectif lors de la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre est d’ailleurs dénoncé par La France insoumise. «Tabassage de manifestants dénonçant la présence du Rassemblement National ou scandant « Free Palestine », attaque contre des militants antiracistes, menaces de mort contre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron… », liste le parti dans un communiqué, appelant le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à interdire le groupuscule.

Marianne

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