Par Guy Millière pour Dreuz.info
Je m’attendais à ce que le résultat du premier tour de l’élection présidentielle française soit catastrophique. Il l’est bien plus encore que je pouvais l’imaginer.
Macron sera, je pense, réélu au deuxième tour, et il sera parvenu à ce résultat sans faire campagne, sans débattre (s’il a lieu, le débat de deuxième tour sera un non-débat), sans présenter véritablement un programme, sans avoir eu à rendre compte de son bilan, sans avoir parlé un seul instant de l’état réel de la France.
Ce sera une réélection ne reposant sur rien et n’offrant aucune perspective.
Ce sera une défaite du principe même de démocratie. Et la démocratie en France n’est plus qu’un vague spectre.
Marine Le Pen va continuer à pouvoir jouer le rôle de principale opposante, et le Rassemblement National va pouvoir continuer à jouer, lui, le rôle d’épouvantail pour les tenants du pouvoir et de défouloir vain pour ses électeurs. Elle continuera à être présentée comme d’”extrême droite” par les vecteurs de diabolisation, et sera laissé de côté le fait que si elle a un électorat populaire important, c’est parce que son programme économique est un programme de gauche étatiste et socialiste : elle est en fait la candidate d’une gauche nationaliste et nul élément dans ce qu’elle incarne et de ce qu’elle dit n’est porteur d’une dimension effectivement conservatrice (il n’y a de toute façon pas vraiment de conservatisme en France, et ce depuis longtemps).
La France Insoumise, ce mélange de marxisme-léninisme, de gauchisme, de tiers-mondisme, et d’ouverture à l’islamisme et à l’écologisme, va rester l’incarnation de la gauche française, et la France Insoumise va constituer l’opposition de gauche à Macron, servir là encore d’épouvantail pour les tenants du pouvoir (qui auront ainsi un deuxième épouvantail), et de défouloir vain pour un deuxième ensemble d’électeurs.
Comme c’était prévisible et prévu, le parti socialiste est mort, et il s’est tué tout seul en cessant d’être un parti social-démocrate et en s’éloignant du centre gauche (avoir choisi Anne Hidalgo comme candidate, la femme qui détruit Paris, était une idée digne d’un parti en phase terminale).
Le mouvement Les Républicains semblait à l’agonie, il est mort lui aussi, et en choisissant une candidate qui est un clone de Macron au féminin, il s’est tué tout seul lui aussi.
Le score des Verts montre qu’ils vont continuer à disposer d’un pouvoir de nuisance et de stérilisation.
Je dois ajouter à tout cela qu’Éric Zemmour a échoué, bien plus nettement encore que je l’anticipais.
J’avais noté que ses propos sur Poutine et sur les réfugiés ukrainiens lui avaient sans doute coûté très cher, et cela se confirme.
Je dois ajouter que, depuis la guerre d’agression lancée par le dictateur russe contre la démocratie ukrainienne, des gens qui soutiennent un dictateur légitimement accusé de crimes de guerre disent soutenir aussi Éric Zemmour : ces gens ne sont pas du tout fréquentables, et Éric Zemmour aurait dû les tenir éloignés de lui, comme on tenait éloignés de soi autrefois les porteurs de la peste, et il aurait dû les dénoncer. Il ne l’a pas fait. C’est une grave erreur.
Son projet, dans les conditions présentes, aura du mal à survivre et à s’imposer : la droite française ne se recomposera pas autour de lui. Son parti, Reconquête, lui, pourra survivre, mais restera un petit parti.
De toute façon, la droite française toute entière semble moribonde. La France est un pays imprégné de socialisme.
Je dois le dire : je pense que l’avenir de la France s’annonce très sombre.
Le projet inexplicite de Macron était de tuer la démocratie française et de n’en laisser que des décombres, il y est quasiment parvenu.
Le projet sous-jacent à son projet était de dissoudre la France dans une Europe régie par une technocratie idéocratique. Il est sur la voie qui lui permettra d’y parvenir.
Les débats d’idées en France étaient devenus très vides. Ils seront vraisemblablement plus vides encore.
Je ne suis pas même certain qu’il y aura des révoltes et des soulèvements.
La grande majorité de la population française vivra, je pense, comme un ensemble anesthésié, résigné, et glissera vers la continuation du déclin du pays.
Ce déclin est très net si on prend en compte l’ensemble des données économiques, démographiques et géopolitiques.
Ceux qui discerneront ce déclin et voudront le combattre seront imprégnés de rage, d’amertume et de rêves vains de retour à une grandeur qui n’a jamais vraiment existé. Ceux qui, tout en discernant ce déclin, comprendront qu’il n’y a sans doute rien à faire pour le conjurer, partiront s’ils le peuvent, ou glisseront vers le désespoir.
J’aimerais avoir des mots plus optimistes. Je ne peux pas, hélas. J’en suis désolé. Mon travail est d’analyser, pas de semer des illusions.
