Gaza : l’Agence France-Presse a-t-elle choisi le camp du Hamas ?

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L’examen des dépêches diffusées par l’AFP lors du dernier conflit semble indiquer un a priori anti-israélien et un déséquilibre en faveur des Palestiniens.

L’Agence France-Presse (AFP) a-t-elle manqué d’objectivité dans sa couverture du dernier conflit à Gaza entre le Hamas et l’armée israélienne ?

C’est le constat que l’on tire à la lecture de l’ensemble des dépêches diffusées sur l’événement par l’agence de presse française.

S’il était avéré, ce déséquilibre en faveur du Hamas serait en contradiction avec la Charte de l’AFP  qui s’engage à fournir une « information exacte, impartiale, libre de toute influence politique ou idéologique ».

Entre le 10 mai 2021, qui marque le début des tirs intensifs de roquettes depuis Gaza sur Israël, et le 21 mai 2021, date du cessez-le-feu, l’AFP a consacré un peu plus d’une centaine de dépêches à la couverture du conflit.

Les trois quarts de ces dépêches (environ 80) concernaient les développements factuels, les déclarations des différents responsables, les réactions diplomatiques et n’appellent pas de commentaires particuliers.

En revanche, l’AFP a diffusé une série de reportages sur les différents terrains qui privilégient – tant sur le plan quantitatif que qualitatif – le point de vue palestinien.

Certes, malgré le tir de plus de 4.000 roquettes sur les villes israéliennes, le nombre de victimes civiles en Israël est resté bien moindre qu’à Gaza, grâce à l’efficacité du système d’interception « Dôme d’acier ».

Cela justifie-t-il pour autant un déséquilibre dans le traitement de l’information en défaveur des Israéliens ?

Nous ne le pensons pas.

L’AFP s’intéresse plus à ce qui se passe à Gaza qu’en Israël

Cette disparité se manifeste tout d’abord par le nombre de reportages effectués dans chaque camp.

Selon le décompte d’InfoEquitable, l’AFP a diffusé 17 reportages depuis Gaza. Ces reportages sont pour l’essentiel consacrés aux frappes israéliennes et à leurs conséquences pour les populations civiles.

Dans la plupart des cas, les dépêches ne signalent que de manière très incidente que ces frappes sont effectuées en riposte aux tirs incessants de roquettes par le Hamas sur les zones civiles israéliennes.

L’AFP laisse entendre que ces tirs depuis Gaza sont une réaction légitime face l’attitude des Israéliens.

A aucun moment, il n’est rappelé que le Hamas est une organisation terroriste, classée comme telle sur la liste officielle de l’Union européenne.

Tous ces reportages ne sont pas loin d’insinuer que l’armée israélienne viserait délibérément les civils.

Les dépêches insistent sur la brutalité et la cruauté qui caractériseraient les bombardements de Tsahal.

En revanche, l’AFP n’a consacré que cinq reportages à la situation en Israël. Comme on va le voir, ces reportages parfois lénifiants décrivent a minima ce que vivent les populations civiles israéliennes.

Le déséquilibre avec la couverture des événements à Gaza est flagrant.

Des reportages à forte charge émotionnelle

L’AFP rapporte avec force détails les cas de civils palestiniens – en particulier d’enfants – victimes des frappes israéliennes.

C’est aussi l’un des thèmes centraux de la propagande du Hamas.

Le 11 mai, l’agence française rapporte l’histoire d’ « Ibrahim et Marwane » dans cette dépêche (reprise sur le site du journal libanais L’Orient-Le-Jour).

 « Le sang des deux frères, âgés de 10 et 14 ans, n’avait pas fini de sécher mardi matin devant leur maison », relate l’AFP dès les premières lignes

Selon la dépêche, les deux enfants ont été touchés alors qu’ils « se trouvaient devant chez eux avec leur cousin Ibrahim » et « remplissaient des sacs de paille pour aller les vendre au marché au bétail local ».

L’AFP poursuit : « un bébé de trois mois – Yazan, un cousin – et Rahaf, une cousine de 10 ans, ont également été tués par la frappe. Ahmad, un autre membre de la famille âgé de 22 a succombé à ses blessures. Il devait se marier samedi »

Le cousin survivant raconte : « « On avait préparé trois sacs, je suis allé en porter un à la charrette. On a rigolé et on s’est amusé, quand soudain ils nous ont bombardés, tout a pris feu autour. J’ai vu mes cousins brûler et être découpés en morceaux », ajoute le garçon de 14 ans, en sanglotant. Pourquoi m’ont-ils laissé ? J’aurais voulu mourir avec eux en martyr ».

Qu’est-ce qui a justifié ce bombardement de Tsahal ?

L’agence de presse française opère un raccourci malhonnête et inverse la chronologie des faits.

Dans les premières lignes de la dépêche, elle indique que « les affrontements à Jérusalem ont dégénéré au point d’entraîner des frappes israéliennes », ce qui est faux.

Ce sont les tirs palestiniens de milliers de roquettes depuis Gaza qui ont suscité la riposte de Tsahal.

Ce n’est que dans les paragraphes suivants que l’AFP précise que « le Hamas a lancé une pluie de roquettes sur Israël par « solidarité » avec les centaines de Palestiniens de Jérusalem-Est blessés dans des heurts avec la police israélienne sur l’Esplanade des Mosquées ».

Et il faut attendre le neuvième paragraphe pour que la dépêche indique que la frappe israélienne visait un commandant du Hamas, Muhammad Fayyad, présent sur les lieux et qui a effectivement été tué dans le raid.

Le 15 mai, nouvelle dépêche relatant la mort de 10 membres d’une même famille.

Le raid, dans le camp d’Al-Shati, a touché la maison de la famille Abou Attab, tuant la mère et ses quatre enfants, âgés de 5 à 15 ans. Quatre de leurs cousins, âgés de 8 à 14 ans, et leur mère sont morts alors qu’ils leur rendaient visite à l’occasion de l’Aïd el-Fitr qui marque la fin du Ramadan, indique l’AFP.

L’un des pères qui a échappé à la frappe, Mohamad Al Hadidi, est cité dans la dépêche : « Les enfants ne portaient pas d’armes, ils n’ont pas tiré de roquettes. Ils ont été tués alors qu’ils portaient leurs habits de fête ».

L’AFP signale ensuite que le raid visait « de hauts responsables du Hamas » et que Tsahal accuse le Hamas « d’utiliser délibérément des civils comme boucliers pour se protéger ».

Dans ses derniers paragraphes, la dépêche signale laconiquement que les frappes d’Israël sont « en représailles à des tirs de roquettes de groupes armés palestiniens vers son sol ».

Le 19 mai, l’AFP revient sur les suites de ce bombardement du camp d’Al-Shati.

Le reportage est consacré au bébé Omar, seul enfant survivant de la famille Al-Hadidi.

La douleur et la colère du père Mohamad sont largement rapportées dans la dépêche :« Il ne me reste plus rien, je n’ai plus que toi », répète le père palestinien de 37 ans, en fixant son fils endormi.

Le père de famille laisse exploser sa rage contre l’armée israélienne, dont les raids aériens ont tué en une semaine au moins 200 Palestiniens, dont au moins 59 enfants, et fait plus de 1300 blessés.

Il accuse l’armée de délibérément viser les civils. 

« Qu’ont-ils fait pour mériter d’être bombardés, sans aucun avertissement, sans qu’on leur demande d’évacuer la maison », dit-il en référence à une méthode parfois utilisée par l’armée pour avertir d’une frappe contre une habitation. »

Dans ses toutes dernières lignes, la dépêche rappelle sans plus de précisions que les frappes israéliennes sont « en réponse à un barrage de roquettes tirées par le Hamas sur Israël ».

Chaque jour, l’AFP diffuse des portraits de victimes palestiniennes. 

Les noms, les prénoms, les âges, les lieux, aucune information n’est négligée.

Aucune détail, aucune circonstance, aussi terribles soient-ils ne sont épargnés au lecteur.

(Dans tous ces reportages envoyés de Gaza, la version des Israéliens n’est indiquée qu’en fin de dépêche et toujours de manière succincte).

Des victimes israéliennes anonymes

Le 12 mai, un tir de roquette a touché de plein fouet un immeuble d’habitation de la ville de Sdérot.

Un enfant israélien de 6 ans est mort de ses blessures.

La dépêche de l’AFP (ici sur le site de Radio France internationale) rapporte l’information dans un style laconique et impersonnel.

Comment s’appelait cet enfant ? L’AFP ne l’a jamais dit. Avait-il un visage ? Aucune photo n’a semble-t-il été proposée aux clients de l’agence : aucun journal français ne l’a en tout cas diffusée.

Pourtant, le nom de cet enfant, qui s’appelait Ido Avigal, et son visage ont été rendus publics le jour-même en Israël.

Mais l’AFP n’a pas jugé utile de les publier, ni de donner le moindre détail sur ce qu’était sa vie familiale…

Les photos de l’appartement frappé par la roquette où vivait Ido Avigal et de son évacuation à l’hôpital où il est décédé, diffusées dans toute la presse israélienne, ont été pareillement ignorées par l’agence française.

La mort d’un enfant israélien de six ans ne présente visiblement pas d’intérêt médiatique pour l’Agence France-Presse.

Comment expliquer un tel désintérêt de l’AFP pour les victimes israéliennes, une telle disparité avec la couverture médiatique concernant Gaza, si ce n’est par des raisons idéologiques et de propagande ?

Ce silence concernant Ido Avigal n’est pas un cas isolé.

C’est en réalité une règle qui semble en vigueur à l’Agence France-Presse : rendre les victimes israéliennes du terrorisme le plus anonymes possible.

Ainsi, cette dépêche du 18 mai qui fait état de la mort de deux ouvriers agricoles thaïlandais.

Une nouvelle fois, l’AFP se contente d’un compte rendu laconique. Il y a deux morts, un blessé grave, d’autres blessés parmi les travailleurs étrangers qui se trouvaient près de la frontière avec Gaza.

On n’en saura guère plus. Ni leurs noms, ni leurs visages, ni les réactions de leurs proches.

Le bureau de Jérusalem de l’AFP s’est contenté du minimum syndical.

D’autres organes de presse ont fait leur travail.

Le quotidien israélien Yedioth Aharonoth a rapporté les propos de la veuve de l’un des ouvriers thaïlandais interviewée par le Bangkok Post.

Viravat Kronburirak avait 44 ans. Il travaillait dans une usine d’emballage du moshav (village coopératif) Ohad, dans le Néguev à proximité de la frontière avec Gaza.

Il vivait en Israël depuis trois ans. Chaque mois, il envoyait de l’argent à sa famille pour aider ses parents et construire une nouvelle maison en Thaïlande. Il appelait sa femme Ronart deux fois par jour, lors de sa pause déjeuner et le soir.

Le 18 mai son téléphone est resté silencieux. Ronart s’est inquiétée.

Sa maison été touchée par une roquette alors qu’il se reposait, chez lui.

L’autre ouvrier également tué dans l’explosion s’appelait Sikharin Sangmarm. Il avait 24 ans.

« Je suis perdue et sous le choc. La construction de la maison est terminée. Mon mari n’aura jamais la chance d’y vivre. Je ne sais pas ce que je vais devenir », a déclaré sa veuve.

On mesure le décalage avec la couverture médiatique concernant les populations de Gaza.

Tous ces drames semblent ignorés par l’AFP qui focalise de manière systématique sur les victimes palestiniennes et ignore celles qui se trouvent côté israélien.

De très rares dépêches décrivent la situation à Tel Aviv

Certes, il y a cette exception notable.

Alors que plus de 1.000 roquettes ont été tirées sur Israël la nuit précédente, l’AFP diffuse le 12 mai ce reportage effectué à Givatayim, une banlieue de Tel Aviv, qui décrit « la peur » des habitants dont certains ont vu leurs appartements touchés.

Mais les morts et les blessés israéliens demeurent toujours anonymes.

Voilà l’un des très rares reportages consacrés aux réactions des civils israéliens et à l’ambiance qui règne en Israël.

Il confirme le déséquilibre flagrant avec ceux dédiés aux populations palestiniennes.

Pour l’AFP, seuls les enfants palestiniens ont peur

Ainsi, cette nouvelle dépêche diffusée après la trêve sur le traumatisme des enfants palestiniens.

L’AFP revient sur la vie dévastée de familles palestiniennes, les angoisses des mères, les peurs des enfants qui font pipi au lit la nuit…

« Ce conflit donnera nécessairement naissance à une génération agressive, violente et pleine de haine », justifie un psychologue palestinien cité dans la dépêche.

Nous avons cherché un reportage équivalent effectué auprès des populations israéliennes.

Nous ne l’avons pas trouvé.

A en croire l’AFPil n’y aurait pas en Israël de populations traumatiséesd’enfants terrorisés par les milliers de roquettes tirées au milieu de la nuit.

L’AFP n’a pas trouvé de psychologue israélien pour légitimer par avance des réactions de haine et de violence, à l’instar de celui consulté à Gaza.

L’autodafé de Gaza

Le même jour, l’AFP diffuse encore ce portrait de Samir Al-Mansour, libraire palestinien dont la librairie a été détruite dans une frappe israélienne.

Tout, dans ce long reportage, est suggéré pour convaincre le lecteur que l’armée israélienne n’aurait d’autre objectif à Gaza que de s’en prendre à d’inoffensifs libraires et d’empêcher les Palestiniens de se cultiver.

« C’était le temple des livres dans la bande de Gaza. Le lieu où les lycéens pouvaient trouver un manuel scolaire, les plus pratiquants leur coran et les esprits bohèmes des traductions de Dostoïevski en arabe (…). Samir Al Mansour a vu la frappe israélienne foudroyer ce qu’il lui a pris une vie à construire », raconte la dépêche.

« Il y a 100.000 livres sous ces ruine. Je n’ai rien à voir avec un groupe armé, avec une faction politique, il s’agit d’une attaque contre la culture », déclare le libraire au reporter de l’agence française.

Noyé dans le texte, deux lignes à peine signalent le point de vue israélien :

Tsahal, dit l’AFP, « affirme » avoir « ciblé des infrastructures et maisons de commandants du mouvement islamiste palestinien ».

L’AFP critique les méthodes de Tsahal destinées à épargner les civils

Même lorsque Tsahal déploie le maximum de précautions pour épargner les populations, l’Agence France-Presse y trouve l’occasion de délégitimer une nouvelle fois les Israéliens.

La technique du « roof knocking » vise à avertir les civils d’une frappe imminente pour leur donner le temps d’évacuer la zone.

Tsahal est l’une des très rares armées du monde (sinon la seule) à mettre en œuvre une telle méthode.

Mais l’AFP y voit une « technique controversée ».

Quels sont les arguments avancés pour mettre en cause une pratique destinée pourtant à épargner le maximum de civils ?

L’AFP reprend les termes d’une déclaration de la porte-parole d’Amnesty International :

« Emettre un avertissement n’absout pas les forces attaquantes de leurs obligations vis-à-vis du droit humanitaire international d’épargner les civils ».  

Une formule évasive dont la portée générale dissimule très imparfaitement le ton et la ligne systématiquement anti-israéliens qui caractérisent depuis des années les prises de positions d’Amnesty International.

Cette déclaration est de surcroit contradictoire avec les principes déjà rappelés dans le passé par Amnesty International.

A l’issue du précédent conflit entre Gaza et Israël, en 2014, l’ONG avait en effet formulé toute une série de recommandations, notamment celle d’avertir les civils avant une frappe susceptible de les toucher :

« Toutes les parties doivent prendre les précautions qui s’imposent lors des attaques pour réduire au minimum les dommages aux civils et aux biens de caractère civil. Cela implique qu’elles doivent prévenir effectivement les civils avant toute attaque ».

Conclusion

Nous pourrions poursuivre encore ce long décryptage des dépêches publiées par l’AFP à l’occasion du dernier conflit entre Israël et le Hamas, tant les déséquilibres anti-israéliens et les partis pris idéologiques en faveur du Hamas nous ont semblé évidents.

Cet alignement éditorial sur les thèmes favoris de la propagande islamiste nous semble être en contradiction avec les principes de neutralité et d’objectivité prônés par la charte de l’Agence France-Presse.

InfoEquitable continuera inlassablement son travail de veille médiatique contre la désinformation anti-israélienne dans la presse francophone.

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