Helsinki : Comment Trump a refusé une deuxième guerre froide

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Russia's President Vladimir Putin (R) offers a ball of the 2018 football World Cup to US President Donald Trump during a joint press conference after a meeting at the Presidential Palace in Helsinki, on July 16, 2018. The US and Russian leaders opened an historic summit in Helsinki, with Donald Trump promising an "extraordinary relationship" and Vladimir Putin saying it was high time to thrash out disputes around the world. / AFP PHOTO / Yuri KADOBNOV

FIGAROVOX/ANALYSE – Hadrien Desuin analyse la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki. Il déplore le regard des médias occidentaux et l’ingérence de la politique intérieure sur la diplomatie aux États-Unis.


Spécialiste des questions internationales et de défense, Hadrien Desuin est essayiste. Il a publié La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie (éd. du Cerf, 2017).


«Ce n’est pas mon ennemi. C’est un concurrent et avec un peu de chance un jour ce sera un ami». Cette petite phrase, en apparence équilibrée, a été vécue comme une forfaiture outre-atlantique. Le premier sommet bilatéral entre les États-Unis et la Russie depuis neuf ans, ce lundi 16 juillet à Helsinki, a été abondamment commenté hors de l’Hexagone, où nous étions très occupés à fêter la deuxième étoile sur le maillot de l’équipe nationale de football.

 En réalité, l’opposition démocrate et parfois républicaine n’a pas supporté que le Président Trump rencontre Vladimir Poutine, en terrain neutre et sans conseiller pendant près de deux heures. «La Maison-Blanche est désormais confrontée à une seule, sinistre question: qu’est-ce qui peut bien pousser Donald Trump à mettre les intérêts de la Russie au-dessus de ceux des États-Unis?» a twitté le leader démocrate Chuck Schumer. À Washington, la deuxième guerre froide est déclarée et l’ambiance est au maccarthysme. «Un des pires moments de l’histoire de la présidence américaine» renchérit le sénateur de l’Arizona John McCain. En somme, les relations russo-américaines devraient être rompues et l’on s’offusque d’une rencontre entre ennemis. On accuse sans aucune précaution l’hôte de la Maison Blanche d’être manipulé par le maître espion du Kremlin. «Open treason» a titré le New York Daily News ce mardi 17 juillet. Il faut mettre en quarantaine le président, avant de le destituer. Le délire complotiste gagne les esprits de ce côté-ci de l’Atlantique. «À Helsinki, Trump s’aplatit devant Poutine» titre L’Express.

On a déjà oublié qu’à Bruxelles et à Londres, quelques jours plus tôt, Donald Trump battait le rappel de ses alliés européens afin qu’ils accroissent leurs dépenses militaires.

Un spécialiste français des États-Unis explique au quotidien 20 minutes qu’ «à Helsinki on a plutôt vu une soumission, une vassalisation du président américain.» Rien que ça! Comme si on avait déjà oublié qu’à Bruxelles et à Londres, quelques jours plus tôt, Donald Trump battait le rappel de ses alliés européens afin qu’ils accroissent leurs dépenses militaires. La menace russe était le prétexte pour doubler le budget de défense à hauteur de 4% du PIB et tout ce petit monde de s’en féliciter. Angela Merkel était sermonnée publiquement (parce qu’elle était coupable d’acheter du gaz russe) sans que personne n’y trouve rien à redire. Le président des États-Unis l’humiliait devant le secrétaire général de l’OTAN et Jens Stoltenberg ne pouvait s’empêcher d’opiner du chef devant les caméras. Et deux jours après, Trump serait une marionnette du Kremlin?

Donald Trump, qui avait déjà subi une telle pression avant le sommet de Singapour et sa rencontre avec Kim Jung-Un, a tenu bon. Il écoute les faucons qui l’entourent à Washington, Mike Pompeo et John Bolton. Mais «pendant la guerre froide, les États-Unis et la Russie ont réussi à maintenir un dialogue» rappelait-il pendant sa conférence de presse. Et en effet, les présidents Reagan, Bush père et Clinton ont rencontré bien plus souvent le président russe que les présidents Obama et Bush fils qui occupaient la Maison-Blanche après la fin de la Guerre froide. À juste titre, Trump déclare placer les intérêts des États-Unis au-dessus de ses propres intérêts politiques. «Je préfère prendre un risque politique qu’un risque pour la paix».

Depuis des mois, Donald Trump se débat contre l’enquête qui vise son entourage de campagne et accuse le camp démocrate de mener une guerilla juridico-politique à son encontre. Désormais, il ne veut plus se cacher. Les Européens sont-ils trop bêtes pour ne pas décrypter le petit jeu politicien de Washington?

Donald Trump a sans doute eu tort de répondre à certaines questions internes devant Vladimir Poutine. Trop sûr de lui, le président américain s’est placé dans une situation embarrassante devant son rival. Et puisque les médias évaluent les conférences de presse bilatérales comme après un débat télévisé entre deux candidats, il est assez juste de conclure que le Président russe était plus à l’aise à ce moment précis. Les téléspectateurs américains sont habitués à des duels diplomatiques en leur faveur. Reagan et Bush contre Gorbatchev, Clinton contre Eltsine.

Le microcosme washingtonien passe une bonne partie de son temps à déjouer d’hypothétiques complots russes à la Maison-Blanche.

L’Amérique ne supporte pas d’être placée à égalité avec la Russie et encore moins d’être en situation de fragilité. Mais à qui la faute? Le microcosme washingtonien passe une bonne partie de son temps à déjouer d’hypothétiques complots russes à la Maison-Blanche. Qui joue contre son camp dans cette grande comédie américaine: Trump ou ses adversaires? Faire en sorte que son président ne puisse organiser une rencontre bilatérale, c’est incontestablement affaiblir son pays. Nous assistons à une forme d’ingérence de la politique intérieure sur la diplomatie américaine qui peine dès lors à se déployer à sa juste mesure. Et Washington rejette la faute sur la Maison-Blanche…

La justice américaine prend le pas sur la politique internationale. Ce n’est pas une raison suffisante pour déclencher une deuxième guerre froide.

Source www.lefigaro.fr

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