Deux députés israéliens ont indiqué, ce mercredi 16 mai 2018, qu’ils proposeraient des projets de loi pour officiellement reconnaître le génocide arménien. Pour le peuple juifm il n’y a aucune raison morale de ne pas reconnaître la tragédie arménienne de 1915 d’1,5 million d’Arméniens en tant que génocide.
Israël a refusé de reconnaître formellement qu’il s’agit d’un « génocide », eu égard à l’opposition véhémente contre l’utilisation de ce mot par l’ancien allié musulman turc. C’est pourtant l’un des incidents les plus dramatiques et ignobles qui se soient produits au début du dernier siècle; perpétré par les Turcs ottomans il y a 103 ans.
Amir Ohana, député du Likoud, a indiqué qu’il remplirait les premiers papiers nécessaires à l’élaboration d’un projet de loi appelant Israël à officiellement reconnaître comme un génocide le massacre d’environ 1,5 million d’Arméniens par les forces ottomanes pendant la Première guerre mondiale.
Ohana- en photo ci-dessus – a expliqué que son projet de loi demanderait la mise en place d’une commémoration annuelle du génocide arménien.
« Il est temps de reconnaître l’injustice terrible qu’ont subi les Arméniens », a-t-il écrit sur sa page Facebook. « Est-il possible que l’Etat-nation juif, après tout ce que nous avons traversé, ne le reconnaisse pas ? », s’est-il interrogé.
Itzik Shmuli- en photo ci-dessous- législateur issu de l’Union sioniste de l’opposition, a expliqué pour sa part qu’il déposerait un projet de législation recommandant au pays de commémorer officiellement ce génocide chaque année.
La proposition de cette reconnaissance a été présentée aux bureaux compétents du parlement. Elle est appuyée par au moins 50 parlementaires appartenant tant à des partis de la majorité – Likoud compris – qu’à des partis de l’opposition.
La proposition de loi de Shmuli demande à la Knesset de reconnaître officiellement le génocide et de le commémorer annuellement lors d’une date précise. Le législateur veut également qu’Israël reconnaisse le massacre, moins reconnu à l’international, d’environ 300 000 Assyriens, également entre les mains du régime ottoman, prédécesseur de la Turquie moderne.
Le Président de la Knesset en personne, Yuli Edelstein, a déclaré qu’il fera son possible pour faciliter l’approbation de la proposition de loi.
Le ministre des Renseignements Israel Katz a fait savoir qu’il appuierait pour sa part une reconnaissance du génocide, tout comme le ministre de l’Education Naftali Bennett et la députée de l’Union sioniste Tzipi Livni mardi.
Livni a fait part de son soutien, disant que « la reconnaissance du génocide arménien est une affaire morale».
Le ministre de l’Education Naftali Bennett, à la tête du parti de droite HaBayit HaYehudi, a contacté le président de la Knesset pour qu’il autorise une reconnaissance officielle d’Israël du génocide arménien commis par la Turquie.
Israël devrait réexaminer sa position officielle sur la reconnaissance du génocide arménien, car les officiels israéliens ont peur d’employer ce mot aux commémorations marquant ce génocide.
Le président Reuven Rivlin, qui était l’un des plus fervents défenseurs de la reconnaissance du génocide lors de son mandat de président de la Knesset, avait évité le terme lors de la récente commémoration du centenaire, en 2015, décevant les dirigeants arméniens. Il l’avait pourtant employé lors d autres événements.
Israël – ainsi que d’autres pays, notamment l’Espagne et l’Allemagne – se sont abstenus jusqu’à présent de reconnaître le génocide arménien, redoutant la colère des musulmans turcs.
Ce n’est pas un secret que l’Etat d’Israël a pris jusqu’à présent une position ambivalente sur le génocide arménien. Une conjugaison de contraintes, diplomatiques et autres, a créé un état de fait dans lequel la position israélienne était trop hésitante, trop limitée et en conséquence, cela semble avoir diminué l’importance du terrible événement.
L’Etat d’Israël doit minutieusement examiner sa position officielle, puisque l’Histoire, comme nous le savons, ne peut être changée. Malheureusement, pendant de trop nombreuses années cette question a été un pion dans les mains de la politique étrangère d’Israël qui a choisi de sacrifier la vérité et la mémoire sur l’autel des intérêts.
Les Israéliens sont appelés cette fois à faire des pressions sur leur gouvernement, car plusieurs tentatives précédentes sont tombées dans l’eau. Il faut espérer que cette fois la tentative aboutie.
Des tentatives précédentes pour reconnaître ce génocide islamique
La Knesset avait de facto rejeté en février 2018 une proposition de loi présentée par Yair Lapid, parlementaire du parti centriste et laïc Yesh Atid, qui aurait officialisé la reconnaissance du génocide arménien de la part d’Israël. Le Vice-ministre des Affaires étrangères israélien, Tzipi Hotovely, avait déclaré qu’Israël n’aurait pas pris officiellement position sur la question du génocide arménien, « vu sa complexité et ses implications diplomatiques ».
Le 14 février 2018, à la Knesset lors d’un scrutin préliminaire, 41 voix ont voté contre et 28 voix pour. Le président de Yesh Atid – ‘Il y a un futur’ – parti centriste laïc, était à l’origine d’un projet de loi visant la reconnaissance de la part de l’Etat d’Israël du génocide arménien.
« Il n’y a aucune raison que la Knesset, qui représente une nation qui a traversé l’Holocauste, ne reconnaisse pas le génocide arménien et ait un jour de commémoration pour cela », avait déclaré au Jerusalem Post le député Yair Lapid.
Le 26 avril 2015, le Président israélien, Reuven Rivlin, avait accueilli à Beit HaNassi – sa résidence présidentielle – une commémoration visant à faire mémoire du centenaire de l’extermination planifiée des arméniens en Anatolie. Au cours de la cérémonie, le Président israélien avait souligné que le peuple arménien avait été « la première victime des exterminations de masse modernes » tout en évitant de prononcer le mot ‘génocide’ pour indiquer les massacres dans le cadre desquels moururent plus de 1,5 millions de personnes.
Plus récemment encore, en novembre 2017 le ministre arménien des Affaires étrangères, Edward Nalbandian, a rencontré en Israël, le président de la Knesset, Yuli Edelstein pour échanger sur un certain nombre de questions régionales urgentes, y compris l’importance de la reconnaissance par le Parlement israélien du génocide arménien. Ces perspectives sont restées lettre morte.
En effet, Israël avait longtemps des liens forts avec la Turquie ce qui s’opposait clairement à la reconnaissance du génocide. Le refus permanent de Jérusalem de reconnaître le génocide arménien a jusqu’à présent survécu à plusieurs débats à la Knesset et même aux efforts déployés par un ancien ministre de l’Education pour ajouter le sujet dans les programmes scolaires.
Les députés Zehava Gal-on (Meretz) et Arié Eldad (Union nationale) avaient demandé à organiser un débat public à la Knesset sur le génocide arménien, au sein de la commission de l’Education, le 26 décembre 2011. Jusqu’à ce datte, il se déroulait à huis clos, à la commission des Affaires étrangères et de la Défense.
La commission de l’Education de la Knesset avait discuté d’un projet de loi faisant du 24 avril 2011, date du début des exécutions en masse d’Arméniens en 1915, une journée de commémoration du « massacre du peuple arménien ». L’initiative avait échoué.
En 2011 il y’avait même une proposition de loi visant à la reconnaissance du génocide arménien par le parlement israélien, qui est présenté par l’ancien chef du parti d’extrême gauche Meretz, Haïm Oron (pour une fois la gauche honore son pays !).
Le Parlement israélien avait rejeté une proposition similaire en 2007, quand Israël et la Turquie entretenaient des liens étroits.
L’ancien ministre israélien de l’Environnement, Guilad Erdan, avait fait une déclaration encourageante à la tribune de la Knesset, le 6 mai 2009, en affirmant qu’Israël doit marquer le génocide du peuple arménien comme « un devoir moral ».
En 2015, le député Nachman Shai (Union Sioniste) et Anat Berko (Likoud) avaient représenté la Knesset en Arménie lors des événements marquant le centenaire du génocide. C’était la première fois qu’Israël envoyait une délégation officielle aux cérémonies de commémoration.
En 2016, la commission Knesset pour l’Education, la Culture et le Sport avait annoncé qu’elle reconnaissait le génocide arménien et a exhorté le gouvernement à reconnaître officiellement l’extermination de masse. « Il en retourne de notre obligation morale de reconnaître le génocide arménien », avait déclaré le président de la commission, Yakov Margi (Shas) lors d’une réunion en août 2016.
Margi avait exprimé ses regrets quant au fait que l’Etat d’Israël ne reconnaisse pas actuellement le génocide et avait appelé président de la Knesset, Yuli Edelstein, à le faire.
La députée de Meretz Zehava Gal-on, les députés de l’Union sioniste Zouheir Bahloul et Nahman Shai et le député de la Liste arabe unie, Dov Khenin, avaient exprimé leur soutien à la mesure.
Aux Etats-Unis la Commission des Affaires Etrangères de la Chambre des représentants a adopté, depuis le 10 octobre 2007, la résolution 106 reconnaissant le génocide arménien.
Israël a jusqu’à présent tenté de se distancier de la question, ne voulant pas offenser Ankara et dégrader les bonnes relations. Mais il voir aussi que la Turquie devient de plus en plus radicale et chancelante devant Israël.
La nouvelle proposition de loi visant à la reconnaissance du génocide arménien par le parlement israélien pourrait constituer une bonne occasion pour consolider les relations arméno-israéliennes.
Le député de centre-gauche Itzik Shmuli, membre de l’Union sioniste dans des déclarations faites aux médias israéliens, a fait remarquer qu’il n’existe pas de motif « pour traiter les turcs avec une délicatesse particulière, vue l’instigation contre l’Etat d’Israël déclenchée par le Président turc. »
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