Le rabbi de Kalov, par. Vayakel : l’équilibre entre la nourriture du corps et de l’esprit

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«Prélevez sur vos biens une offrande pour l’Éternel ; que tout homme de bonne volonté l’apporte, ce tribut de Hachem » (Chemoth 35,5).

Rabbi Yossef ‘Haïm de Bagdad zatsal rapporte dans son ouvrage, le Ben Ich ‘Haï, un récit porteur d’une grande leçon pour nous tous : un enseignant de Tora avait des élèves avec qui il étudiait chaque jour la Guemara. Le 17 Tamouz, un jour de jeûne, les élèves se présentèrent chez lui, mais il remarqua que certains élèves paraissaient d’humeur sombre et démotivés. Il craignait qu’ils manquent de forces en raison du jeûne, ce qui expliquait leur manque de motivation dans l’étude.

Lorsque les élèves eurent pris place, avant le début de l’étude, l’enseignant leur dit : « Je sens que je n’ai pas de forces aujourd’hui et je ne pourrai pas étudier, et j’aimerais jouer à un jeu de cartes, Kamar en arabe. Certains d’entre vous savez jouer à ce jeu ? »

Tous les jeunes hommes répondirent joyeusement : « Nous connaissons tous ce jeu. » Il leur distribua les cartes du jeu et ils jouèrent un quart d’heure avec énergie et enthousiasme, en poussant des cris comme à leur habitude.

Au bout d’un quart d’heure, il leur dit : « Mes fils, j’ai pensé que du fait qu’aujourd’hui, c’est un jeûne, vous n’avez pas la force d’étudier et de parler, mais je remarque présentement que vous avez beaucoup d’énergie, et de ce fait, apportez-moi les Guemaroth, nous allons étudier. »

Les élèves étaient piégés, ils n’avaient plus d’excuses pour prétendre qu’ils étaient faibles en raison du jeûne, car ils avaient déjà prouvé combien ils avaient d’énergie pour une activité profane…

Le Ben Ich ‘Haï explique ainsi que c’est la raison pour laquelle Hachem créa le langage utilisé par la Tora, qui est une nourriture pour l’âme, dans la bouche, qui est le lieu de la nourriture pour le corps, afin que l’homme en tire une leçon : mettre en parallèle l’œuvre sainte, réalisée au même lieu que l’œuvre profane : tout comme l’homme utilise sa bouche pour manger avec envie, de la même manière, qu’il s’en serve pour un usage saint de l’étude de la Tora.

Le ‘Hafets ‘Haïm mentionne à ce sujet une belle parabole sur la répartition de l’argent pour les différents besoins de l’homme : deux associés, Reouven et Chimon, dirigeaient une entreprise en commun, et ils décidèrent que chacun se servirait dans la caisse pour pourvoir à ses dépenses ménagères, et au terme de l’année, ils feraient les comptes et diviseraient les bénéfices en deux. À la fin de l’année, ils constatèrent que les bénéfices étaient très maigres, et décidèrent de réduire leurs dépenses, et de puiser dans l’entreprise des fonds minimaux pour vivre. Lorsque Reouven se servait dans la caisse pour les besoins de son foyer, Chimon le réprimandait en lui expliquant qu’il pouvait se suffire du minimum, et le forçait à prendre uniquement de l’argent pour acheter du pain et de l’eau.

Au terme de l’année, ils firent les comptes et réalisèrent que la situation de l’entreprise avait empiré. Reouven exprima son étonnement, il fit une enquête et découvrit que Chimon, qui l’avait contraint à prendre uniquement le minimum, avait pour sa part retiré des fonds avec largesse et dépensé librement l’argent de la caisse. Reouven lui exprima son mécontentement : « Est-ce un partenariat équitable, lorsque tu vis dans la largesse et le gaspillage sur mon compte, tandis que pour ma part, tu m’as forcé à vivre dans le dénuement le plus total ?! »

La morale va de soi : l’homme est composé d’un corps et d’une âme, et chacun d’eux a sa nourriture et ses besoins. Il doit diviser entre eux son temps et son argent. Deux partenaires y sont associés : le Yetser Hara fait en sorte qu’il ne manque rien au corps, tandis que le Yetser Hatov cherche à satisfaire aux besoins de son âme. Lorsque la parnassa est réduite, le Yetser Hara prétend qu’il ne faut dépenser pour les besoins de l’âme que le strict minimum : les Téfilines les plus simples, l’Etrog le plus simple, etc. Mais lorsqu’il est question des dépenses matérielles, le Yetser Hara l’incite à acheter un bel appartement de grande taille, de beaux ustensiles, etc.

Celui qui suit son mauvais penchant n’aura pas de réponse à fournir dans le monde de vérité. C’est pourquoi il est dit dans le Midrach (Beréchit Raba 93) : « Malheur à nous le jour du jugement, malheur à nous au jour de la réprimande », car le « jour du jugement » dont il est question ici se réfère aux fautes commises, tandis que le « jour de la réprimande » désigne les actions que l’homme a commises et qui contredisent ses excuses.

Nous devons examiner notre programme quotidien à l’aune de ces paramètres. Certains sont pressés de prier et quittent la synagogue avant la fin de la prière collective, et ne fixent pas de moment réservé à l’étude de la Tora, sous prétexte d’un manque de temps, mais on constate par la suite qu’ils gaspillent du temps sur des activités futiles, comme des discussions politiques.

Ce raisonnement s’applique également à ceux qui prétendent ne pas comprendre l’étude de la Tora. Dans le Tana Débé Eliyahou, on raconte qu’un chasseur s’excusa à Eliyahou Hanavi en expliquant qu’on ne lui avait pas accordé du Ciel d’intelligence et de discernement pour étudier la Tora. Le prophète Eliyahou lui répondit : « Si on t’a accordé de l’intelligence du Ciel pour semer, filer et tisser du lin, pour pêcher des poissons et chasser des volailles, alors pour l’étude de la Tora, à propos de laquelle il est dit : « Car elle est très proche de toi », on ne t’a pas accordé d’intelligence et de discernement ?!»

Rabbi Mena’hem Mendel de Kotsk zatsal éclaircit la réponse du prophète Eliyahou : il voulut lui prouver que les contraintes de la parnassa l’ont poussé à étudier le métier de la chasse, de la même façon, s’il sentait la même obligation à l’égard de l’étude de la Tora, il saurait certainement l’étudier.

Nous pouvons ainsi interpréter le verset de notre paracha : « Prélevez sur vos biens une offrande pour l’Éternel » : prélevez de vos forces, de votre argent et de votre temps pour le service divin. « Que tout homme de bonne volonté » : toute personne qui est attirée par une certaine chose trouve des forces, du temps et de l’argent pour l’obtenir, « l’apporte, ce tribut de Hachem » : ce sera la preuve qu’il a la faculté, de la même manière, de les prélever pour le service de Hachem.

Chabbath Chalom !

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