Peut-on encore étudier sereinement (à la fac) quand on est Juif ?

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TRIBUNE. Accusé de laisser prospérer l’antisémitisme, Sciences Po Paris se retrouve sous le feu des critiques. Un phénomène qui n’est pas exclusif à la pépinière des élites françaises, dénonce l’historien et essayiste Marc Knobel, qui raconte comment les universités sont vérolées par l’activisme.

Marc Knobel

Quelquefois, une caricature mordante vaut mieux que mille mots et celle-ci a été publiée sur le réseau X.

Dans une caricature générée par l’intelligence artificielle, l’on voit qu’à l’intérieur de ce que l’on distingue être un amphithéâtre d’université particulièrement bondé, des étudiants assis, regardent, scrutent un autre étudiant qui leur fait face, sur la tribune. Mais celui-ci est debout et il porte sur la tête une kippa. Il est lourdement enchaîné, ses yeux sont bandés et ses bras sont lacérés. Sur le balcon de l’université est accroché un immense drapeau palestinien.

Répond-il d’un acte d’accusation devant un tribunal pseudo-populaire et constitué… d’élégants étudiants ? Cette caricature grossit certes le trait, mais n’est-ce pas le rôle d’une caricature ? En tout cas, elle entend illustrer une crise, celle de nos universités, soumises au diktat de quelques groupuscules prétendument révolutionnaires et acquis à la cause palestinienne. Mais ce n’est pas seulement en France que des activistes perturbent les cours, envahissent des amphithéâtres, prêts à en découdre et à allumer des brasiers.

Les étudiants juifs américains sont soumis à une pression constante et les incidents violents et les agressions se multiplient

C’est une vidéo qui circule sur X. Le plus tranquillement du monde, avec un petit sourire froid et carnassier, couverte d’un voile, voilà ce qu’une étudiante bien maquillée, rose aux lèvres, du Durham College au Canada débite devant une caméra. « Je soutiens le Hamas, l’Histoire a été écrite par eux. Très fière de mon peuple. Très, très fière. J’adorerai qu’ils recommencent. Et encore, et encore, et encore, et encore, et encore, et encore ». « Non, ce ne sont pas des terroristes. Je soutiens chaque décision. Ce qu‘ils ont fait était historique. Très fière. L’Histoire a été écrite ce jour-là. Bravo au Hamas ».

Aux États-Unis, les présidentes des universités les plus prestigieuses de ce pays, Harvard, le Mitt, UPenn, avaient été auditionnées en décembre 2023 sur la manière dont elles combattraient l’antisémitisme dans les campus. Elles ont été incapables de dénoncer l’antisémitisme qui pourtant gangrène les facs américaines, qui à l’heure du wokisme, sont soumises aux diktats et aux oukases des postcoloniaux, de l’extrême gauche et de certains étudiants d’origine arabo-musulmane. Là-bas, les étudiants juifs américains sont soumis à une pression constante et les incidents violents et les agressions se multiplient.

C’est une autre vidéo, prise le 17 novembre 2023. Dans un amphithéâtre, on entend distinctement des hurlements. Un étudiant debout, éructe de haine et insulte un étudiant juif lors d’un débat à l’University College de Dublin. « Nous vous ferons encore et encore ce qui s’est passé le 7 octobre. Allah Akbar. » « Allah Akbar » retentit dans la salle, c’est la confusion, des étudiants se lèvent et quittent le lieu, pendant que des assesseurs tentent désespérément de calmer plusieurs étudiants.

Au cours de leur vie étudiante, 91 % des jeunes Juifs ont déjà été victimes d’un acte antisémite, révèle une étude Ifop

Et en France ? Camille est étudiante. Elle est féministe. Sur Twitter, elle a vu une de ses connaissances, une militante, défendre l’idée du viol de guerre. Pour elle, les Palestiniens ont le droit de violer des femmes juives. Depuis le 7 octobre, Max baisse la tête quand il passe devant ces tags qui ont fleuri un peu partout sur son campus universitaire de Nanterre (Hauts-de-Seine).

« C’est assez simple, le matin lorsque j’arrive devant les bâtiments, je vois des inscriptions antisémites. Lorsque je m’assois en amphi, je vois des croix gammées gravées sur les tables. Lorsque je veux écouter mon cours, je dois assister à des interventions d’étudiants pro-Palestine qui viennent nous expliquer que le Hamas a raison », souffle l’étudiant de 21 ans, de confession juive, au Figaro en novembre 2023.

Au cours de leur vie étudiante, 91 % des jeunes Juifs ont déjà été victimes d’un acte antisémite, révèle une étude Ifop édifiante publiée jeudi 28 septembre 2023, commandée par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). 36 % des étudiants juifs sondés affirment avoir déjà caché le fait d’être juif par peur de l’antisémitisme et 33 % disent avoir modifié leur comportement après avoir été confrontés à de l’antisémitisme.

Depuis le 7 octobre, des dizaines de faits relevant de l’incitation à la haine envers les Juifs ont été relevés dans nos facs

Depuis le 7 octobre, des dizaines de faits relevant de l’incitation à la haine envers les Juifs ont été relevés dans nos facs. Sur les campus, des collectifs d’extrême gauche revendiquent leur « antisionisme » au nom de « l’anticolonialisme ». Des tags antisémites, des inscriptions ont été relevées sur les murs de plusieurs de nos universités (Poitiers, Paris, Rennes, Strasbourg…) Dernièrement, le 12 mars, l’amphithéâtre Boutmy de Sciences Po a été occupé par des étudiants agités en soutien à la cause palestinienne et une étudiante juive s’est vue interdite d’entrée dans l’amphithéâtre.

Le 13 mars 2024, Gabriel Attal a annoncé qu’il allait saisir la justice après cette mobilisation et les accusations d’antisémitisme qui en découlent. François Heilbronn, qui enseigne à Sciences Po, A adressé une lettre ouverte à ses collègues étrangement silencieux de Sciences Po. Il prévient : « La haine antisémite d’une petite minorité agissante n’a pas le droit de cité dans ce qui a été dès l’origine, l’École libre des sciences politiques dont l’objectif a toujours été de former des esprits libres et luttant contre tous les totalitarismes. » Il n’est plus possible de fermer les yeux et de laisser nos universités devenir le terrain de jeu de quelques apprentis « révolutionnaires », à chaque soubresaut du conflit au Proche-Orient depuis l’intifada de 2000, lorsqu’à la place de débattre démocratiquement, ils sont ou seraient animés par un esprit de conquête et de revanche.

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