Russie-Ukraine, mais qui donc a ouvert la boite de Pandore ?

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Par Francis MORITZ – Temps et Contre temps

La guerre est la réponse de Moscou à l’expansion continue de l’OTAN vers l’Est. L’UE réagit à la guerre contre l’Ukraine, par un nouveau paquet de sanctions Au même moment, l’OTAN lance pour la première fois ses plans de défense pour l’Europe de l’Est. C’est la deuxième guerre d’agression d’une grande puissance contre un autre État en Europe depuis la fin du système de confrontations ; elle présente les caractéristiques que la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie au printemps 1999, la première guerre d’agression illégale sur le continent européen depuis la Seconde Guerre mondiale. La guerre contre l’Ukraine est la troisième contre-attaque de la Russie contre les provocations pro-occidentales et contre l’expansion régulière de l’OTAN vers l’Est. Cela a été précédé par un vaste réarmement et des manœuvres extensives près des frontières russes, ainsi que par le conflit sur l’éventuelle adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.

Les prémisses de l’action violentes étaient visibles pour les chancelleries et ses fins analystes, sauf peut-être chez certains encore pétris de leurs certitudes, dont Paris qui annonçait une rencontre au sommet démentie le lendemain par le Kremlin et suivi d’un appel téléphonique pour enjoindre à Poutine d’arrêter le conflit. Gouverner, n’est-ce pas prévoir et comprendre ses adversaires ? Sinon à quoi bon faire semblant de négocier.

Moscou se réfère au précédent du Kosovo en lien direct avec ses décisions successives et la caducité de fait de l’accord de Minsk. L’une des raisons était qu’il n’y avait plus aucune perspective de mise en œuvre de l’accord. Berlin et Paris en assument toute la responsabilité. Un grand quotidien allemand conseillait de poursuivre les négociations afin de contraindre la Russie, mais pas sérieusement pour sa mise en œuvre.  C’est ce qu’ont fait les deux partenaires du format de Normandie. Ils ont joué les prolongations sans intégrer que le compte à rebours avait démarré.

Poutine a compris que le président Zelensky ne pourrait jamais remplir les obligations figurant dans l’accord de Minsk. Il a donc décidé de reconnaître les deux républiques avec les mêmes arguments que Berlin et l’OTAN en son temps pour forcer la Serbie à se séparer du Kosovo contre sa volonté – C’est ce précédent qui a ouvert la boîte de Pandore en Europe. Il faut aussi rappeler que la Russie était en négociations avec les États-Unis en vue d’un accord sur la sécurité qui a été interrompu par les Américains. Joe Biden par ses déclarations équivoques a déjà jeté l’éponge en déclarant que son pays n’interviendrait pas en Ukraine.

Nombreux sont ceux, médias inclus, qui feignent d’ignorer que la guerre d’agression contre l’Ukraine n’est pas la première en Europe depuis 1945. La première sur le continent a été la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999, au prétexte de la violence serbe contre à la minorité albanophone au Kosovo. Le chancelier de l’époque, Gerhard Schröder, a admis que la guerre avait été menée en violation du droit international ; le secrétaire d’État de l’époque au ministère des Affaires étrangères, Wolfgang Ischinger, admettra ensuite – qu’elle était «problématique» au regard du droit international – «beaucoup !».

À cette époque, l’armée de l’air allemande a joué un rôle dans la destruction de la défense aérienne serbe pour préparer les frappes aériennes. Les Tornados allemands ont tiré plus de 230 missiles HARM sur des positions serbes. Le nombre des victimes n’est pas connu à ce jour. Avec cette guerre contre la Serbie, l’OTAN a ouvert la boîte de Pandore. A la guerre de la Russie contre l’Ukraine s’ajoute une seconde guerre d’agression en Europe, qui viole le droit international. Contrairement à ce qui était prévu après la chute de l’Union soviétique et l’entente Gorbatchev-Bush, il devait y avoir un modus vivendi en Europe et un accord sur la non-expansion de l’Otan face à la Russie.

La guerre russe est la réponse violente à l’avancée constante des puissances occidentales vers l’Est – et non la première. Lorsque la Géorgie, soutenue par l’Occident, a commencé à bombarder l’Ossétie du Sud en août 2008, rompant le cessez-le-feu, frappant les troupes russes surveillant le cessez-le-feu, les forces russes ont brièvement envahi la Géorgie pour arrêter tout nouveau bombardement : c’était la première réaction de Moscou. Quand, après les deux premières phases de l’élargissement à l’Est de l’OTAN, les Occidentaux ont soutenu un coup d’État à Kiev début 2014, qui comprenait plusieurs ministres du parti fasciste Svoboda et qui visait clairement l’adhésion à l’OTAN – une question très controversée dans le pays lui-même, la Russie a absorbé la Crimée après un référendum réussi : c’était la deuxième riposte de Moscou.

L’OTAN, à son tour, a répondu par une nouvelle escalade des tensions, en stationnant des troupes de combat en Europe de l’Est et du Sud-Est – en violation de l’Acte fondateur OTAN-Russie – et en amplifiant ses manœuvres près de la frontière russe, notamment par le déploiement d’importantes unités américaines transférées des États-Unis vers l’Europe de l’Est. La Russie a demandé à plusieurs reprises le démantèlement de la présence de l’OTAN en Europe de l’Est et du Sud-Est. Le pacte militaire occidental y a répondu en décidant le 16 février de stationner encore plus de troupes dans la région. Moscou a renouvelé ses demandes d’arrêter l’expansion de l’OTAN vers l’Est et, surtout, à ne pas accepter l’Ukraine dans l’alliance. L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est inacceptable pour la Russie qui perdrait la «profondeur stratégique». Ce qu’il faut comprendre comme zone tampon entre le cœur de la Russie et les puissants européennes (de l’Otan).

L’Otan a refusé d’officialiser sa position : l’Ukraine ne rentrera jamais dans l’Otan, ce pays est en guerre avec la Russie depuis 2014. L’UE n’intègrera pas ce pays, elle a déjà beaucoup de difficultés avec les pays de l’Est. Toutes les chancelleries le savent. On évoque toutes sortes de raisons qui ne constituent pas une acceptation, en invoquant la liberté de choisir une alliance, mais en ignorant le principe de «sécurité sans partage», qui est également inscrit dans les accords internationaux tels que la Charte européenne de sécurité et par laquelle tous les États sont tenus de ne pas mettre en danger ceux des autres États en garantissant leurs besoins de sécurité En outre, plusieurs pays de l’OTAN ont répondu aux appels à ne pas intégrer l’Ukraine dans l’alliance en commençant à moderniser encore plus largement les forces armées ukrainiennes, au mépris  de ses intérêts de sécurité en renforçant la présence de l’OTAN et en liant l’Ukraine à l’alliance militaire occidentale. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a récemment assisté à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN – la Russie a maintenant répondu par une troisième contre-attaque. Elle prend la même forme que la guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie en 1999.

Il y a évidemment un risque d’escalade incontrôlable. On ne peut que condamner la marche militaire en cours. On ne peut toutefois pas ignorer les origines du conflit et se poser la question : est-ce celui qui a ouvert la boite de Pandore qui est responsable ou est-ce celui qui en sort et peut-on être responsable mais pas coupable ou coupable sans être responsable ? Jean-Paul Sartre avait sa réponse, l’enfer c’est les autres. En dernière minute, mais très tardivement, le président ukrainien vient de déclarer qu’il pourrait discuter d’un statut de neutralité avec Moscou. Il vient de comprendre qu’il est seul face au Kremlin et son maître.

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