Le sens de ‘Hanoucca

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Le sens de 'Hanouka

Nous avons adapté assez librement deux interventions de rav Chalom Noa’h Bersovski zatsal, rabbi de Slonim, décédé en 2000 à Jérusalem. Son ouvrage s’intitule le Netivoth Chalom.

« Qu’est-ce que ‘Hanoucca ? Nos Maîtres ont enseigné que les jours de ‘Hanoucca débutent le 25 Kisslev… Quand les Grecs ont pénétré dans le Hékhal [l’antichambre du Temple], ils ont profané toutes les huiles qui y étaient entreposées. Après avoir vaincu les profanateurs, les ‘Hachmonaïm ont immédiatement cherché de l’huile pure pour rallumer le Candélabre. Ils n’ont trouvé qu’un seul flacon d’huile encore scellé avec le cachet du Grand-prêtre, et qui ne contenait que la quantité nécessaire à l’allumage d’une seule journée. Mais un miracle se produisit, et cette huile brûla finalement durant huit jours… L’année suivante, ils ont donc fixé des jours de fête, avec louanges et grâces… » (Chabbath 21b). Rachi revient sur la question de la Guemara, « Qu’est-ce que ‘Hanoucca ? », et explique qu’elle demande quel avait été le miracle essentiel justifiant l’institution d’une fête par les Sages. La Guemara répond que le miracle est le fait d’avoir trouvé une fiole d’huile encore pure, laquelle a maintenu le candélabre allumé durant huit jours. Mais cette réponse laisse perplexe : pourquoi le miracle de la fiole est-il considéré comme le miracle principal ? Celui de la victoire durant la guerre n’est-il pas plus impressionnant ? Nous récitons dans le ‘Al haNissim1: « Tu as livré des gens forts entre les mains de gens faibles, des gens nombreux entre celles de quelques individus » ; les ‘Hachmonaïm n’étaient qu’une poignée d’hommes face à une armée aussi nombreuse que le sable de la mer, et il est vrai que leur victoire dépasse tout entendement

On pourra mieux comprendre ce sujet grâce au Midrach commentant le verset du début de Beréchith (Beréchith Rabba 2,4) Et la terre n’était que solitude et chaos (Tohu vaBohu) ; des ténèbres couvraient la face de l’abîme et le souffle de D’ planait sur la face des eaux. Le Midrach rapporte ces expressions aux quatre exils : « Et la terre n’était que solitude – c’est l’exil en Babylonie ; et chaos – c’est l’exil chez les Mèdes ; des ténèbres – c’est l’exil grec, durant lequel les yeux des Juifs ont été assombris, car on leur disait : « Ecrivez sur une corne de taureau que vous n’avez aucune part au D’ d’Israël » ; la face de l’abîme – c’est l’exil de la royauté scélérate [Edom – Essaw], qui n’a pas de fin, tout comme l’abîme semble sans fond. Et le souffle de D’ planait sur la face des eaux – c’est le souffle du Machia’h.

On pourrait expliquer le verset suivant « Et l’Eternel dit que la lumière soit, et elle fut » en disant que chaque exil représente une écorce, dont on peut se libérer en utilisant la force de la lumière divine. Celle-ci « brisera » ces « filtres » pour se dévoiler à nouveau.

Chaque exil incarnant un tourment particulier, le verset définit donc l’exil grec comme celui de l’obscurité, parce que les Grecs ont voulu aveugler les yeux du peuple d’Israël avec leurs décrets hérétiques. Les Grecs savaient qu’éloigner les Juifs de la Tora était la seule façon d’asseoir leur domination sur le peuple juif. C’est pourquoi ils les ont forcés à écrire sur la corne du taureau qu’ils n’avaient aucune part au D’ d’Israël, la source essentielle de force et de rayonnement du peuple juif résidant dans leur conviction profonde d’avoir un lien avec D’. Tant que le Juif se sent proche de D’, il peut supporter les affres et les difficultés de tous les exils, comme il est dit (Tehilim/Psaumes 91,15) : Il M’appellera et Je lui répondrai, Je suis avec lui dans la détresse, Je le sauverai et le comblerai d’honneurs. S’il reste proche de Son Créateur, l’homme ressent que D’ est à ses côtés et comprend que tout ce qui lui arrive vient de Hachem, comme il est dit (Chemoth/Exode 3,7) : Car Je connais ses souffrances.

C’est pourquoi les Grecs n’ont eu de cesse de séparer les Juifs de leur D’, et d’annihiler leurs liens afin de saper la base même de l’existence du peuple juif. C’est la raison pour laquelle ils ont tenté d’empêcher la pratique du Chabbath, de la circoncision (Brith Mila) et de la célébration de la néoménie (Roch ‘Hodech), car ce sont des actes saints qui éveillent l’âme du Juif et lui permettent de ressentir son lien avec le Créateur du monde. Chabbath symbolise par excellence l’alliance entre Israël et D’. Treize alliances ont été scellées sur la Brith Mila. De la même manière le renouveau de la lune, qui rythme le calendrier juif en marquant le début du mois, souligne la proximité avec le Maître du monde2. Les Grecs ont compris dans leur perfide « sagesse » qu’empêcher l’accomplissement de ces mitsvoth aveuglerait les Juifs en les éloignant de leur Source. Leur funeste dessein était d’ailleurs clairement inscrit sur la corne du taureau : « Le peuple juif n’a pas de lien avec D’. »

C’est ce que nous récitons dans l’action de grâces du ‘Al haNissim : Lorsque l’empire grec perfide s’est levé contre Ton peuple d’Israël pour lui faire oublier Ta Tora et leur faire transgresser les lois de Ta volonté… Les Grecs ne cherchaient pas à supprimer physiquement les Juifs, mais à les annihiler spirituellement en leur faisant oublier la Tora, en les détournant de la Volonté divine et les amenant à s’assimiler. Ils savaient que tant qu’une étincelle subsisterait dans l’âme du peuple juif, ils ne pourraient atteindre leur but ; ils ont donc tenté de supprimer les éléments qui maintient cette flamme spirituelle. Une fois leurs yeux et leurs âmes plongés dans l’obscurité, les Juifs oublieraient la Tora et abandonneraient d’eux-mêmes la pratique des mitsvoth.

C’est pourquoi le miracle essentiel des événements de ‘Hanoucca est celui de la lumière de la Menora, qui a éclairé de nouveau les yeux du peuple d’Israël. Le fait même de dénicher cette fiole d’huile pure était inouï, et à plus forte raison le maintien de sa flamme durant huit jours. C’est en cela qu’Israël a vaincu, car la lumière est revenue éclairer le peuple d’Israël.
L’année suivante, ils l’ont marqué et en ont fait des jours de fête. L’année suivante, et non pas dès la survenue du miracle, parce que chez les Juifs, on ne fixe pas des jours de fête pour se souvenir ! Le nombre de miracles qui se sont produits au cours des générations est incalculable. Citons notamment le grand miracle qui advint du temps de ‘Hizqiyahou/Ezéchias, roi de Judée, quand le peuple juif était perdu, sans espoir aucun : en une nuit, D’ a sauvé le peuple juif et réduit à néant l’immense armée de San’hériv et ses 185.000 capitaines. Aucune fête n’a été instaurée en souvenir de ce miracle parce que son incidence n’a été que ponctuelle. On ne fixe pas de jour de fête simplement à titre de souvenir, mais uniquement lorsque le miracle reste toujours sensible chaque année à la même période. C’est pourquoi les ‘Hachmonaïm n’ont fixé la fête de ‘Hanoucca que l’année suivant leur victoire, lorsqu’ils constatèrent qu’au-delà du miracle militaire ponctuel, celui des lumières spirituelles est éternel, qui éclairent d’année en année, toujours, les âmes du peuple juif. C’est pourquoi ils ont décrété la fête de ‘Hanoucca en se basant sur le miracle de la fiole d’huile, qui est essentiel au regard des générations à venir. C’est là la quintessence de la fête : rappeler au Juif qu’il est éternellement lié au D’ d’Israël.

Pourquoi le miracle de ‘Hanoucca est-il éternel ? Car c’est le dernier miracle qui ait été réalisé avant l’exil actuel, défini comme « l’exil de la royauté scélérate, qui n’a pas de fin, tout comme l’abîme semble sans fond ». L’exil d’Edom est comme un abîme béant dont on ne voit ni le fond ni l’issue ; le nombre de malheurs qui s’abattent sur Israël est immense, et nul ne sait quand il prendra fin. Le miracle de ‘Hanoucca et ses huit jours de fête ont été fixés dans le but d’éclairer l’obscurité de cette période difficile. Ses lumières réjouissent l’âme du peuple juif et lui donnent la force de subsister dans cet exil si long, si ténébreux et si profond – jusqu’à ce que se dévoile le souffle de D’, qu’arrive le Machia’h et que la lumière du candélabre brille à nouveau comme naguère dans le Temple. On comprend ici pourquoi c’est cet événement spécifique de ‘Hanoucca qui a été pris en compte pour les générations à venir : afin d’apporter la lumière au plus profond de l’abîme du long exil. La Guemara le dit bien, qui répond que la fête de ‘Hanoucca ne symbolise pas la victoire militaire, mais le miracle de la lumière qui resplendit chaque année.

Cette période précédent ‘Hanouka était une période d’obscurité toute particulière pour le peuple d’Israël : la prophétie avait cessé et donc la Parole divine ne parvenait plus au peuple juif par l’entremise de ses prophètes. On ne peut imaginer obscurité plus profonde. Au début du Second Temple, il restait encore quelques prophètes, mais quand ils eurent tous disparu, l’obscurité est devenue totale et complète, sans la moindre étincelle de lumière. Ce fut là l’épreuve essentielle que la génération endura. D’ a montré par le miracle de la Menora que la lumière de la prophétie, comme celle de la Menora, est éternelle. Dans les ouvrages saints, il est dit que la lumière est enfouie dans la Tora : la lumière qui relie le Maître du monde et Israël est éternelle, et subsiste de génération en génération, guidant tout Juif dans l’obscurité de l’exil.

Dans le livre Méïr ‘Enaïm (Mikets), il est écrit que toutes les mitsvoth dépendant d’un temps donné sont caractérisées par le fait que chaque année, quand revient la période à laquelle cette mitsva a été ordonnée, l’esprit du temps existant à l’époque de la mitsva réapparaît de nouveau. Il en est ainsi par exemple avec la fête des matsoth, quand nous sommes sortis d’Egypte et des quarante-neuf portes de l’impureté. De même à chaque fête, le peuple juif se libère un peu des klipoth3 qui l’étouffent. Ainsi sans la fête des matsoth, le Juif n’aurait pas pu renforcer sa foi en D’. Et c’est ce que disent nos Sages : « A chaque génération, Il faut se sentir comme si l’on était soi-même sorti d’Egypte ». A la fête de Chavou’oth, c’est le don de la Tora et son acceptation qui se renouvellent à chaque génération. Et à Souccoth, nous sommes entourés de la grâce du Seigneur, comme lorsque les nuées de gloire nous enveloppaient dans le désert du Sinaï. Chaque jour de fête apporte au Juif des forces pour toute l’année.

‘Hanoucca, qui est la dernière fête instituée, apporte chaque année la lumière qui brillait à l’époque, ainsi que le dit le Ramban au début de la parachath beHa’alotekha. Il se fonde sur un Midrach rapportant que les chefs de tribus apportèrent leurs sacrifices lors de l’inauguration du Tabernacle ; or Aharon se sentit défaillir, parce que ni lui ni sa tribu n’avaient apporté de sacrifice (la tribu de Lévi n’étant pas soumise à cette mitsva). D’ dit à Moché, à l’adresse d’Aharon, que les chefs de tribus n’offrent de sacrifices que tant que le Temple existe, alors que celui de la tribu de Lévi, à savoir l’allumage des lumières, est éternel. On peut se demander ce que signifie cette éternité, puisque ces lumières ont disparu depuis la destruction du Temple. Et le Ramban de répondre que cette perpétuation de l’allumage de la Menora se fera grâce aux lumières de ‘Hanoucca. C’est ce qu’exprime le Midrach par « le tien se maintiendra à tout jamais ». Même si la lumière de la Menora était permanente et ininterrompue, témoignant de la Présence divine « effective » en Israël, alors qu’à ‘Hanoucca, les huit jours de fête que D’ a institués à ‘Hanoucca maintiennent l’incandescence de la lumière éternelle pour tout le reste de l’année
La mitsva des lumières de ‘Hanoucca est le dernier commandement d’une fête instaurée par nos Sages. Il permet d’apporter de la lumière au peuple juif dans son dernier exil, exil particulièrement long et stigmatisé par les épreuves et la souffrance. Les lumières de ‘Hanoucca sont en mesure de repousser l’obscurité dans laquelle les Grecs ont voulu faire plonger le peuple juif, et donne à Israël la force de subsister malgré les affres de l’exil.

Mais il y a lieu de se demander en quoi l’exil grec est particulier par rapport à tous les autres, puisqu’à chaque exil, les Juifs ont souffert de persécutions et d’épreuves. Il semblerait que les autres difficultés n’aient pas eu pour conséquence l’aveuglement spirituel des Bené Israël ; tant que leurs yeux restent « ouverts », c’est-à-dire que leur âme leur donnent une force éternelle, dont D’ est la source, ils sont capables de tout supporter. Les Grecs, dans leur sagesse erronée, savaient que la meilleure voie pour vaincre Israël était de les éloigner du Maître du monde. Lorsque le Juif se sent « abandonné » par D’, il n’est plus capable de faire face aux épreuves, et ne trouve plus de sens à sa vie, ainsi que l’exprime rabbi Yehouda haLévy : « Si je suis éloigné de Toi, c’est la mort dans ma vie ; et si je suis dans Ta proximité, je reste vivant même dans la mort ». Lorsque le Juif est proche de D’, qu’il se trouve dans ce monde-ci ou dans le monde futur, il reste toujours serein et heureux car il sait que l’Eternel est à ses côtés dans les difficultés, « Si je monte au Ciel, Tu y es ; si je plonge dans les abîmes, je T’y retrouve » (Tehilim/Psaumes 139,8). On peut comparer ce sentiment à celui d’un fils prêt à endurer toutes les punitions possibles, mais pas celle d’être chassé de la maison de son père, punition qui lui est par trop insupportable : « Ne me rejette pas de par devant Toi » (id. 51,13).

Cette idée se retrouve dans les commentaires du Zohar (Chemoth) sur le verset « Auprès des fleuves de Babylonie, nous avons pleuré » (Tehilim/Psaumes 137,1). Quand le peuple juif s’est vu mener en exil en Babylonie, il était très découragé. Les Bené Israël pensaient ne plus avoir d’avenir, car D’ S’était détourné de leur sort et les avait abandonnés. Nos Sages rapportent qu’à ce moment, D’ a convoqué tout Son palais et toute Son armée, et leur a dit : « Qu’avons-nous encore à chercher en Erets Israël, quand les enfants d’Israël se trouvent en Babylonie ? Quand nos chéris sont en exil, vous restez ici ? Que tout le monde se rende là-bas, et Je viendrai aussi ! » C’est le sens du verset (Yecha’yahou/Isaïe 43,14) : « J’ai été envoyé en Babylonie pour vous ».

Lorsque les Juifs sont arrivés en Babylonie, la Présence divine s’est manifestée au prophète Ye’hezqel/Ezéquiel, qui a transmis à Israël : « Vous resterez longtemps ici, [mais] sachez que D’ et tout Son palais d’En-Haut sont venus pour être avec vous. » Le peuple juif s’est alors réjoui de cette prophétie, et l’exil leur a été moins difficile à supporter.

Les Grecs ne s’opposaient pas à ce que l’on dise que D’ a créé le monde, mais ils ont réussi à brouiller les yeux d’Israël, en leur répétant qu’ils avaient perdu tout lien avec le Créateur du fait de leur déchéance.

Le miracle est venu prouver le contraire : il a eu lieu justement avec la Menora, qui témoigne de la Présence divine au sien du peuple juif (Chabbath 22b).

Nos Sages ont instauré la mitsva de ‘Hanoucca, qui a pour force d’éclairer le peuple juif dans les souffrances de son exil jusqu’à ce que la lumière du Machia’h arrive. Cette mitsva vient rappeler au peuple juif que D’ reste présent parmi eux, dans toutes les générations, et même dans les situations les plus désespérées. La Halakha est fixée comme rabbi Méïr, qui affirme que d’une manière ou d’une autre [malgré leurs grandes fautes], « les Juifs sont appelés Ses enfants » (Sifri, Devarim 96, contre l’avis de rabbi Yehouda). Il existe des relations d’amour qui se rompent, mais celles qui nous lient à nos enfants ne s’éteignent jamais. C’est cette lumière qui s’est dévoilée à ‘Hanoucca : quoi qu’il en soit, les Bené Israël sont appelés « enfants du Créateur », et cette lumière accompagnera le peuple juif durant toutes les générations, jusqu’à la venue du Machia’h

De même que la mitsva de ‘Hanouka a été donnée au peuple juif dans son ensemble pour le réconforter dans son exil jusqu’à la venue du Machia’h, de même sa lumière parvient à chaque famille, comme le dit la Guemara : « La mitsva de ‘Hanoucca concerne chaque individu et son foyer, et chez les fidèles scrupuleux, chaque individu allume sa propre lumière » (Chabbath 21b). Tout homme et tout foyer détiennent une certaine part d’obscurité, chacun connaît diverses difficultés liées à lui-même et à sa maison. C’est pour faire face à ces vicissitudes que la mitsva a aussi été donnée dans chaque maison. Et les plus scrupuleux allument chacun leur lumière, afin que chaque individu puisse trouver la lumière dans ses propres problèmes. La lumière qui jaillit des bougies de ‘Hanoucca apporte de l’éclat à tout le peuple juif, à chaque famille, et à chaque individu, face à toutes les difficultés matérielles ou spirituelles qu’ils peuvent affronter, et à toutes les détresses qui peuvent obscurcir leur vie.

C’est ce qu’écrit le Rambam, à la fin des Hilkhoth ‘Hanoucca : « La mitsva de ‘Hanoucca est très précieuse », ce qui est une expression que l’on ne trouve utilisée nulle part ailleurs pour qualifier les commandements. Mais cela s’explique facilement, quand on sait que D’ a voulu montrer par cette mitsva qu’Il est présent dans toutes les situations, et que la Présence divine reste aux côtés du peuple juif et de chaque Juif, même dans les pires des situations.

Au temps de ‘Hanoucca, l’avenir spirituel du peuple juif était très menacé. Les Grecs avaient émis des décrets interdisant la pratique du Chabbath et de la circoncision, et le respect de la néoménie. Or ce sont les fondations essentielles du judaïsme. Ils ont obligé les Juifs à inscrire sur une corne de taureau : « Vous n’avez pas part au D’ d’Israël ». Les Juifs ont eu gain de cause en s’appuyant sur leur confiance et leur foi. Une poignée d’entre leurs hommes est allée combattre les puissants soldats grecs, comme l’écrit Rachi (Devarim/Deutéronome 33,11) sur le verset « Brise les reins de ses agresseurs » : les ‘Hachmonaïm étaient douze avec El’azar contre des dizaines de milliers d’ennemis. C’est exactement ce qui est dit dans le ‘Al haNissim « Et Tu as mis des soldats en grand nombre entre les mains de quelques personnes ». Leur victoire paraissait hors d’atteinte, mais leur confiance et leur foi l’ont rendue possible, car il leur était clair que « D’ ne peut abandonner Son peuple et délaisser Sa part » (Tehilim/Psaumes 94,14). Ils ont ainsi mérité un miracle et la concrétisation du verset (id. 69,7) « Que ceux qui Te font confiance n’aient pas honte. Pour faire savoir que tous ceux qui Lui font confiance n’auront honte, et que ceux qui lui accordent leur foi n’auront jamais de déshonneur» (Chochanath Ya’akov – chant de Pourim)

Le Maguen Avraham (Hilkh. Chabbath § 295) explique ainsi la raison pour laquelle on double le verset Orekh Yamim… du psaume Yochev beSéter (Tehilim/Psaumes 91,15) : le Tachbetz écrit que lorsqu’on double ce verset, le psaume compte alors 150 mots, ce qui correspond au mot « haKohanim » (les prêtres), car les ‘Hachmonaïm, qui étaient des Kohanim, ont récité ce psaume et ont vaincu leurs ennemis. Ce psaume a été leur arme et c’est par sa force qu’ils ont vaincu. Ce chapitre, réputé être un chant de protection contre les Pega’ïm (les diverses menaces de la vie), est en fait le chant de la confiance et est entièrement bâti sur les notions de foi et du crédit placé en D’. Il débute par les mots : « J’ai dit à l’Eternel : Tu es mon refuge, ma citadelle, mon D’, en Qui j’ai placé ma confiance. » Tout au long de ce psaume, il n’est nullement question de mérites, mais uniquement de confiance en D’. En effet, même une personne qui n’a aucun mérite particulier mais qui reste fidèle à D’, en Qui il place toute sa foi, verra s’ouvrir devant lui toutes les portes de la réussite, la force donnée par la confiance en l’Eternel ne connaissant pas de limite. Comme il est dit par la suite : « Car c’est Lui Qui te protège du piège… car à Ses anges Il a donné mission de te protéger en toutes tes voies ; sur leurs bras ils te porteront pour que ton pied ne trébuche sur aucune pierre, tu marcheras sur le chacal et la vipère, tu fouleras le lionceau et le serpent… Rien ne peut tenir devant une telle disposition, ni les difficultés naturelles, ni les épreuves surnaturelles.

C’est ce qui a fait la force des ‘Hachmonaïm : ils ne sont pas sortis, faibles et peu nombreux, mener une guerre suicidaire contre une puissante et valeureuse armée, que D’ nous en préserve. En réalité, ils étaient certains d’emporter la victoire. Bien que les chances de vaincre étaient nulles sur le plan purement matériel et militaire, ils ont placé leur confiance en D’ Qui les sauverait, car la force de la foi permet d’obtenir des victoires qui dépassent de loin les prédictions humaines. L’arme ô combien puissante de ce psaume a permis de triompher de l’obscurité. Les Bené Israël ont mérité que se réalise le verset « Toi, qu’à tes côtés en tombent mille, et dix-mille à ta droite – toi, le mal ne t’atteindra pas. » Aucune force ne peut résister à la confiance en D’, qui est une sorte d’arme secrète capable d’anéantir les plus grands rois et de terrasser les empereurs les plus redoutables.

Il en a été de même lors du miracle de Pourim, quand Mordekhaï refusa de se prosterner devant le roi malgré le décret menaçant de mort tout contrevenant. Il a déclaré à Esther (Esther 4,14) : « La délivrance et le salut pour les Juifs surgiront d’ailleurs », tant il était intimement convaincu que les Juifs obtiendraient leur salut ; cette conviction était telle qu’il alla jusqu’à demander à Esther de se mettre en danger. C’est grâce à leur croyance dans les mots du verset « Tous ceux qui Lui font confiance n’auront honte, et que ceux qui lui accordent leur foi n’auront jamais de déshonneur » que les Juifs ont eu le dessus sur leurs ennemis. La « raison d’être » de ces deux fêtes [‘Hanoucca et Pourim] est donc d’inculquer à Israël cette force de la foi et de la confiance4.

En cela, ce qui est dit à propos de ‘Hanoucca et de Pourim est plus remarquable que ce qui est dit à propos de la Sortie d’Egypte, lors de laquelle les Juifs, s’ils ont été libérés du joug de l’Egypte, n’ont pas eu le dessus sur leurs ennemis. Nos Sages expliquent qu’en Egypte, le peuple juif n’avait « que » la force de sa foi [NDLR : une fois infuse, sous-jacente], comme il est dit « Nos ancêtres ont été délivrés d’Egypte par le mérite de leur foi » ; c’est pourquoi ils ont « simplement » mérité d’être délivrés du joug égyptien. Mais à ‘Hanoucca et à Pourim, ils ont placé leur totale confiance en D’, c’est pourquoi ils ont obtenu une victoire encore supérieure. A Pourim, ils ont dominé leurs ennemis, et à ‘Hanoucca, ils ont récupéré la royauté pour plus de deux cents ans, jusqu’à la destruction du Temple (Rambam Hilkh. ‘Hanouka 3,1).

La force de la confiance en D’ est redoutablement puissante. On peut se reposer sur la Tora et l’accomplissement des mitsvoth positives, ou sur la prière, mais la confiance et la foi en D’ les dépassent en ce qu’elles sont la clé pour sortir des situations les plus délicates, et pour mériter des prodiges tels que les décrivent les Psaumes : « Il a abattu les portes d’airain et brisé les verrous de fer » (Tehilim/Psaumes 107,15). C’est la colonne vertébrale du Juif : il dispose de toute la Tora et des 613 mitsvoth, mais sa base est la foi et la confiance. Le Pri haArets écrit que toutes les épreuves du Juif tournent autour du sujet de la foi, car celle-ci est à la base de tout. Et toute la lutte contre la klipa5 de la Grèce se plaçait aussi à ce niveau-là. Lorsque D’ a sauvé Israël des griffes grecques, c’est dans ce même cadre que cette délivrance a eu lieu, pour montrer que même lorsque le peuple juif est plongé dans la plus profonde déchéance, il reste lié à D’ sans condition aucune.

Ils méritent donc leur délivrance, non point du fait de leur élévation spirituelle, mais grâce au fait qu’ils sont convaincus que D’ ne les abandonnera pas et de les délaissera pas, comme un père face à ses enfants.

Et, contrairement à l’idée que les Grecs ont voulu diffuser, il s’est avéré que le peuple juif conserve sa part en D’ même dans les situations les plus désespérées !

(1) Section de prière rajoutée dans le Birkath haMazon et dans la ‘Amida pendant les huit jours de ‘Hanouka.

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(2) L’auteur fait sans doute allusion au fait que le peuple juif ait le pouvoir de fixer la date du début du mois qui influence la fixation de toutes les fêtes (cf. Kountrass n° 55, « Les décrets grecs »).

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(3) Les « écorces », notion qabalistique, faisant allusion à des forces extérieures à la sainteté, qui l’entourent et qui l’obscurcissent.

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(4) Soulignons que cette foi et cette confiance ne motivent pas le peuple juif à entreprendre des guerres de religion (pas de djiad juif…) ni à attaquer d’autres peuples mais à savoir placer sa confiance en D’ et espérer que la délivrance viendra grâce à Son aide dans toutes les situations de danger – qui sont tellement fréquentes pour notre peuple. La nuance est importante. Il s’agit toujours d’une défense et non d’une attaque extérieure. Et, contrairement aux hommes de la foi des temps modernes, c’est d’une foi reposant totalement sur D’ dont il s’agit.

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(5) Voir note 4.

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Kountrass Magazine nº 116