Tracking : un débat historique devant la Cour Suprême en Israël

Tracking : un débat historique devant la Cour Suprême en Israël

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Tracking : Un débat historique devant la Cour Suprême en Israël

Par Me Julie Jacob

UN ARTICLE EXCEPTIONNEL. Alors qu’en France, le principe de la mise en place d’une application de tracking post-confinement des personnes touchées par le Covid-19 est en pleine discussion, en Israël un débat sur le tracking par le Shinbet a eu lieu ce jeudi 16 avril 2020 devant la Cour Suprême.

Ce débat est historique par de nombreux aspects: c’est la première fois que – confinement oblige – la Cour Suprême autorise le streaming en direct de ses débats, et qui plus est à propos de prérogatives d’une institution dont la confidentialité de ses modes d’action sont règles d’or : le Shin Beth.

D’autre part, elle doit déterminer si une disposition de la législation sur le Shin Beth, qui l’autoriserait à élargir son champs d’action sur la surveillance de la population en cas de circonstances exceptionnelles ayant trait à la sécurité de l’Etat, peut être utilisée en cas de crise sanitaire. Enfin, ce débat devant la Cour Suprême vise la capacité du Premier Ministre à utiliser les lois d’urgence pour réguler le présent contexte de pandémie sans passer par le Parlement alors même que le nouveau gouvernement n’est toujours pas formé.

Aujourd’hui, il existe en Israël pour surveiller l’épidémie du Covid 19 :

  • D’une part, un système de contrôle et de tracking utilisé par le Shin Beth. En effet, le Shabak peut suivre et à tracer, en cette période de confinement, les déplacements des téléphones portables des Israéliens qui sont infectés par le coronavirus. Israël utilise notamment une combinaison de données de localisation, de séquences de caméras vidéo mais également d’informations sur les cartes de crédit afin de suivre la propagation du Covid-19 sur le territoire. En cas de violation du confinement, c’est l’amende assurée ! Il n’y a aucun accord préalable des personnes trackées à un tel suivi et cet enregistrement s’impose d’office. En pratique, il s’agit de suivre les données de localisation des téléphones portables des personnes contaminées, et de leur entourage dans les 14 jours avant qu’elles aient été testées. Ces données sont transmises au ministère de la Santé qui informe par texto les personnes susceptibles d’avoir été contaminées, en leur demandant de rester confinés.

L’objectif est de pouvoir informer les personnes qui sont possiblement entrées en contact avec des personnes touchées par le virus.

  • D’autre part, il existe une application dénommée « Hamagen » (« Le Bouclier ») qui permet de savoir si on est entré en contact des personnes contaminées. L’application, développée par l’institut Weizman et le Ministère de la santé, recoupe l’historique de localisation des mobiles avec les données de localisation des malades répertoriées par le Ministère de la Santé. L’application s’utilise sur la base du volontariat et alerte les utilisateurs s’ils se sont rendus à un endroit en même temps qu’un malade du Covid.

Cette application collecte des informations GPS et SSID (réseau WiFi) du terminal mobile d’un utilisateur tout au long de la journée. Les données sont enregistrées uniquement sur l’appareil mobile en interne et ne sont pas transmises aux autorités. A noter que le code source de l’application a été publié sur GitHub sous la licence MIT afin que d’autres pays puissent également l’utiliser.

L’utilisateur peut supprimer l’application de son terminal à tout moment et les informations enregistrées sur l’appareil seront dès lors effacées. L’application demande donc l’autorisation expresse à l’utilisateur de donner accès à sa géolocalisation. On peut donc se féliciter que c’est la volonté expresse de l’utilisateur qui prime.

  • Les informations collectées sur chaque utilisateur (à savoir la localisation et l’horaire de déplacement) sont stockées uniquement dans la mémoire interne de l’appareil mobile de l’utilisateur et non pas dans le cloud. Les informations ne seront pas stockées sur un serveur central du Ministère de la Santé.

L’application Hamagen fournit deux types de services :

  • La collecte d’informations sur les déplacements qui permet d’être alerté en cas d’exposition à un malade,
  • La possibilité de reconstituer les itinéraires empruntés durant les 14 derniers jours qui précèdent.

Le débat historique qui a lieu aujourd’hui devant la Cour Suprême est de savoir si le Shin Beth est autorisé à contrôler les personnes civiles, et plus généralement si le gouvernement peut légiférer sans passer par le Parlement en raison de cette pandémie que nous vivons.

Ces débats autour des pouvoirs du Shabak et de la protection de la vie privée des israéliens nous montrent que la protection et le respect des libertés individuelles est un principe fort en Israël.

Cette mesure de contrôle par le Shin Beth doit désormais se faire sous le contrôle d’une commission parlementaire.

Parallèlement, en France, afin qu’une application puisse voir le jour, il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre santé publique, protection de la vie privée et secret médical. Le socle réglementaire français – et même européen – assure un niveau de protection fort et indépendant de la vie privée, sous le contrôle de la CNIL.

En effet, la règlementation Européenne encadre strictement l’utilisation et les finalités du traitement des données personnelles de chacun qui sont indispensables à la survie d’une application de traçage numérique. Cela permet donc aux utilisateurs de savoir quelles données les concernant sont traitées, pour quelles finalités et pour quelle durée. D’ailleurs, la CNIL est intransigeante sur ce point, et réaffirme le fait que l’application qui sera implémentée en France devra respecter la réglementation européenne.

Tant en France, qu’en Israël, il est désormais indispensable de trouver un compromis nécessaire et temporaire afin d’encadrer les libertés individuelles des citoyens. Quand bien même la tentation serait forte pour les Etats de renforcer la surveillance afin d’éviter la propagation du Covid-19, ils doivent mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour respecter la vie privée de tous.

 Julie Jacob

Avocat Associée • Technologies, Média, Compliance, Propriété Intellectuelle •

161 Avenue Victor Hugo • 75016 • Paris • www.jacobavocats.com

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