Tsvi Yehezkeli, analyste des affaires arabes pour la chaîne i24, a réagi à la question de la fermeture de Galé Tsahal (la radio de l’armée israélienne). Dans un long message publié sur Facebook, il écrit : « J’y ai travaillé, je l’ai fait, et c’est un dommage immense. C’est un autre volet de notre échec global et de l’effondrement du 7 octobre. »
« Regardons la question autrement »
« Je me suis demandé si je devais réagir à cette question de la fermeture de Galé Tsahal, et si une telle mesure est juste ou non. Au-delà du débat typiquement israélien – marqué par la division droite/gauche, propre à notre société, notre politique et nos médias –, je propose une approche complètement différente : celle de la compréhension du Moyen-Orient. »
Yehezkeli cite le grand orientaliste Bernard Lewis, ז״ל : « Nous ne devons pas regarder le Moyen-Orient à travers nos yeux occidentaux, mais tel qu’il est perçu par les Arabes eux-mêmes. »
« L’armée, dans le Moyen-Orient, a pour rôle de vaincre »
« J’ai travaillé à Galé Tsahal entre 1998 et 2002, non comme soldat mais comme civil après mon service militaire et huit années au sein du Shin Bet.
J’y suis entré pendant le processus d’Oslo, juste avant la deuxième Intifada de 2000, et plus tard, en 2011–2012, j’y ai présenté l’émission Tsiporé Layla (Les Oiseaux de nuit). Je connais donc intimement la manière dont fonctionne cette station. »
Il poursuit : « Quand je me tenais avec un micro de Galé Tsahal face à Arafat, à Zakaria Zbeidi, ou à des terroristes recherchés, eux me voyaient comme la voix de l’armée.
Et lorsque la “radio de l’armée israélienne”, censée être forte et redoutée, s’adresse à eux non dans un langage militaire mais en leur posant des questions du type : “Comment vous sentez-vous après la destruction de votre maison ?” – cela les déstabilise d’abord, puis les conforte : “Attends… c’est l’armée israélienne ? Est-ce vraiment leur armée ?” »
« Quand l’armée parle, au lieu de combattre, elle montre sa faiblesse »
« Dans le Moyen-Orient, le rôle d’une armée est de vaincre, de protéger son peuple et son territoire contre les menaces internes et externes.
Si l’armée vient vers un membre du Hamas avec un micro pour lui demander comment il va, le message est clair : l’armée parle, donc elle ne combat plus.
Pour eux, si la radio de l’armée cherche leur opinion, c’est la preuve qu’ils ont raison et que nous sommes affaiblis.
“S’ils avaient raison, pensent-ils, ils me combattraient ou me tueraient. Mais s’ils m’interviewent, c’est qu’ils sont faibles et que moi, j’ai raison.”
En somme : ils pensent que nous les aidons à nous vaincre. »
« Galé Tsahal n’est pas un organe de l’armée, c’est un média libre – et c’est le problème »
« Aux yeux du public arabe, voir un soldat interviewer un terroriste, c’est déjà une victoire psychologique.
J’ai moi-même arpenté les camps de réfugiés pendant les attentats, micro de Galé Tsahal en main.
Les hommes recherchés tenaient à s’exprimer à Galé Tsahal plus qu’à n’importe quelle autre radio israélienne, car ils croyaient vraiment qu’il s’agissait d’un bras officiel de l’armée. »
Mais, souligne Yehezkeli : « Galé Tsahal n’est pas un bras militaire. C’est un média libre, exprimant ce qu’il veut — parfois orienté à gauche, parfois rectifié vers la droite.
Mais une radio libre ne peut pas porter le nom et l’uniforme de l’armée.
Appelez-la “Galé Yehouda” ou “Galé Tel-Aviv”, peu importe.
Mais pas Galé Tsahal. Mettre les journalistes en uniforme et dire que c’est la radio de l’armée, c’est surtout un signe de faiblesse face à nos ennemis. »
« Nous avons donné à nos ennemis le sentiment d’avoir raison »
« Dire que le message de notre armée n’est pas de vaincre mais de “dialoguer”, et de plus dans le langage occidental – celui de la compassion, de la victimisation et des minorités –, c’est précisément ce qui brouille nos valeurs. »
« En tant que journaliste ayant couvert les Palestiniens pendant les périodes de “paix” et de guerre, je peux dire : nous avons été un instrument entre leurs mains.
Les démocraties libres deviennent souvent des outils pour les organisations terroristes, en raison de leur attachement à la liberté d’expression – dont les terroristes profitent sans en partager les valeurs.
C’est exactement ce qui s’est passé avec Galé Tsahal : une station créée par l’armée, devenue une tribune pour ceux qui veulent sa destruction. »
« C’est un dommage immense – un maillon de notre effondrement du 7 octobre »
« J’y étais, je l’ai vécu. C’est un dommage immense, un autre élément de notre grand échec et de l’effondrement du 7 octobre.
Si l’armée veut avoir une radio, qu’elle en fasse une qui parle de l’armée, qui soutienne le moral et renforce les soldats.
Mais si elle veut une station “libre” qu’elle appelle Galé Tsahal, cela affaiblit les soldats, renforce l’ennemi, et donne à celui-ci le sentiment qu’il a raison.
Et surtout – cela nous éloigne de la victoire. »
Traduction intégrale de l’article publié par « Srougim » sur les propos de Tsvi Yehezkeli, 12 novembre 2025.



























