Un balagan immense

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Il n’y a pas d’autre mot pour décrire la situation dans laquelle Israël se trouve aujourd’hui. Il semble que, de quelque côté que l’on se tourne, on contemple une peinture ubuesque, irrationnelle, l’image éphémère d’une réalité militaire et politique instable.

Quoi de mieux pour faire un tour d’horizon de ce « balagan immense [1] » que de décerner des récompenses, des Oscars si vous voulez, aux personnages politiques et autres qui donnent corps à ces situations.

L’Oscar de « l’incompétence irresponsable en diplomatie » est décerné à David Cameron. Ce triste sire, ministre des affaires étrangères et envoyé spécial du Royaume Uni (pour s’occuper de quoi au juste ?) n’a rien trouvé de mieux cette semaine que de déclarer à qui veut l’entendre que son pays est prêt à reconnaitre immédiatement un « Etat palestinien », sans plus de précisions, et que selon ce monsieur, cela est la seule façon d’amener une paix durable au Moyen-Orient en créant « une situation irréversible ». Monsieur Cameron, votre déclaration est idiote et dangereuse. Certains autres pays ne manqueront pas de se raccrocher à vos propositions malheureuses, et avec vous, ils créeront ainsi les conditions suffisantes pour les prochains pogroms encore plus dévastateurs dans un futur proche. Je suis persuadé que la majorité des Israéliens verront d’un très mauvais œil cette pression exercée de facto exclusivement sur Israël, ils vous rappelleront aussi qu’Israël a fait de très nombreuses propositions concrètes pour implémenter un Etat palestinien, et que toutes ont été rejetées avec mépris par le leadership palestinien, ils vous diront aussi que ce qui était peut-être envisageable au moment des accords d’Oslo est impossible aujourd’hui à cause de la radicalisation de la rue arabe. Ils vous demanderont d’écouter avec attention les discours de tous les leaders palestiniens : ceux-ci ne veulent pas d’un, deux ou trois Etats, ils veulent la disparition complète d’Israël et le génocide des Juifs. Finalement, la majorité des Israéliens vous diront d’aller vous mêler de vos affaires, d’aller vous occuper des Arabes qui sèment la discorde à Londres entre autres ; ils vous rappelleront sans doute que le Royaume-Uni est le principal responsable des guerres sans fin au Moyen-Orient, mais aussi dans la péninsule indienne, en Asie, en Afrique et ailleurs, grâce à une colonisation désastreuse. L’Angleterre a donné à l’Histoire un Neville Chamberlain il y a 85 ans. Le monde n’a pas besoin d’un second Chamberlain.

L’Oscar de « l’ingérence criminelle » revient sans hésitation à Thomas Friedman, éditorialiste au New York Times. Friedman a déclaré dans une interview rapportée sur la chaine israélienne 14 : « J’ai tenté de m’assurer par ma voix, à ma façon, que les conditions demandées par l’Arabie Saoudite à Israël soient d’un haut niveau en faveur des Palestiniens (et donc contre Israël, NDA) et du processus de paix. Je me suis assuré que ces conditions soient assez élevées pour que le cabinet de Netanyahou implose ». Friedman se fait passer pour Juif, soutien de l’Etat d’Israël, ce qui lui permet d’avoir l’oreille de Biden, et autres exécutifs et législateurs. Ses déclarations montrent qu’il n’est sans doute ni l’un ni l’autre. Ses prises de position violement anti Israël démontrent qu’il devrait plutôt être considéré comme traitre aux causes qu’il prétend aimer.

L’Oscar du « slalom contre-productif » (comprenez par la : des changements de direction rapprochés et dangereux) va aux échelons supérieurs de Tsahal. Ne vous méprenez pas, j’aime Tsahal autant que tous les Israéliens sionistes sincères : de tout mon cœur et de tous mes moyens. J’aime les soldats, les combattants, tous ceux qui sur le terrain, au front ou à l’arrière participent activement à l’effort de guerre. Mais les officiers supérieurs, les décideurs, les stratèges qui par exemple avaient sagement convenu d’implémenter un no man’s land de 1km du côté gazaoui de la frontière, pour, quelques jours plus tard, annuler cette décision en interdisant aux soldats israéliens de tirer sur les arabes s’approchant de cette frontière, cela apparait quelque peu irresponsable. Ces mêmes décideurs qui déclaraient il y a peu que le nord de la zone de Gaza était sécurisé, et qui rapidement retiraient la plupart des combattants israéliens de cette zone, pour les y redéployer maintenant. Quel gâchis !! Il y a surement des pressions politiques derrière ces atermoiements, peu importe. Tout ceci a des allures d’amateurisme, et ne contribue ni au moral des troupes ni à la confiance de la nation.

Je dois faire preuve de prudence sur ce prochain prix : je l’appellerai : « Le syndrome d’A’hitophel [2] ». D’ m’en préserve, je n’accuse personne d’être un A’hitophel des temps modernes, mais les attributs de son comportement envers le roi David se retrouvent de nos jours dans de multiples circonstances toutes aussi dramatiques. A’hitophel a trahi le roi David à plusieurs reprises, l’a abreuvé de mauvais conseils, de mauvaises informations, de fake news. A’hitophel est le meilleur ami que personne ne veut avoir.

Les candidats pour cet Oscar sont très nombreux hélas, ce sont ceux qui se présentent ouvertement comme des amis fervents d’Israël, garants de notre sécurité et soucieux de nous voir vivre en paix, et qui pourtant nous inondent de conseils néfastes, montent des coalitions dangereuses pour Israël, et sont le plus souvent motivés par des considérations qui leurs sont propres sans connexion avec les impératifs existentiels de notre nation. Quelques exemples pêle-mêle : Biden avec son chantage sur la livraison d’armes, Macron avec son obsession d’un cessez-le-feu immédiat, l’Union Européenne avec sa pression constante pour l’implémentation immédiate d’un Etat palestinien, etc. etc. Tous ces gens, toutes ces organisations présentent un cas aigu du « syndrome d’A’hitophel ». Ce sont les meilleurs amis dont nous devons nous méfier !

L’Oscar de la « girouette hors de contrôle » est décerné à Yair Lapid. Chef du parti Yesh Atid (en Français : « il y a un futur »). Pour une ancienne personnalité phare de l’audio-visuel Israélien, ce personnage semble avoir un jeu bien monolithique : l’impression qu’il donne est que son seul but dans l’existence est de détruire Netanyahou. Lors de la formation du cabinet de guerre en octobre, Bibi lui avait proposé d’en faire partie. Il a sèchement refusé pour ne pas avoir à se trouver en face du Premier ministre ou même à travailler avec lui. Depuis, sans cesse, il fait pression sur les membres de l’opposition qui, pour des raisons d’urgence nationale, ont accepté de travailler en « union » dans ce cabinet de guerre, pour qu’ils le quittent, pour qu’ils laissent tomber Bibi. Et bien Lapid, notre girouette nationale, a maintenant déclaré vouloir rejoindre ce même cabinet de guerre, à condition bien sûr que certains autres membres le quittent. Ne retenez pas votre souffle, Il changera d’avis demain, après-demain, et encore après…

L’Oscar de « l’hypocrisie mal dissimulée » est partagé entre deux récipients tout aussi méritant l’un que l’autre : l’UNWRA et la CIJ [3] . Depuis 1949, année de sa création, tous les manuels scolaires de l’UNWRA éduquent les élèves palestiniens dans la haine des Juifs et d’Israël, dans la glorification du djihad, et dans la promesse que « de la rivière à la mer, la Palestine sera libérée ». Le monde entier le savait. Les Nations Unies l’ont toujours su. Les directeurs de l’UNWRA l’ont su, encouragé, et financé. Et aujourd’hui, tout le monde semble s’offusquer quand on apprend que de trop nombreux éducateurs et employés de l’UNWRA travaillent aussi pour le Hamas, ont participés aux massacres du 7 octobre, bref, sont des terroristes de la pire espèce. Bande d’hypocrites ! La CIJ est censée représenter la justice internationale. Elle s’est déshonorée en acceptant d’examiner la plainte illégitime de l’Afrique du Sud accusant Israël de génocide, et en hébergeant ce même procès à La Haye. Elle s’est déshonorée de nouveau en n’exigeant pas que ce même procès, par souci de justice et d’équité, impose la divulgation des exactions du Hamas le 7 octobre. Elle s’est encore déshonorée en publiant un verdict qui laisse planer sur Israël l’image d’un pays génocidaire et en imposant à Israël des tâches iniques et humiliantes. Tout cela en nous faisant croire qu’ils ne recherchent que la justice. Quelle bande d’hypocrites !!!

Mon dernier Oscar sera celui du « dirigeant le moins communicant ». Nous le décernerons à notre Premier ministre, Bibi Netanyahou. Cette guerre n’est pas du tout comme les autres conflits que nous avons connus : jamais une guerre en Israël n’a été si longue, jamais depuis la Shoah les Juifs n’ont subi un pogrom aussi dévastateur, jamais nos ennemis n’ont réussi à prendre tant des nôtres en otages. La menace existentielle pèse toujours d’un poids insupportable sur Israël ; nos soldats et civils morts, blessés, handicapés à vie sont là pour nous le rappeler. Jamais les questions que le monde nous pose sur le jour d’après et la création éventuelle d’un Etat palestinien n’ont été aussi pressantes. Jamais l’incertitude d’un si grand nombre d’habitants d’Israël n’a été aussi angoissante : quand et comment reconstruire le sud et aussi le nord, quand rentrer chez soi, quand recommencerons-nous à vivre.

Monsieur le Premier ministre, le monde et surtout Israël ont besoin de vous entendre, ont besoin de perspectives sur tous ces sujets et d’autres encore. Si vous ne le faites pas, d’autres le feront, nous n’aimerons pas ce qu’ils auront à dire. Plus que jamais, à cause des circonstances particulièrement dramatiques de cette guerre, vous avez besoin de parler, d’expliquer, de nous donner une perspective sur notre futur, sur la reconstruction de notre pays, sur le retour des otages, sur les perspectives de paix, sur la victoire militaire absolue que vous nous avez promise, etc.

Monsieur le Premier ministre, j’ai choisi un ton léger pour aborder tous ces sujets. Mais mon cœur est lourd et mon propos est grave. Merci de vous adresser à nous et au monde dès que possible. Nous avons hâte de vous écouter, vous aurez toute notre attention. Mais si nous apprécions vos mots de réconfort et vos promesses, il nous faut aujourd’hui un contenu substantiel et des explications solides. Je serai au premier rang.

[1] – La traduction du mot « balagan » ou bien en Hébreu בלגן est « désordre », « désorganisation », « confusion ». Il est très intéressant de noter que dans le langage courant en Israël, ce mot est un des plus usité du vocabulaire…
[2] – « L’ami » qui trahit le roi David, et qui est mentionné dans Tehilim 41 :10 et Tehilim 55 :14-15, est A’hitophel. Voir aussi Traité Sanhédrin (106b – 107a)
[3] – UNWRA : l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens a été créée en 1949. Son budget annuel est de 1,6 milliard de dollars (chiffre de 2022). Il semble que la seule mission de l’UNWRA soit de maintenir les Palestiniens comme un groupe de réfugiés sans présent ni avenir dans le seul but de se maintenir à jamais. Ce faisant, l’UNWRA est un ennemi de la paix et d’Israël. CIJ : La Cour internationale de justice est une agence des Nations unies basée à La Haye. Ses juges sont nommés par l’assemblée générale de l’ONU et, tout comme l’ONU, elle est extrêmement partiale à l’égard des Juifs et d’Israël.

 

Jean-Pierre Braun a passé sa carrière au cœur de la Hi Tech dans la Silicon Valley (Californie). Jean-Pierre a également été le fondateur et président pendant 20 ans d’une synagogue unique au centre de la Silicon Valley et, à son retour en France, est devenu vice-président du CRIF Rhône Alpes et président de la communauté Rachi à Grenoble. Avec sa femme Annie, ils ont fait leur Aliyah a Jérusalem en 2016.

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