A l’approche de Pessa’h

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Pessa’h approche, et quand il s’agit de parler des Halakhoth concernant cette fête, on n’a que l’embarras du choix : les préparatifs et les achats, la vente du ‘hamets, les règles concernant le soir du Séder, ce qu’il faut savoir pour le reste de la fête, etc. ?

Matsa, kiddouch,Laitue

De plus, si nous nous mettons à préciser ce qu’il faut faire pour bien préparer la maison avant Pessa’h, il est plus que probable que ces dames nous regarderont d’un air plein de pitié : qu’est-ce que ces rabbins comprennent au nettoyage de printemps ? Allez leur expliquer que c’est elles qui prennent leurs responsabilités en profitant de ce que la Halakha nous impose pour effectuer un si grand remue-ménage après l’hibernation… Puis finalement, bien nombreuses sont les familles, surtout en France, qui quittent leur maison pour passer la fête ailleurs.

Il restera donc à ces gens à vendre le ‘hamets qu’ils ont à la maison. Consacrons donc notre présente rubrique à ce sujet.

 

La Tora nous interdit d’avoir du ‘hamets chez nous durant la fête de Pessa’h. A nous donc de l’enlever de notre foyer. Nos Sages ont fixé un temps pour se livrer à cette opération : le 14 nissan, la veille de Pessa’h au soir, à l’aide de la bediqath ‘hamets, l’inspection de la maison qui consiste justement à vérifier tous les coins et recoins de notre appartement et de rassembler les restes de ‘hamets que nous aurons trouvé. On effectue cette recherche à l’aide d’une bougie. Certains endroits sont dispensés, quand on n’y met jamais du ‘hamets, mais dans des maisons avec enfants, seuls les hauts d’armoire peuvent être considérés comme tels.

 bediqath 'hamets, bougie

Procéder à une bediqa sérieuse prend de très longues heures, surtout dans nos intérieurs actuels, si riches et si garnis d’objets en tous genres. De ce fait, pratiquement partout, les femmes commencent plus tôt à faire le tour de la maison et à éliminer le ‘hamets – non sans ajouter une certaine dose de nettoyage de printemps, comme dit. Le 13 au soir, il ne reste en général plus grand-chose à vérifier, si ce n’est un dernier coup d’œil pour s’assurer que tout a été fait. Parfois, on trouve des sacs avec des goûters pour l’école qui n’ont pas été consommés, ou des gâteaux dans les fonds de poches.

A-t-on une solution pour des aliments qu’on ne voudrait pas jeter, comme par exemple une collection de bouteilles pleines, ou presque, de whisky ? A plus forte raison, que va faire un marchand de boissons fortes, ou un propriétaire de grandes surfaces alimentaires ?

La Tossefta (un texte parallèle à la Michna – ici, Pessa’him 2,6) parle du cas suivant : « Un Juif et un goy sont ensemble sur un bateau. Quand le Juif a du ‘hamets dans sa propriété – il peut le vendre au non-Juif ou le lui donner en cadeau, puis le reprendre après Pessa’h. » La Tora n’interdit qu’au Juif d’avoir du ‘hamets ; un non-Juif a tout à fait le droit d’en posséder, et l’idée consiste tout simplement à le lui vendre ou à le lui donner. Ceci est normal. Mais la Tossefta conçoit que toute cette transaction peut ne reposer que sur la volonté du Juif d’être débarrassé du ‘hamets, quitte à le reprendre une fois la fête passée. Là, cela devient plus compliqué, car il s’agit somme toute d’une combine – une ‘orma, en hébreu ! Toutefois, ce texte accepte que cette vente ne soit effectuée que pour libérer le Juif de ce ‘hamets qui lui est interdit.

 

Mais est-ce permis de manière générale, dans n’importe quel cas ? Ce n’est pas évident. Le rav Amram Gaon ne permet l’utilisation de cette formule qu’exceptionnellement, ainsi que peut vouloir l’indiquer la Tossefta, qui mentionne le cas d’un Juif se trouvant en cas de force majeure.

Le Rambam, pour sa part, pose comme condition que la vente ne soit pas faite avec un retour automatique au vendeur (Hilkh. ‘Hamets, 2,6).

L’histoire de cette possibilité de vente s’est développée dans le temps dans les arcanes du monde de la Halakha : rav Moché Isserlin (un Sage du 15e s. – dans son Troumath haDéchen I,120) permet de vendre le ‘hamets à un goy proche de la personne, même si l’on sait qu’il n’y touchera pas et qu’il le lui gardera jusqu’à après Pessa’h pour le lui rendre. Le Beth Yossef (O. H. § 448), plus tard, s’oppose à rabbénou Yerou’ham qui interdit une telle vente, rapportant qu’il est parfaitement permis de donner le ‘hamets au goy puis de le reprendre par la suite, à condition que cette conduite ne soit pas entendue ouvertement au départ.

Diverses précautions supplémentaires ont été prises par la suite, pour tenter d’assurer à cette vente la meilleure validité possible, tandis que d’autres dispositions ont été ajoutées, pour alléger la vente dans certains cas délicats. On a permis de vendre le ‘hamets sans le sortir de la maison ou de la propriété, quand la quantité était trop grande (Ba’h et Magen Avraham) ; on a aussi autorisé de ne recevoir qu’un acompte quand la quantité de ‘hamets était trop importante (Noda’h biYehouda), quitte à ce qu’après Pessa’h, le Juif se rétracte et « accepte » de reprendre à la place le ‘hamets. Par la suite, on a même permis de vendre le ‘hamets « de la maison », sans trop préciser où il se trouve, souvent parce que le maître de maison veut simplement se garantir de ne pas transgresser l’interdit par du ‘hamets qu’il n’a pas trouvé (bien que, par ailleurs, il rende le ‘hamets hefqer, il se dégage de sa propriété, ce qui est suffisant du point de vue de la Tora).

On est donc arrivé à une formule un peu surprenante – mais admise par les grands auteurs –, permettant avec facilité de s’arranger de cette manière avec ce ‘hamets qui nous colle aux mains.

Il ne faut pas perdre de vue, d’un autre côté, qu’il nous faut également un acheteur, lequel veuille réellement et complètement acquérir notre ‘hamets ! Peut-être que la première fois, il pense encore faire une bonne affaire, mais quand on lui reprend tout ce qu’il a acheté et qu’on lui redemande l’année suivante de se livrer à la même cérémonie, il doit finir par se dire qu’il s’agit d’un acte religieux, sans plus. Il s’exécutera, car il s’agit souvent d’un non-juif employé, ou de quelqu’un qui rend des services à la communauté par ailleurs, mais a-t-il réellement encore l’intention d’acheter notre ‘hamets ? Seuls des tsadiqim peuvent rester indéfiniment avec une telle intention, et ils sont rares parmi eux, comme on le sait. Puis justement, si c’est un tsadiq qui veut nous aider, son acte ne vaut pas grand-chose.

 

Enfin, il faut absolumenVente du hametst que le vendeur juif veuille, lui aussi, effectuer cette vente en bonne et due forme, et non pour des raisons religieuses !

A partir de là, nous comprendrons la difficulté pratique de cette vente.

Le rav Yaïr ‘Haim Bakhrakh (in ‘Hawath Yaïr) s’y oppose par exemple du fait de son aspect fictif : même l’empereur prussien n’a pas été dupe : il a dispensé d’impôt ce genre de ventes, comprenant qu’elles n’étaient effectués que pour des raisons religieuses …

Le Gaon de Vilna (Ma’assé rav § 180-181) évitait lui aussi d’y avoir recours.

 

Dans les faits, la vente du ‘hamets s’est surtout développée pour aider des grands commerçants qui se retrouvaient sans cela dans des situations impossibles à Pessa’h. Pour le privé, il est de loin plus indiqué de ne pas conserver par devers soi du ‘hamets véritable, et donc de ne pas utiliser cette voie. Si l’on n’a pas le choix, on ose espérer que les présentes lignes consacrées à ce sujet permettront au moins que l’on comprenne clairement ce qu’on fait, ce qui ajoute déjà plus de valeur à la vente. Quant à l’autre partenaire de cette affaire, il faut espérer que l’autorité rabbinique qui en général nous propose ce service aura fait appel à un non-Juif intelligent, responsable et averti, pour lui vendre notre ‘hamets.

 

Il vaut mieux éviter de se diriger soi-même vers un voisin non-juif, car il faut connaître les diverses manières d’effectuer cette vente. Maintenant on peut toujours donner la bouteille de whisky au concierge, quitte à demander timidement après Pessa’h si par hasard, la bouteille est encore chez lui. Et tant mieux si c’est le cas. 

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