Froids d’hiver…

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Froids d’hiver, grisaille ambiante, bien regarder vers le sol pour ne point glisser sur une quelconque plaque glacée. Et en parallèle, la lecture de tous ces textes relatant l’histoire de ce premier exil du peuple d’Israël. Froideur des regards, grisaille des mots, regards tournés vers soi-même, peur de tomber… mais surtout s’il s’agit de nous-mêmes.

L’exil, dans toute son ampleur, lieu dans lequel, frileusement, chacun se recroqueville sur lui-même, à l’écoute de ses propres besoins, ne voyant dans l’autre que la partie avant tout « utilitaire ».

Moché, s’interrogeant sur le pourquoi de la souffrance de l’exil et de sa durée prolongée, comprend, quand un délateur se présente à lui, le pourquoi de cet exil sans fin visible. « Il y a parmi le peuple d’Israël des délateurs » (Rachi Chemoth/Exode 2,14). Il existe dans ce peuple l’idée que dénoncer l’autre est dans le domaine du possible, voire du justifiable… Alors, je peux comprendre pourquoi cet exil se prolonge.

Phrase terrible, qui nous renvoie face à nous-mêmes.

Existons-nous si peu pour avoir besoin de nous sentir vivre en détruisant les autres ?

Sommes-nous si insensibles pour ne pas avoir d’état d’âme face à la souffrance que notre parole peut générer chez cet humain qui reste, qu’on le veuille ou non, notre frère ou notre sœur ?

Dans une société bien pensante, où les « donneurs de leçons » occupent parfois le devant de la scène par un discours trop bien construit, et où la part de l’humain dans sa dimension faillible, et donc prélude à son évolution, n’est plus présente, quelle place pour l’humanité ?

 

A force de vouloir nous enfermer les uns et les autres dans des prisons de verre, dont les murs sont constitués de règles sociales qui satisfont leurs auteurs ; à force de se sentir sans arrêt exposé au poids du regard des armées de bien-pensants, comment imaginer une démarche de vérité dans laquelle nos moments difficiles seront les marchepieds de nos changements ?

Ah, cette merveilleuse phrase de rabbi Pin’has de Koretz : « Si je pouvais aimer le plus grand des justes comme D’ aime le plus grand des mécréants ! » !

Entre procès d’intentions, interprétations erronées, regards dénués de tendresse et de compassion, comment espérer construire et faire avancer le peuple d’Israël ?

Et nos enfants, dans tout cela, qui ne sont point dupes et ne peuvent plus croire dans une forme d’absolu, tellement la petitesse de nos comportements humains les empêche d’intégrer en profondeur nos discours si contredits par nos postures quotidiennes ?

« Oumodé ve’ozev, yerou’ham » – celui qui reconnaît son erreur et désire s’en séparer, de lui, D’ aura pitié » (Michlé/Proverbes 28,13).

Vouloir changer forme l’expression de l’être qui accepte la vie comme une démarche de construction dans laquelle les combats non visibles sont les plus durs, mais les plus beaux, révélateurs d’une exigence intérieure de changement.

Pourquoi utiliser notre parole pour détruire, alors qu’elle est là pour construire ?

Pourquoi ne pas laisser s’exprimer les trésors d’amour enfouis en nous, afin d’en réchauffer tous ceux que nous croisons au quotidien ?

Pourquoi… Pourquoi ?

Attendons-nous les souffrances d’un nouveau Pharaon, la confrontation à notre finitude, pour nous recentrer sur l’essentiel ?

Avons-nous besoin de ressentir la souffrance pour ne pas vouloir la générer ?

Est-il nécessaire d’avoir peur de perdre l’essentiel, pour revenir à l’essentiel ?

Regardons nos enfants qui, dans leur pureté, ne désirent point faire le mal !

Tout celui qui juge son prochain positivement est considéré à son tour d’un œil favorable par D’, Qui ne voit dans ses échecs, ses erreurs et ses errements que l’expression de sa dimension humaine en voie de raffinement.

Dans la tradition de la Qabbala, la période actuelle, celle de la lecture dans le Séfer Tora de l’histoire de l’exil, est propice au retour sur toutes les fautes qui ont trait à la relation entre l’individu et ses instincts animaux.

Elle symbolise l’espoir, nous donnant la possibilité de ne pas voir dans notre passé des chaînes lestées de plomb qui nous entraînent vers le fond. Au contraire elle nous laisse y distinguer la transformation de ces boulets de plomb en bouées de liège, qui nous permettent non seulement de remonter à la surface, mais plus encore, de nager vers de nouvelles destinations.

Essayons, chacun là où nous sommes, de changer dans notre regard, dans nos pensées.

Prouvons-nous à nous mêmes que nous sommes capables de développer encore plus d’humanité.

Donnons-nous les moyens de voir la belle partie de l’autre, quel qu’il soit.

Créons un espoir au futur.

Par le rav Lemmel

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