Israël : l’armée est-elle prête ?

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Conférence donnée par le général de réserve Yitz’hak Brik (notre photo) au mois de juin 2021 dans le cadre de « l’Institut pour la Pensée israélienne. »

Le concept stratégique selon lequel il est possible d’emporter une victoire militaire à l’aide de l’armée de l’air uniquement est devenu obsolète. Le conflit avec Gaza, « Gardien des Murailles » au mois de mai 2021, en a été une triste preuve. L’armée de l’air israélienne avait démontré sa supériorité lors des conflits classiques, tout au long de l’histoire d’Israël. Mais il faut se rendre à l’évidence, face aux missiles et roquettes, les avions n’offrent aucune solution.

Les leçons de l’opération Gardiens des Murailles (Mai 2021)

Durant le conflit « Gardien des Murailles » l’aviation israélienne, pendant deux semaines, a écrasé Gaza sous des milliers de bombes. Elle a détruit des bâtiments hauts de plusieurs étages, à l’aide de bombes « intelligentes », elle a fait exploser des dizaines de tunnels offensifs, elle a éliminé des centaines de terroristes du Hamas. Cela a coûté à l’État des centaines de millions de dollars, mais du premier au dernier jour, l’aviation n’a pas réussi à arrêter les centaines de missiles et roquettes qui s’abattaient quotidiennement sur le territoire israélien.

Dans ce conflit, nous avons vu le commandement militaire faire l’impasse totale sur l’armée de terre. Depuis quelques années, l’armée israélienne a recours à cette tactique de façon récurrente. Cette tactique, armée de l’air uniquement, c’est comme si on décidait de renoncer à la victoire dans un conflit. Si on avait appliqué cette tactique dans les guerres précédentes, Israël n’existerait plus depuis longtemps. Et si, dans des futurs conflits, on continue de faire l’impasse sur l’armée de terre, Israël ne survivra pas. Aujourd’hui, Israël a complètement oublié son esprit combatif et le goût d’une véritable victoire militaire.

Examinons le denier conflit de Gaza, « Gardien des Murailles ». Il n’est pas besoin d’occuper tout Gaza. Cette occupation causerait des milliers de victimes. Qui a besoin de cette horreur ? Durant les deux dernières années, le chef d’état-major le général Kohavi, dans le cadre du programme « En avant », crée des capacités opérationnelles spéciales : un régiment de commandos, de nouvelles formations de chars équipées des dernières technologies permettant la coordination avec les avions, avec l’artillerie, avec des drones d’information en « temps réel », etc. Ces nouvelles unités déjà étaient opérationnelles avant le conflit « Gardien des Murailles ».

Par conséquent, il aurait fallu introduire ces unités (soit par les airs, soit en action terrestre), au cœur de Gaza, là où se terrent les commandants suprêmes du Hamas et du Djihad islamique. Leurs états-major se cachent sous les hôpitaux, sous les quartiers résidentiels, sous les écoles. C’est là, sous la terre, que se trouvent les ateliers de production de leurs missiles et roquettes. Cette façon de faire de la population civile un bouclier humain, pose pour l’aviation un problème insoluble. Bombarder le centre de Gaza, où il y a la plus grande concentration de la population, aurait entraîné des milliers de victimes. Les chefs du Hamas et du Djihad savent très bien qu’Israël ne bombarde pas, si ces actions provoquent des victimes civiles non impliquées. Cela laisse aux terroristes toute latitude d’arroser Israël sans scrupules, de leurs missiles justement sur le centre du pays, où il y a la plus grande concentration de la population israélienne.

En revanche, si on avait envoyé au centre de Gaza les forces spéciales, comme Israël a su le faire à Entebbe (sauvetage d’israéliens en Ouganda en 1975), Beyrouth (élimination du commandement de l’OLP), afin d’attaquer les cibles stratégiques des terroristes de Gaza, là où elles se trouvent, avec des forces terrestres spéciales et surtout équipées d’armes modernes, adaptées à ce genre d’actions, l’armée aurait pu éliminer le commandement supérieur du Hamas et du Djihad et par là même, faire cesser la pluie de missiles sur le pays. Il faut savoir qu’un pays qui évite d’utiliser ses forces terrestres, s’enlève toute chance de vaincre.

Dans la guerre moderne, on ne parle plus de victoire, car cela supposerait l’écrasement de l’ennemi, au prix de dizaines de milliers de morts. On ne parle que d’un avantage stratégique et politique. La seule façon d’obtenir ces résultats, c’est d’arriver à des points névralgiques militaires et de pouvoir, sous la menace d’élimination physique, obliger ceux qui se croient à l’abri du feu, d’ordonner l’arrêt des combats. Bref, l’hésitation dans l’emploi des forces terrestres, peut, à cause des pertes liées à ce genre d’action, s’avérer fatale. Mais le non-emploi des forces spéciales, peut amener à plus de pertes lors de guerres ultérieures, car en fin de compte, il faudra employer beaucoup plus de soldats pour obtenir le même résultat, qu’avec des forces spéciales. Israël sait mieux que quiconque, qu’une prochaine guerre, dans notre région, est une quasi-certitude.

Malheureusement aujourd’hui l’armée israélienne a adopté pratiquement l’emploi exclusif de l’aviation. À cause de cette doctrine, les conséquences sur l’ensemble de l’armée sont désastreuses. La motivation d’aller dans les unités combattantes s’écroule. Pourquoi mourir puisque les avions feront le job ?

Prenons l’exemple du Hamas lors de la dernière confrontation. C’est le Hamas qui avait l’initiative, car il savait qu’Israël, par crainte de pertes militaires, ne rentrerait pas au cœur de Gaza. Le Hamas a tiré, impunément partout (4000 missiles en 10 jours), il a causé une troisième Intifada, où Arabes et Bédouins ont utilisé des armes à feu dans les villes israéliennes. Israël a eu d’énormes pertes économiques. Le Hamas a presque réussi à mettre le feu en Judée-Samarie (Cisjordanie), où l’infrastructure du Hamas est en train d’annihiler le pouvoir de Mahmoud Abbas. Malgré tout cela, l’armée est restée « l’arme au pied », car la doctrine « l’artillerie et l’aviation feront le job » est là depuis des années. Résultat, le Hamas est toujours au pouvoir à Gaza.

Le but suprême du Hamas est d’entraîner toute la région dans une guerre et s’il réussit, Israël se trouvera dans une guerre « multi fronts ». Le Hamas depuis Gaza, le Hezbollah à partir du Liban, les Syriens au nord-est, qui d’ailleurs, renforcent leur armée avec du matériel russe et même s’ils décident de ne pas rentrer dans conflit, Israël sera obligé de positionner, face à eux, des forces très importantes qui manqueront sur les autres fronts. Le quatrième front, c’est une 3 Intifada, non seulement dans les territoires palestiniens, mais également à l’intérieur du pays, et qui sera beaucoup plus meurtrière, que la seconde Intifada et le cinquième front, Iran et autres chiites d’Irak et du Yémen, qui ont des armes balistiques capables d’atteindre Israël.

Dissuasion du fort au faible ?

Les stratèges actuels d’Israël se gargarisent avec la notion de dissuasion. Il faut savoir qu’il n’y a pas de dissuasion sans armée de terre capable de mener des actions spéciales au cœur de l’ennemi, car les guerres surviennent même lorsqu’il y a dissuasion « du fort au faible. » Et voici un exemple. Après la guerre des « Six jours » en 1967, Israël bénéficiait d’une dissuasion sans précèdent. C’était l’armée la plus forte de la région, la victoire face à trois armées arabes, c’était inédit, tous les soldats étaient des héros, personne ne serait assez fou pour se mesurer à une telle force. Deux semaines avant la guerre de Kippour en 1973, alors que toute l’armée égyptienne est déployée le long du canal de Suez, l’armée syrienne positionne deux mille chars face à Israël, qui domine les hauteurs stratégiques du Golan, Moshé Dayan, le ministre de la Défense d’alors, déclare que jamais, ni Égypte ni la Syrie, n’oseront attaquer l’invincible armée israélienne. Que s’est-il passé deux semaines plus tard ? La plus grande catastrophe militaire de l’histoire d’Israël.

La menace iranienne

Examinons la menace iranienne. Outre leur volonté d’accéder à l’arme nucléaire, l’Iran renforce ses capacités de guerre classique conventionnelle contre Israël. Quelle est la réflexion stratégique de l’Iran ? Ce pays suppose, à tort ou à raison, qu’Israël possède l’arme atomique. Donc, les Iraniens développent l’arme nucléaire pour sanctuariser leur territoire et aussi pour créer un équilibre de la terreur face à Israël. Donc, dans le cas d’une guerre conventionnelle, Iran et ses proxys noieront Israël sous des milliers de missiles, créant une destruction jamais vue auparavant, et même dans ce cas Israël n’osera jamais répondre par le feu nucléaire.

Lorsqu’on examine l’intensité de la guerre conventionnelle que l’Iran et tous ses alliés mèneront contre Israël, on s’aperçoit que les milliers de missiles venant de toutes parts auront un effet destructeur égal à une bombe atomique, sans avoir à l’utiliser. Malheureusement, Israël ne dispose d’aucune ou presque, réponse à une attaque massive à l’aide des missiles balistiques ou de croisière.

Durant la dernière décennie, les ennemis d’Israël ont construit un dispositif meurtrier qui comprend 250 mille missiles et roquettes. Le Hezbollah en possède 150 mille. Ce sont des engins de précision et autopilotés par de redoutables dispositifs GPS. Ces missiles peuvent porter des têtes de 250 à 750 kg d’explosifs et d’une précision de quelques mètres, sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres. Le Hamas dispose de dizaines de milliers de roquettes non guidées, portant jusqu’à 50 kg d’explosifs, sur des dizaines de kilomètres. Aucune ville du centre d’Israël, de Haïfa au nord et Be’er-Sheva au sud n’est à l’abri des roquettes du Hamas. Ce dispositif enfermant le pays, constitue une redoutable menace EXISTENTIELLE pour Israël. Et qu’a fait Israël durant cette dernière décennie ? Il n’a cessé d’essayer d’empêcher l’installation des Iraniens en Syrie. Il y a déversé des milliers de tonnes de bombes et autres engins explosifs, qui ont coûté des centaines de millions de dollars au contribuable israélien, avec quel résultat ? Est-ce que les Iraniens se sont retirés de Syrie ? NON, ils continuent de se renforcer en Syrie. De plus, la Syrie et le Hezbollah ont construit dans le centre de la capitale libanaise, des usines de conversion de roquettes statiques (non guidées) en missiles guidés de précision pouvant atteindre des cibles stratégiques en Israël. Centrales électriques, hôpitaux, usines de dessalement d’eau et le complexe pétrochimique de ‘Haïfa. Israël par contre, n’ose pas bombarder les usines du Hamas, disséminées au sein des populations civiles, de crainte de causer des milliers de victimes, ce qui pourrait entraîner toute la région dans une guerre sanglante. En face de tout ce réarmement à outrance des ennemis d’Israël, qui préparent la prochaine guerre, Israël dort profondément. Durant des années, personne ne prépare une réponse efficace contre ces 250 milles missiles. Le chef des renseignements militaires ne dit mot, le pays vaque à ses occupations quotidiennes.

Mais en septembre 2019, lorsque les Iraniens ont mené une vaste attaque contre les installations pétrolières de l’Arabie saoudite, Israël s’est réveillée. Les responsables israéliens ont vu les ayatollahs être capables d’utiliser des technologies sophistiquées pour détruire un tiers ou la moitié des infrastructures pétrolières de l’Arabie saoudite. Alors, le premier ministre Benyamin Netanyahu prononce un discours, où il pointe le danger existentiel des toutes ces armes autours du pays et déclare que la menace est plus grande que celle d’avant la guerre de Kippour. Il ajoute, il faut signer un accord préférentiel de défense avec les États-Unis et il rajoute qu’il faut investir 13,2 milliards de dollars pour préparer la prochaine guerre. Mais que faisaient tous ces grands stratèges durant la dernière décennie ! Israël a perdu 10 ans et est devenu l’un des pays les plus menacés dans le monde.

Voici un aperçu concernant la quantité et le rythme d’arrivée de missiles de 700 kg d’explosifs sur Israël, lors de la prochaine guerre. On parle de 2000 à 4000 missiles par 24 heures. Ces missiles vont s’abattre sur toutes les infrastructures vitales du pays : énergie, eau potable, routes et autoroutes, ports, aéroports, dont des militaires, industries, chemins de fer, centres de pouvoir, centres urbains et la population civile dans son ensemble. Cela entraînera une destruction massive des villes et causera des milliers de morts et des dizaines de blessés. Mais ce n’est pas tout. Durant les dix dernières années le Hezbollah, le Hamas et le Djihad ont créé des centaines d’unités de troupes spéciales (commandos). La mission de ces unités est de traverser les frontières et d’occuper les villes et villages le long des frontières d’Israël. L’armée sera incapable de repousser ces commandos, car ses forces terrestres sont insuffisantes, de donner une réponse à toutes ces menaces. À cause de coupes budgétaires des dernières années, l’armée d’Israël se trouve « à l’os » du point de vue des effectifs.

Chaque chef d’état-major veut imprimer sa marque. Des plans, des projets et des décisions du précédent sont annulés au profit du nouveau. Il n’y a aucune planification à long terme. Il n’y a aucun pilotage, par les politiques, des actions et du fonctionnement de l’armée.

En 2006, après la deuxième guerre du Liban, le chef d’état-major et le gouvernement d’alors, arrivent à la conclusion qu’il n’y a plus de guerres de pays à pays. Israël est en paix avec l’Égypte et la Jordanie, la Syrie est une quantité négligeable, il y a deux milices terroristes, une au Liban le Hezbollah et une le Hamas à Gaza et qui ne représentent pas de danger existentiel pour Israël. D’après ce constat on prend une décision grotesque. On réduit l’armée de terre. Résultat, elle n’était capable de défendre que deux fronts, au nord et au sud. On ne prend pas en compte les bouleversements dans la région. Aucune anticipation concernant le futur de la défense du pays. Aucune leçon de la calamiteuse conduite de la 2 guerre du Liban n’a été tirée. Bref, toutes les prévisions concernant l’avenir de l’armée, par l’état-major, quelques années plus tard, s’avéreront complètement fausses.

Le Hezbollah devient une armée de terroristes, bien entraîné par Iran et qui se dote d’une force de frappe balistique énorme, toujours grâce à l’Iran. Idem pour le Hamas, qui se paie le luxe d’entretenir, outre ces fusées, des milliers de commandos d’attaque, toujours grâce à l’Iran. Les Syriens, après leur guerre civile, encore grâce à l’Iran et les Russes, reviennent dans le jeu régional et menacent de nouveau le nord est d’Israël.

Alors, en 2012 arrive le chef d’état-major suivant et il décide, malgré les oppositions au sein d’état-major, de nouvelles réductions de l’armée. Il est le seul à décider. On ne se pose aucune question. Où est le premier ministre, où est le ministre de la Défense, où est la commission de la défense du parlement ?… Personne ! Toute la défense d’Israël dépend d’un seul décideur, le chef d’état-major.

Alors en 2015, arrive un nouveau chef d’état-major, qui voyant la situation demande au ministère du budget une rallonge. Le ministère répond : dégraisse l’armée de 5 mille militaires de carrière, alors tu auras les budgets. Il obéit. L’armée se retrouve en situation de ne pas remplir ses missions de base. Il manque des officiers expérimentés et ainsi que des professionnels de maintenance et de la logistique. Pire, par manque de personnel, les programmes d’entraînement et de formation aux nouveaux métiers, subissent des retards, voire, purement et simplement des annulations.

En 2019 le nouveau chef d’état-major, encore en poste aujourd’hui, devant le désastre qui crève les yeux, décide de mettre en route une nouvelle politique. Il veut créer de nouvelles unités pluridisciplinaires, basées sur les nouvelles technologies, sauf qu’on lui refuse les budgets pour réaliser ce programme. Il n’y a pas d’argent. La COVID 19 coûte des milliards au trésor, et impose de nouvelles priorités au pays. Alors, pour mettre en route les nouvelles modifications, il faut épargner. On réduit de plusieurs centaines le nombre de chars et on arrête pratiquement les entraînements des réservistes. Finalement on réussit à mettre sur pied quelques régiments pluridisciplinaires, au prix de coupes drastiques dans d’autres branches de l’armée de terre. Seule arme à peu près préservée : l’armée de l’air. Toutefois, cette aviation efficace pour les missions des guerres passées, est inopérante contre les fusées du Hamas qui régulièrement s’abattent, surtout sur le sud du pays. Pire, lors du dernier conflit contre le Hamas, durant quinze jours, cette force stratégique était incapable d’arrêter la pluie de roquettes artisanales, alors comment donnera-t-elle une réponse contre les milliers de missiles de précision qui s’abattront sur Israël, dans la prochaine guerre ? Conclusion : à chaque fois, Israël est en retard d’une guerre.

Dernièrement, les Américains ont ouvert une ligne de crédit de 9 milliards de dollars sur six ans, et malgré des problèmes énormes dans l’armée de terre, la majorité de ce budget a été consacrée à l’achat d’avions de la 5ᵉ génération F-35. En gros, on a transformé l’aviation en armée exclusive de l’État d’Israël. Outre le problème de l’inefficacité de l’aviation contre les missiles, la défense par missiles contre missiles ne donne pas de réponse satisfaisante.

Contre des missiles balistiques, Israël a développé le missile « Khetz » (flèche). Chaque « Khetz » coûte 3 millions de dollars. Combien coûterait à Israël un système de défense efficace à 90 % ? On n’est même pas capable de donner un chiffre approximatif. Il y a le missile « Sharvit ksamim », (baguette magique) destiné à des missiles atmosphériques à moyenne altitude, dont le développement est en phase finale. Chaque « Sharvit ksamim » coûte 1 million de dollars. Économiquement c’est la même histoire que « Khetz ». Enfin, il y a le « Dôme de fer », qui est efficace contre des fusées artisanales du Hamas, mais contre des gros missiles atmosphériques, il ne peut rien. Chaque fusée du « dôme de fer » coûte 100 mille dollars. Imaginez quels stocks il faudrait détenir, pour assurer la défense de la population, durant une journée, contre des centaines de fusées arrivant de Gaza. Est-il envisageable tenir au-delà de quelques jours ? Des spécialistes se sont risqué à donner un chiffre approximatif, qui pour une défense anti balistique minimale, serait de 30 milliards de dollars et leur calcul s’est basé sur la durée minimale basse des hostilités. Donc du point de vue économique, Israël est dans l’impossibilité d’aligner des telles dépenses. D’ailleurs, même une puissance de premier ordre ne tiendrait pas bien plus long temps.

Il y a tout de même des points positifs et notamment l’arme laser. Elle est dans le stade final des essais et on peut espérer en sa rapide intégration dans les forces anti aériennes et anti-missiles de tout type. Sa mise en utilisation doit être aussi rapide que le dôme de fer en son temps. Le laser se trouve aujourd’hui être la meilleure réponse contre des armes balistiques arrivant par centaines simultanément.

L’un des problèmes les plus pressants est la défense du secteur civil, c’est-à-dire de la population. Dans la prochaine guerre, ce qu’on appelait autre fois l’arrière, se trouvera en première ligne et cela deviendra le front principal de l’État d’Israël.

Aussi incroyable que cela paraisse, la défense du secteur civil n’est pas intégrée ni coordonnée dans les programmations des besoins de l’armée. Il y a peu de temps, deux études critiques du contrôleur général de l’État, sur l’impréparation de la défense des civils ont vu le jour. Elles pointent le manque criant d’abris dignes de ce nom, l’insuffisance et la non-adaptation aux nouvelles exigences sécuritaires des moyens de sauvetage, ainsi qu’un manque de la définition de la gouvernance globale en temps de guerre, qui donnerait la réponse aux questions : qui, quand, comment, où et avec quels moyens ponctuels. Rien n’est prêt ou à peu près. Souvenons-nous de la catastrophe de Méron (30 avril 2021, accident dans une allée sur un site de pèlerinage qui a fait 44 victimes). Tout le monde savait qu’elle allait arriver. Des manquements avaient été pointés par l’inspecteur de sécurité, mais il n’avait pas le pouvoir d’annuler le rassemblement. Les autorités religieuses étaient complètement irresponsables, alors qu’elles étaient au courant. Dilution des responsabilités, bref, c’était la chronique d’une catastrophe annoncée et qui est malheureusement arrivée. Alors, tout le monde rejette la faute sur l’autre et évidemment c’est la débandade générale. Concernant la préparation de la défense civile, c’est exactement la même situation que pour la catastrophe de Méron. Tous les problèmes sont connus, les manquements répertoriés, mais personne n’endosse la responsabilité de la mise en œuvre de recommandations contenues dans plusieurs rapports pourtant largement diffusés dans l’armée et les ministères concernés.

Examinons les raisons profondes d’une telle situation. L’armée israélienne, comme toutes les armées, se compose de trois branches. Armée de terre, armée de l’air et marine. L’armée de l’air a un patron, qui a tous les pouvoirs de sa gouvernance et d’ailleurs, l’aviation est dirigée comme une grande société privée. L’Armée de terre n’a pas de chef et sa gouvernance est floue et pas de responsabilités bien définies. En fait c’est le chef d’état-major qui s’occupe de l’armée de terre, alors qu’il est le patron de toute l’armée. Forcément il n’a pas le temps à consacrer à l’armée de terre. Alors c’est le chef d’état-major en second qui « s’y colle ». Mais lui aussi a d’autres obligations et d’ailleurs au bout de deux ans, il devient le chef d’état-major et ce sont les généraux de secteurs (nord, centre et sud), qui essaient tant bien que mal de suppléer aux tâches subalternes. Qui est responsable de cette situation ? Tout le monde et personne. Le turn-over des hauts gradés est incessant. Assurer une continuité des projets devient impossible et aucune programmation d’activité à moyen et long terme n’est possible. Tous ces manquements apparaissent dans plusieurs rapports et audits, mais personne ne les lit et ils dorment dans les tiroirs.

Voici, dans les grandes lignes, le processus de la nouvelle gouvernance à introduire dans l’armée. En ce qui concerne la responsabilité des politiques, il faut que le Premier ministre définisse, en coopération avec les chefs des Renseignements militaires, Mossad et Sécurité intérieure, les menaces stratégiques actuelles et futures, validées par le cabinet de sécurité. Ces menaces, à leur tour, définiront les objectifs militaires à atteindre. Puis, on attribue un budget en accord avec les objectifs, avec l’option d’avenants additifs. Ensuite, le premier ministre transmet ces informations au chef d’état-major, qui prépare une planification, avec la définition de ressources humaines, objectifs spécifiques à chaque corps d’armée. À cette étape, les chefs des corps d’armées travaillent en complète coordination, afin de définir des complémentarités et les canaux de coordination entre les corps d’armées. À l’étape suivante, chaque chef de corps d’armée s’engage à réaliser ses objectifs des entraînements, mise à niveau des équipements, atteinte d’une professionnalisation des métiers militaires pointus, rehausser la motivation et le moral des soldats, etc… Tout cela en vue d’atteindre une préparation optimale à l’obtention des objectifs fixés. Le chef d’état-major pilote, tel un chef de projet, tout le processus avec des réunions périodiques des hauts gradés concernés, reportings, et met en route des corrections de trajectoire, délais et étapes.

Malheureusement, aujourd’hui la gouvernance n’a rien à voir avec la méthode décrite plus haut : le parlement vote le budget global du pays, puis chaque ministre se bagarre pour obtenir la meilleure part pour son ministère. Dans le cas du ministère de la Défense, une fois le budget obtenu, il l’attribue à l’armée et laisse le chef d’état-major se débrouiller, car le ministre « fait de la politique ». Et dans ce cadre, chaque chef de corps d’armée essaie d’obtenir la meilleure part du gâteau. En général c’est le chef d’aviation qui gagne car l’armée de l’air est la mieux structurée et c’est elle qui a adopté des process industriels de gouvernance. Dans ces conditions, c’est l’armée de terre qui se retrouve avec la part du pauvre, car elle est déconsidérée aux yeux des responsables politiques et militaires. L’armée est devenue une administration pléthorique, lourde et inefficace. Et par-dessus tout, pour ajouter à ce sombre tableau, dans cette pagaille, le niveau politique est déconnecté de la réalité et n’assume pas son rôle de contrôle.

Et il arrive ce qui ne devrait jamais arriver. Chaque chef d’armée fait son armée à lui, sans une coordination avec les autres. Le chef d’état-major ne peut pas piloter car il n’y a aucun projet cohérent. En raison de la non définition préalable de menaces telles que par exemple la Syrie ne répondant pas aux actions de bombardement des positions iraniennes, ce qui est en général le cas, auquel cas on considère que la Syrie ne constitue pas une menace, et par conséquent, on ne se prépare pas sur la frontière syrienne, à part quelques actions routinières, à faire face à une menace qui « n’existe pas ». Résultat, l’armée mal préparée, avec des objectifs non coordonnés et démotivée n’est pas en état de remplir son rôle de défense du pays.

Et maintenant la chose la plus importante. Sans la connaissance, par l’opinion publique de l’état réel de l’armée et la pression de la même opinion publique sur les politiques, rien ne sera changé concernant les Forces de Défense d’Israël.

Que faudrait-il faire pour améliorer la situation.

  • Les dirigeants politiques et l’armée doivent cesser de présenter l’image de l’armée triomphante, qui ne correspond à aucune réalité.
  • Les dirigeants politiques doivent se réveiller et prendre urgemment des mesures afin de définir le concept défensif global et préparer l’armée pour une guerre « multi fronts ».
  • Mettre en œuvre la défense du pays à l’aide de missiles « sol-sol ».
  • Développer et intégrer en tant que standard de défense des armes à laser.
  • Reprendre l’entraînement intensif des unités de réserve et les former aux nouveaux systèmes d’armes.
  • Équilibrer les budgets entre les corps d’armée et créer une interopérabilité entre eux.
  • Récréer, comme dans le temps, une défense citoyenne, redonner des moyens de défense (armes et formation) aux villes et villages frontaliers, afin qu’ils puissent se défendre en cas d’attaque des commandos, avant que l’armée ne vienne à l’aide.
  • Recréer à nouveau une cohésion entre l’armée de métier et l’armée de conscription et les réservistes.
  • Donner aux municipalités, la mise en œuvre de procédures de défense passive, et créer des canaux de coordination avec l’armée.

Seul le peuple commande et les politiques et l’armée sont à son service.

Édouard GrisMABATIM.INFO
Transcription et adaptation

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