Pèlerinage juif au Maroc : rabbi Raphael Berdugo, le jeune Av Beth Din de Meknès

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Rabbi Raphael Berdugo alias «l’ange Raphaël» est né à Meknès en 1747 au sein d’une illustre famille rabbinique, à commencer par son grand-père, le rav Moché Berdugo, son père rabbi Mordekhay et son frère Yekutiel. En 1762, alors qu’il n’est âgé que de 15 ans, Raphael Berdugo perd son père. Il poursuit toutefois ses études «dans une pauvreté extrême», comme le rapporte le média Hyomi. «Mais il n’oubliera jamais sa vie de pauvreté car lorsqu’il a atteint l’âge adulte, il s’est battu pour les pauvres Juifs.»

Jeune, Raphael Berdugo avait l’habitude d’étudier la Tora et le Talmud la nuit dans le sous-sol de sa maison. Attaché aux études du livre sacré, «il gardait les jambes attachées avec une corde pour éviter de somnoler et manquer ainsi à ses études de la Tora», raconte pour sa part Issachar Ben-Ami dans son livre «Saint Veneration Among the Jews in Morocco» (Editions Wayne State University Press, 1998).

Un amoureux de la Tora et du Talmud devenu Av Beth Din

Une détermination qui portera ses fruits. Devenu un érudit et expert dans la Tora, il était spécialisé en «commentaires» et des explications du texte sacré. «Il a écrit son commentaire sur le Talmud, Sharvit Zahav, en 1771, à l’âge de 24 ans», rapporte-t-on, avant de devenir Av Beth Din, soit le chef du tribunal rabbinique de Meknès alors qu’il était encore dans la trentaine. Il était ainsi considéré par la communauté juive au Maroc comme l’enseignant le plus important de Halakha, soit l’ensemble des prescriptions, coutumes et traditions collectivement dénommées «Loi juive».

Raphael Berdugo partageait alors le leadership à Meknès Rabbi Baroukh Toledano (1738-1817), avec lequel il s’était souvent laissé entraîner dans de violentes disputes, et avec le rav Petahiah Mordekhaï Berdugo (1764-1820). «En sa qualité de dirigeant de la communauté, rav Raphael Berdugo a été une source de réconfort et de soutien pour les Juifs du Maghreb, pendant la sécheresse et les épidémies de peste qu’a connues le Maghreb au cours de ces années, et particulièrement lors des émeutes qui ont éclaté entre 1790 et 1792», raconte-t-on dans Hyomi. En raison de ses manières pieuses et ascétiques, rabbi Raphael Berdugo recevra même le surnom de «Raphael l’Ange».

Le cimetière juif à Meknès. / Ph. DRLe cimetière juif à Meknès. / Ph. DR

«L’Afrique du Nord a connu une floraison de la Tora au cours de cette période. Au Maroc, le plus remarquable est peut-être le rav Raphael Berdugo, dont les œuvres en halakhique incluent un commentaire du Shoulhan Aroukh (code de lois juives, ndlr) et une nouvelle talmudique. Ses positions méthodologiques et théoriques concernant l’étude et l’interprétation des textes rabbiniques classiques ont été particulièrement intéressantes», raconte Zion Zohar, auteur de «Sephardic and Mizrahi Jewry: From the Golden Age of Spain to Modern Times» (Editions NYU Press, 2005), évoquant des «positions ayant été analysées comme préfigurant, dans certains sens, celles des érudits modernes».

De leur côté, Haïm Zafrani, Nicole Serfaty et Joseph Tedghi, auteurs de «Présence juive au Maghreb» (éditions Bouchène, 2004) voient en les textes de cette «éminente figure du judaisme marocain» pour expliquer les textes rabbiniques, la tentative «la plus noble et la plus aboutie».

«Rabbi Raphael était un grand érudit de la Tora. On lui doit trois commentaires: deux d’entre eux, le Mei Menou’hot et le Mesame’hé Lev sont rédigés en hébreu et le troisième, le Leshon Limmudim, est écrit en arabe. La plus part des commentaires de rav Berdugo sur la Bible datent de la fin du XVIIIe siècle.»

René-Samuel Sirat dans «Héritages de Rachi» (Editions L’Eclat, 2006)

 

Un chef du tribunal rabbinique innovateur

Rabbi Raphael Berdugo décède «le 21 Tichri 5582 (1822) à l’âge de 75 ans», laissant derrière lui plusieurs ouvrages et manuscrits en hébreu et en arabe, qui s’intéresse notamment à l’héritage. D’ailleurs, à en croire Avi Sagi, Zvi Zohar, auteur de «Transforming Identity: The Ritual Transition from Gentile to Jew – Structure and Meaning» (Editions A&C Black, 2007), Rabbi Raphael Berdugo, et malgré que cela soit interdit dans les coutumes juives, autorisa le remariage d’une femme avec son ancien mari, converti à l’islam, car pour lui, le Juif converti à l’Islam ne serait peut-être par perdu pour le judaïsme alors qu’en tout cas, c’était bien la seule chance pour le récupérer.

Vue du quartier Mellah à Meknès. / Ph. DRVue du quartier Mellah à Meknès. / Ph. DR

«Bien que son cœur soit encore enclin au paganisme, puisqu’il a accompli l’acte par lequel se déroule le giyour, il est encore juif. Parce que le Saint béni soit-il, donne-t-il du poids aux mauvaises pensées. Et les affaires de cœur sont sans conséquences.»

Rabbi Raphael Berdugo

L’érudit ne serait pas décédé à Meknès comme le laissent entendre certaines versions de l’histoire. Inhumé actuellement à l’ancien cimetière juif de Meknès, cet emplacement serait ainsi sa deuxième tombe. «Rabbi Raphael Berdugo était resté dans sa tombe pendant de nombreuses années. Quand (en 1823) le sultan voulait utiliser son lieu de sépulture, ils ont conservé les ossements du saint et l’ont enterré ailleurs. C’est alors qu’ils ont découvert que son linceul était toujours blanc», rapporte Issachar Ben-Ami.

La Hilloulah de Rabbi Raphael Berdugo est célébrée à Lag Ba’Omer, la fête juive d’institution rabbinique, entre le 11 et le 12 mai de chaque année.

Source : https://www.yabiladi.com/articles/details/81120/pelerinage-juif-maroc-raphael-berdugo.html

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