Que cache la solidarité du Hezbollah avec le régime de Maduro ?

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Les relations entre le parti chiite et le Venezuela, et au-delà avec plusieurs pays d’Amérique latine, ne datent pas d’hier.

Le Hezbollah, un allié de longue date de l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez puis de son successeur Nicolas Maduro, s’est dépêché hier d’exprimer son soutien au régime en place, au lendemain d’une tentative ratée de putsch militaire commanditée par l’opposition que dirige l’actuel président du Parlement, Juan Guaido.

Hier, une délégation du parti chiite présidée par le chef de son groupe parlementaire, le député Mohammad Raad, s’est rendue à l’ambassade du Venezuela pour exprimer son soutien au régime en place, relayant ainsi la position exprimée par plusieurs pays, comme la Russie, la Chine ou Cuba, qui ont appuyé le président Maduro, dénonçant les « ingérences extérieures » au Venezuela.

Mercredi, le président du Parlement Juan Guaido s’était autoproclamé « président » par intérim, une annonce immédiatement reconnue par les États-Unis et leurs alliés dans la région. Mais Maduro, l’héritier bolivarien de son prédécesseur Hugo Chavez, semble pour l’heure avoir repris les rênes après avoir reçu l’appui de l’armée. Il a accusé mardi le gouvernement américain d’avoir ordonné « un coup d’État fasciste ». Bien qu’investi une nouvelle fois le 10 janvier, les États-Unis, l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique latine n’ont pas reconnu son second mandat.

« Nous et nos frères au sein du Hezbollah ainsi que le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, proclamons notre appui au peuple vénézuélien et à ses leaders libres », a déclaré M. Raad à l’issue de la visite. Le député chiite a salué « le soutien du peuple » (au président actuel) qu’il a qualifié de « digne ». La veille, le Hezbollah avait condamné dans un communiqué les ingérences des États-Unis dans les affaires intérieures du Venezuela, « destinées à déstabiliser ce pays riche en ressources pétrolières », soulignant que Washington œuvrait à provoquer un coup d’État contre le gouvernement « légal » du pays. « Tout le monde sait que les interventions de Washington dans la crise au Venezuela ne s’inscrivent pas dans le cadre de la défense de la démocratie et de la liberté. Elles révèlent plutôt la volonté de la Maison-Blanche de mettre la main sur les ressources et les richesses de ce pays », précise le communiqué. Le Hezbollah a indiqué par la même occasion que les États-Unis « veulent punir tous les pays dont les politiques ne sont pas conformes aux approches hégémoniques de la Maison-Blanche ».

Impérialisme US

Selon un expert des pays d’Amérique latine, la visite de solidarité effectuée par le Hezbollah à l’ambassade vénézuélienne « est du pur folklore qui n’a aucun intérêt ni pour le parti chiite ni pour le Venezuela, dont l’avenir est aujourd’hui plus incertain que jamais ».

Cette manifestation de solidarité est toutefois symbolique dans la mesure où les deux parties partagent une ligne idéologique similaire que cimente leur opposition à « l’impérialisme américain ».

Fidèle à ses alliés et toujours soucieux de rendre la politesse à ceux qui l’ont soutenu durant les moments difficiles, le Hezbollah n’a d’ailleurs pas oublié la position prise en 2006, en pleine guerre israélienne contre le parti chiite, par l’ancien président Hugo Chavez. Ce dernier avait à l’époque menacé de rompre ses relations diplomatiques avec Tel-Aviv, en signe de protestation contre les actions militaires de l’État hébreu, et ordonné dans la foulée le rappel de l’ambassadeur du Venezuela en Israël. Celui-ci avait été jusqu’à accuser les États-Unis d’être « complices du régime sioniste dans les massacres commis au Liban ». La décision de fermer l’ambassade sera toutefois effective en juillet 2009, une initiative prise en signe de solidarité avec le peuple palestinien et pour protester contre l’offensive israélienne à Gaza, qualifiée de « génocide » par M. Chavez.

La relation entre l’Iran, parrain du Hezbollah, et le Venezuela ne date pas d’hier. Le rapprochement des deux pays s’est opéré à la faveur de liens d’intérêt qui se sont notamment manifestés au sein de l’OPEP où les deux pays ont constitué un front contre les autres membres de l’organisation alliés aux États-Unis. Le soutien du régime de Caracas à l’axe de la résistance s’inscrit également dans le prolongement de la relation stratégique entre l’Iran à son allié d’Amérique du Sud, dont l’une de ses manifestations était l’amitié ouverte qu’entretenaient les présidents Hugo Chavez et son homologue iranien de l’époque, Mahmoud Ahmadinejad. Un rapprochement motivé par une adversité partagée à l’égard des États-Unis et leur politique d’isolation pratiquée à l’encontre de ces deux pays, régulièrement frappés par des sanctions. Le régime de Chavez a été même accusé d’aider l’Iran à contourner les sanctions américaines.

Ciudad del Este et narcotrafic

Plusieurs informations de presse et témoignages font état par ailleurs d’une implantation profonde du Hezbollah sur l’ensemble du territoire latino-américain, dont le Venezuela, où le parti chiite est pointé du doigt pour son implication dans les cartels de la drogue répandus dans ce pays notamment.

Commentant les derniers développements qui se sont produits à Caracas, Kheira Drissi, ancienne conseillère pour les rapatriés au cabinet du ministre français de la Défense et membre du Parti socialiste, a affirmé hier sur son compte Twitter qu’« au Venezuela, ce n’est plus un secret pour personne que des cellules du Hezbollah opèrent en toute impunité, aidées en cela par des agents placés aux plus hauts postes de narco-régime de Nicolas Maduro, ce qui facilite leurs opérations criminelles en agissant sous couvert ».

Des informations que confirmait hier la chaîne al-Arabiya dans un reportage qui braque la lumière sur les relations étroites entretenues par les deux pays et dont Nicolas Maduro a hérité. Signe de ce legs politique, l’arrivée en janvier 2017 au poste de vice-président de Tarek el-Mayssami, un Syrien d’origine,« connu pour ses relations étroites avec l’Iran et le Hezbollah. Mayssami a œuvré à élargir l’expansion des membres du Hezbollah », indique al-Arabiya.

« Il n’y a qu’à aller faire un tour du côté de Ciudad del Este pour constater l’ancrage du Hezbollah également dans cette ville du Paraguay », commente l’expert. Une présence confirmée par un article publié par le Corriere della Sera en 2005, intitulé « Le Hezbollah étend sa toile en Amérique latine », dans lequel l’auteur explique comment le parti chiite « a fait de Ciudad del Este sa base commerciale et stratégique : une tête reliant le Liban à l’ensemble du continent latino-américain ».

Source www.lorientlejour.com

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