« Tu es un prince »

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Rav S. a organisé une fête familiale à l’occasion de la parution d’un dernier ouvrage consacré, comme les précédents, à des commentaires de la Guemara. Il en profita pour louer le dirigeant spirituel de la Yechiva dans laquelle il avait étudié, la fameuse Yechivath ‘Hévron. Il raconta comme suit :

« J’ai donc commencé ma carrière à la Yechivath ‘Hévron. Et je n’ai pas connu de succès, au contraire : mes camarades me dépassaient aisément dans tous les domaines, et je me suis senti rapidement décrocher. J’étais à mes yeux faible et dépassé. Mais quand mon jeune frère est arrivé à la Yechiva, cela a été le coup de grâce : très rapidement, il a pris une bonne place dans le groupe, parvenant à se placer parmi les meilleurs éléments de la Yechiva. Je suis alors devenu le « frère de… ». J’ai plongé dans une profonde dépression, j’ai abandonné l’étude et je me promenais très couramment dans le quartier de la Yechiva, à Gueoula… Or voici que j’ai rencontré le machgia’h au hasard de mes balades, le rav Méïr ‘Hadach zatsal. Il m’interpella chaleureusement et me demanda s’il pouvait prendre « conseil » auprès de moi sur un détail du prochain cours qu’il devait donner à la Yechiva.
Pouvais-je lui refuser cela ?
« Ce Chabbath, nous avons lu les Dix Commandements, dans lesquels est inscrit l’interdiction de convoiter. Comment peut-on surmonter de telles envies ? Il est vrai que le Ibn Ezra répond déjà à cette question avec sa fameuse image du paysan qui ne peut pas envier la fille du roi, car une personne de son bas rang ne peut en aucune manière arriver à un tel mariage, et donc ne peut éprouver de tels sentiments d’envie – en conséquence, chacun doit se sentir comme ce paysan par rapport aux biens d’autrui, et ne peut pas éprouver de jalousie à leur égard. Mais cette voie comprend un certain défaut : elle nous amène à réduire notre niveau, à nous sentir comme des gens de basse condition face à la princesse…
En vérité, la réponse se trouve dans la même paracha :
« Et vous serez pour Moi un peuple de prêtres et une nation sainte » (Chemoth/Exode 19,6) ! A savoir, dans le fond, chaque Juif est fils de roi ! Ceci nous amène à dire que la vraie compréhension dans ce que dit le Ibn Ezra est la suivante : puisque tu es fils de roi, comment peux-tu en arriver à convoiter les réussites de l’autre ? Tu es un prince ! Tu as en toi des éléments particuliers qui jamais n’ont été présents dans le monde, car chaque Juif est spécial, nouveau, inégalé. Quiconque en arrive à penser que le gazon du voisin est plus vert que le sien est invité immédiatement à redonner un coup de peinture au sien ! Plus on est capable de prendre conscience de sa propre valeur, de son rôle, du but de sa vie, et qu’on s’applique à les concrétiser, plus des pensées destructrices de jalousie et de convoitise disparaissent. »
Le machgia’h s’est arrêté sur ces bonnes paroles, et a demandé mon avis à leur sujet. J’ai secoué la tête en signe d’accord. Il m’a quitté non sans me lancer : « N’oublie jamais, tu es un prince ! »
Je suis revenu au Beth haMidrach un autre homme, comme si je venais de naître. Je me suis concentré sur moi-même et sur mes capacités, et que D’ en soit loué, je suis arrivé à ce que vous savez aujourd’hui. »

On rapporte la réponse de rav Israël Salanter au Saba de Slabodqa, lequel lui demandait à quoi servait-il d’ériger des Yechivoth : « Pour vivifier l’esprit des humbles, pour ranimer le cœur des affligés » (Yechayahou/Isaïe 57,15) a répondu ce maître, ce qui prouve bien qu’il concevait que l’encouragement et le renforcement des jeunes faisaient partie prenante du travail de la Yechiva.

Cette notion doit sans doute s’inscrire dans le programme éducatif de tout parent, et figurer au programme de toute enceinte pédagogique, quelle qu’elle soit…

Par rav David Braverman

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