En quoi la guerre que mène Israël nous concerne aussi, en France, et plus généralement en Occident ?

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Par Elie Sasson pour Tribune Juive

Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, jusqu’aux négociations d’Annapolis en 2007, Occidentaux et Israéliens se sont obstinés à ne pas entendre les arguments pourtant explicites des Arabes. Dans un déni de réalité inexplicable par son ampleur et sa durée, ils se sont accrochés à l’idée qu’un compromis territorial était possible. C’était faire fi de l’origine théologique du refus arabe de voir se constituer un Etat juif en Palestine. Lorsque D’ S’en mêle, aucun compromis rationnel n’est envisageable.

Pour les Arabes, il n’a jamais été question de se battre pour un partage de la Palestine mandataire qu’ils auraient jugé plus équitable, mais uniquement de contester la légitimité des Juifs à retourner sur la terre de leurs ancêtres. Pour autant, qu’on ne s’y trompe pas, le refus arabe de la présence d’un Etat juif ne vient pas du Coran, comme on le pense parfois, mais de la jurisprudence islamique classique.

Le principe selon lequel une terre sous domination islamique ne doit pas repasser sous le contrôle d’une entité non-musulmane n’est pas spécifié dans le Coran. Il s’est imposé dans la jurisprudence islamique classique, à partir du califat omeyyade et abbasside.

L’idée découle de la notion de « Dar al-Islam » (territoire de l’islam) et de « Dar al-Harb » (territoire de la guerre ou non-musulman), catégories classiques utilisées dans le droit islamique médiéval. Selon les juristes de l’époque : une terre devenue Dar al-Islam (par conquête ou conversion) devient « sacrée » ou consacrée à l’islam.

  • Si elle est perdue, il est obligatoire de la récupérer, y compris par le jihad.

C’est notamment dans ce cadre qu’a été formulée la doctrine selon laquelle la reconquête d’al-Andalus (Espagne musulmane perdue aux chrétiens), ou de la Palestine, devait être un objectif religieux.

Ce n’est donc pas un commandement « divin » explicite du Coran, mais un développement juridique et idéologique post-coranique, lié au contexte des conquêtes. Cette vérité permet de conserver une petite touche d’optimisme à l’horizon de plusieurs décennies, peut-être de plusieurs siècles, le temps que des juristes réformistes, à l’instar de très rares penseurs musulmans, comme Muhammad Abduh (XIXe siècle, Égypte) et Fazlur Rahman (XXe siècle, Pakistan/États-Unis), assouplissent la doctrine islamique. On comprendra que ce n’est pas gagné.

S’il faut rester prudent en termes d’optimisme, c’est bien sûr parce que les mouvements islamiques modernes – Frères musulmans (donc Hamas), al-Qaïda ou Daech – ont repris à leur compte l’idée que les terres musulmanes étaient sacrées, que la Palestine, l’Espagne, ou l’Inde musulmane (ex-Mughals) étaient des terres « perdues » qu’il était indispensable de « libérer ».

En Palestine, quand les uns pensaient qu’une négociation était possible, les autres n’avaient qu’une idée en tête : tout prendre. Ou plutôt, à leurs yeux, reprendre, oubliant à l’occasion que l’Islam fut le moteur de la plus incroyable entreprise de colonisation par la violence de l’histoire de l’humanité. Non pas qu’ils se sentaient colonisés en tant que peuple différencié – ce qu’ils n’étaient pas –, mais insultés dans leur foi musulmane. Raison pour laquelle, lorsque la Judée-Samarie devint jordanienne et Gaza devint égyptienne, aucun musulman ne protesta. La preuve était faite que l’essentiel pour la oumma était que la terre de Palestine demeure islamique. Pour obtenir le soutien de la communauté internationale culpabilisée par son passé colonial, il fallait transformer le mouvement sioniste en entreprise de colonisation. Arafat eut l’idée brillante de décréter l’existence du peuple palestinien. Dès lors, dans les universités, dans les médias et dans les partis de gauche, on entérina le décret d’Arafat qui devint en quelques décennies une vérité incontestée partout, sauf en Israël. Dans le monde entier, le mythe était en marche : le (néo)peuple palestinien vivait là paisiblement depuis la nuit des temps et un autre peuple venu de nulle part lui volait sa terre.

À partir de 2007, après que les dernières négociations n’ont rien donné, les Israéliens ont enfin compris et ont cessé de vouloir négocier. Quant à la communauté internationale, elle est restée arc boutée sur la solution politiquement correcte de deux Etats pour deux peuples.

Le 7 octobre, les Israéliens ont compris que le statu quo n’était pas viable à long terme et que les Arabes étaient encore loin d’abandonner l’idée de les exterminer. Après presque 80 années de patience et de bonne volonté, les Israéliens ont pris conscience dans la douleur qu’aucune paix n’était possible avec leurs voisins arabes. Tout accord de paix passé ou futur n’est et ne sera qu’une taqîya à échelle étatique, une pause pour mieux contre-attaquer. Qui tolèrerait ça ?

Dans quelques pays d’Europe, en France en particulier, à moins d’une invraisemblable remigration, la population musulmane sera majoritaire tôt ou tard. Ce n’est qu’une question de temps. Les juristes islamiques considèreront alors que ces Etats-nations européens, au même titre que l’a été la Palestine, seront sacralisés. Aucun retour en arrière ne sera possible. Accepter la doctrine islamique en Palestine aujourd’hui, c’est l’accepter en France dans cinquante ans.

Autrement dit, Israël se bat contre une doctrine islamique à laquelle tôt ou tard les pays à forte population musulmane en Occident seront confrontés. J’ose une analogie triviale : Israël est au Proche-Orient ce que le village d’Astérix et d’Obélix était à l’empire romain, un village d’irréductibles qui refusent de se soumettre à la doctrine de l’Islam.

Abandonner Israël à son sort et risquer qu’il ne perde cette guerre, c’est regonfler l’optimisme conquérant de l’Islam, c’est paver la route des islamistes vers la conquête de l’Occident. Prétendre que ce conflit ne nous concerne pas en tant que Français est une terrible erreur. On peut faire semblant d’ignorer cette réalité, jusqu’au jour où elle nous explosera à la figure.

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