« Carrés mixtes halakhiques » : un faux espoir ?

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Nous sommes interpellés par ce courrier de lecteur qui attire notre attention sur les carrés « mixtes » des cimetières parisiens et la possibilité d’une solution halakhique pour résoudre cette question (barrière ou plantes).

Photo à l’appui, il nous informe de l’impossibilité technique et administrative d’une telle solution à Paris en citant le Règlement Général des Cimetières Parisiens qui ne laisse aucune chance, que ce soit en raison de l’espace entre deux tombes qui est du domaine public ou de la nécessité de conserver une harmonie visuelle à l’ensemble du cimetière. 

Je me permets de m’adresser à vous, parce Kountrass mène depuis de longues années une importante lutte en faveur de la sauvegarde des tombes juives en France, et de la conduite à suivre envers nos défunts selon les critères de la Halakha.

Or je suis très gêné par la solution dont on fait état actuellement : continuer à inhumer nos morts à côté de croix, mais pour être en conformité avec la Halakha il suffirait de mettre en place une barrière, voire ériger une « haie vivante » (= plantation) autour de la tombe !

Cela me parait difficile, pour ne pas dire impossible, pour les raisons suivantes :

A) Que dit le règlement général des Cimetières Parisiens ?

1) Une barrière ou une plantation ne peuvent être réalisées que dans l’espace réservé à la sépulture – lequel correspond dans ces cimetières à la taille de la pierre tombale, et pas plus, donc pratiquement aucune surface n’est disponible dans l’espace entre deux tombes qui fait partie du domaine public réservé au passage.

2) Pour la solution de « plantes » – qui aurait le plus de chances d’être tolérée par un cimetière – l’implantation doit être réalisée en profondeur afin de résister aux intempéries. Cependant, il faudra bien faire attention aux racines qui risquent de déstabiliser les tombes elles-mêmes.

 « Leurs racines ne doivent pas dépasser la limite de la concession. Après une mise en demeure du concessionnaire de respecter ces prescriptions, une procédure juridique pourra être mise en œuvre à l’encontre du concessionnaire afin d’obtenir l’autorisation du retrait ou d’étalage à ses frais. De même, les fleurs fanées, les plantes sauvages et autres végétaux seront enlevés d’office après mise en œuvre de la même procédure aux frais des concessionnaires ».

 De plus, qui sera présent, les années suivantes, pour assurer le bon état de ces plantes ? Qui pourra en être garant –  à perpétuité ?

B) Que dit le spécialiste – directeur général de la société « En sa Mémoire », spécialisée dans l’entretien des sépultures, M. Lepage : « Ce n’est pas une très bonne idée… de nombreux cimetières interdisent les plantations pleine terre… risque de déstabilisation des monuments avec le temps… par la pousse des racines. »

Mais alors allons-nous construire de véritables barrières ? Reprenons le R.G.C.P. :

ART. 50 – Toute entreprise ayant satisfait aux obligations précédentes et devant effectuer des travaux sur les sépultures, doit impérativement prévenir le conservateur ou son représentant de la date et de la durée de son intervention, en établissant une déclaration de travaux signée du concessionnaire, de son ayant droit ou de son mandataire. Après étude du dossier, un bulletin technique est remis au déclarant, intégrant les réserves éventuelles. Ce document doit être présenté et visé aux entrées et à toute réquisition des agents des cimetières.

ART. 51 – Les constructions de caveaux, les édifications de monuments ainsi que tous autres travaux destinés aux sépultures de famille ne peuvent être réalisés que sur des terrains concédés et en respectant rigoureusement les limites de ces derniers. Les travaux entrepris sans déclaration ou non conformes aux bulletins techniques délivrés et aux règles fixées ci-dessus peuvent être immédiatement suspendus. Le démontage ou la démolition des ouvrages peut éventuellement être prescrit. 

A notre connaissance, à ce jour, personne n’a réussi à obtenir une autorisation de constituer une barrière – l’exemple de ce cimetière de province, le cas de Gilbert Bloch הי »ד, ancien résistant juif inhumé pendant la guerre en cimetière public du maquis, n’est pas probant pour un grand cimetière de la région parisienne. Quant à ce qui s’est oui passé dans la région parisienne, où un maire l’a permis dans un cimetière local, c’était en période pré-électorale, et n’est certainement pas valable dans les grands sites funéraires de la capitale !

Je me permets de joindre une photo prise dans le « carré mixte » de Pantin. La tombe de gauche est toute récente, avec même deux bougies pour la nechama… Au niveau « surface » (cf. R.G.C.P § 54) : où mettons-nous la barrière ou les plantes ? Au niveau « visuel » : peut-on imaginer un directeur de cimetière qui accepte une telle dysharmonie (cf. § 52 et 53) dans une division ?

C) Enfin, on nous disait que ces carrés mixtes finiront par être « judaïsés » en étant totalement libérés de la présence de tombes « étrangères ». Ceci ne pourrait résulter, selon le règlement cité plus haut, qu’après la constatation d’un état d’abandon de ces tombes afin d’en autoriser leur « exhumation administrative », mais l’aspect de la tombe voisine peut nous laisser présager que ce ne sera pas dans un proche avenir…

Cette situation se confirme par le récent rapport de la Chambre Régionale des Comptes concernant la gestion des cimetières parisiens (2018 – p. 35, 37) : « Le Maire doit veiller à ce que : …L’espace confessionnel ne soit pas isolé des autres parties du cimetière par une séparation matérielle de quelque nature qu’elle soit, conformément à la loi du 14 novembre 1881… Pour être considérée comme abandonnée, une sépulture devait manifester des signes extérieurs nuisibles au bon ordre du cimetière… »

Pour ces défunts qui ne peuvent plus s’exprimer, behatsla’ha !

Y. Charbit

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