Le document destiné aux chefs d’établissement et aux enseignants insiste sur les certificats médicaux de complaisance, le port des signes religieux et l’obligation d’assiduité des élèves malgré les fêtes religieuses.
Le ministère de l’Éducation nationale va envoyer aux chefs d’établissement et enseignants, ce mercredi 30 mai, un guide de conduite à tenir sur les questions de laïcité. Ce «vade-mecum» que Le Figaro s’est procuré a été concocté par le Conseil des sages de la laïcité, dont les membres ont été nommés par Jean-Michel Blanquer en début d’année. «Nous sommes tous tombés d’accord malgré nos divergences de points de vue», explique l’un des membres du Conseil, qui compte Laurent Bouvet, le cofondateur du Printemps Républicain, et Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité.
Ce guide de plus de 80 pages remplace le livret élaboré du temps de Najat Vallaud-Belkacem, qui en comptait 33. Il s’agit de donner des outils aux personnels de l’Éducation nationale pour que l’ensemble des établissements scolaires «reste à l’abri de toute manifestation de propagande». Les sanctions encourues en cas de manquement sont clairement affichées dans ce guide qui se veut plus pratique que le précédent, présentant une vingtaine de situations concrètes d’application du principe de laïcité auxquelles les enseignants et chefs d’établissements sont régulièrement confrontés sur le terrain.
Chaque fiche présente la situation, les principes juridiques, des exemples et des conseils d’action. Celle sur le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse rappelle par exemple que pour le Conseil d’État, le port d’un sous-turban sikh par un élève peut être considéré comme une manifestation ostensible de son appartenance religieuse, tout comme le port d’un bandana par une jeune femme qui refuserait systématiquement de l’enlever. L’intention de l’élève est fondamentale. Il a été récemment jugé en 2017 que le port quotidien, par une élève de collège, d’une jupe longue de couleur sombre ainsi que d’un bandana couvrant partiellement sa chevelure, devait être considéré comme une manifestation ostensible d’appartenance religieuse au regard de l’association systématique de ces vêtements et du refus constant de modifier sa tenue vestimentaire. «En l’absence de résolution du conflit à l’issue de la phase de dialogue, il appartient au chef d’établissement d’engager une procédure devant le conseil de discipline, qui prononcera une sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion définitive de l’établissement», rappelle le guide.
Le personnel de l’Éducation nationale et les parents d’élèves également concernés
Le vade-mecum s’intéresse aussi au cas des agents de l’Éducation nationale qui refusent de serrer la main d’un collègue ou d’un usager sous prétexte qu’il s’agit d’une femme. «Nul ne peut se prévaloir de sa religion ou de ses convictions pour porter atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes», rappelle le document, pour qui ce refus des règles minimales de civilité dans le cadre scolaire est «contraire aux usages et aux textes juridiques». Ces agissements peuvent être donc sanctionnés.
Il est aussi précisé que les parents d’élèves peuvent, lorsqu’ils participent à l’encadrement d’une classe en sortie scolaire, porter un signe ou une tenue par lequel ils manifestent une appartenance religieuse, «sauf si leur comportement ou leur discours traduisent une volonté de propagande ou de prosélytisme». Les chefs d’établissement «peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, recommander aux parents d’élèves de s’abstenir de manifester leur appartenance religieuse lorsqu’ils participent, sous la responsabilité de l’institution scolaire, à l’encadrement de sorties ou d’activités éducatives».
Pas de possibilité de refuser des activités obligatoires
Un élève ne peut refuser de participer à une activité scolaire (un cours, une sortie scolaire obligatoire, la visite d’un site religieux ou historique, une pratique musicale ou d’arts plastiques…) au motif qu’elle serait contraire à ses convictions religieuses. Les élèves sont soumis à l’obligation d’assiduité posée par l’article L. 511-1 du Code de l’éducation, qui impose que soit suivie l’intégralité des enseignements obligatoires et facultatifs auxquels les élèves sont inscrits. Il en résulte que les élèves doivent assister à l’ensemble des cours inscrits à leur emploi du temps sans pouvoir refuser les matières qui leur paraîtraient contraires à leurs convictions. Un absentéisme sélectif pour des raisons religieuses ne saurait être accepté.
En éducation physique et sportive, les certificats médicaux – qui pourraient apparaître de complaisance – doivent être soumis au contrôle du médecin scolaire académique. Un élève qui demande une dispense d’activité sportive en invoquant que sa pratique serait contraire à ses convictions religieuses (tenue autorisée non conforme avec ses convictions, mixité filles/garçons) n’est pas acceptable. Il s’agit là d’une allusion directe aux dispenses régulièrement demandées pour les cours de natation.
Peut être accordée à un élève qui en fait la demande une autorisation d’absence le jour d’une des grandes fêtes religieuses. Au contraire, ne pourra être autorisée une demande d’absence en éducation physique et sportive pendant une longue période, justifiée par un jeûne prolongé lié à l’exercice d’un culte, dans la mesure où une absence prolongée à un cours obligatoire ne saurait être considérée comme compatible avec la scolarité normale de l’élève.
Le cas particulier de la pratique du culte au sein d’un internat
Un élève peut-il pratiquer ses prières à l’internat? Dans la mesure où ces derniers ne peuvent pas quitter librement l’établissement en semaine pour pratiquer leur culte, l’administration doit prendre en compte cette circonstance en leur laissant la possibilité de prier individuellement, par exemple dans leur chambre. «Mais si la pratique de son culte par un élève a pour conséquence de heurter la liberté de conscience des autres élèves, notamment ceux qui partagent sa chambre, il peut être opportun que le chef d’établissement l’autorise à disposer ponctuellement d’une salle où, à sa demande, il pourrait exercer son culte autrement que sous le regard de ses camarades». Dans cette hypothèse, la salle en question devra être «ouverte à tous les élèves qui feraient, individuellement, la demande de pouvoir y disposer d’un moment de tranquillité et de méditation qui peut être d’ordre religieux ou non. Concernant les pratiques cultuelles, il conviendra de veiller à ce qu’aucune religion ne puisse être regardée comme privilégiée».
Dans quelle mesure est-il possible de célébrer les fêtes comme Noël au sein des écoles et établissements publics d’enseignement? «Si l’installation d’une crèche n’est pas possible, le sapin, symbole d’une fête largement laïcisée, peut être installé à condition qu’il ne revête aucun caractère cultuel dans sa présentation ou dans sa décoration.»