Fin de la traversée du désert de Naftali Bennett

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps    

Après une longue traversée du désert et une rivalité avec sa colistière Ayelet Shaked qui un temps avait fait cavalier seule, Naftali Bennett émerge des sondages et menace sérieusement le leadership de Netanyahou. Mais le Likoud et Yamina se disputent les voix des électeurs de droite selon le principe classique des vases communicants. Il ne s’agit que de sondages qui se sont souvent trompés en Israël et par ailleurs, Netanyahou n’a pas dit son dernier mot. Il a encore de la ressource surtout quand il doit se battre contre les siens. Il a tout verrouillé au Likoud et il a encore les moyens de bloquer toute velléité au sein de la droite entière.

Le coronavirus a transformé l’espace et les frontières politiques en donnant à Bennett l’opportunité d’exploiter la pandémie à son profit. Il a surfé sur son programme anti-coronavirus, dont on ignore vraiment la nouveauté des aspects sanitaires, pour tenter d’amener à lui ceux qui ont jugé inerte la méthode sanitaire du premier ministre. Pour certains il brasse du vent car il s’attaque à un domaine où il n’est pas compétent. Pour d’autres, il stimule et encourage les membres des équipes médicales qui ont besoin de soutien moral et de reconnaissance.

Son équipe de communication a bien travaillé lorsque le 7 octobre, lors de sa visite à l’hôpital Rambam de Haïfa, avec sa tenue spéciale, il a été confondu avec l’équipe médicale. Ses déclarations entraient mettaient en avant l’union nationale : «J’ai rencontré des médecins et des infirmières, des hommes et des femmes, des Arabes et des Juifs, religieux et laïcs, tous consacrant cœur et âme à un noble objectif: sauver des vies humaines… Mettons nos différences de côté et battons ensemble le coronavirus. Ensemble, nous gagnerons!». Il ne pouvait pas être plus consensuel.

Bennett a compris qu’il devait bouger, aller au-devant des citoyens qui pour certains ont une opinion déformée sur la réalité de ses attaches religieuses. En effet, au départ, il avait été contraint de prendre les lambeaux du Parti National Religieux dont les thèses sont assez fluctuantes entre modernisme et intégrisme. Aussitôt après Haïfa, il a été soutenir les salariés d’Eilat, qui souffrent de l’absence de touristes étrangers, leur gagne-pain. Il les a rassurés que s’il arrivait au pouvoir il proposera un plan gouvernemental plus efficace, en s’inspirant de son dernier ouvrage : «Comment vaincre une épidémie». Demain on rasera gratis mais il a réussi à inverser la courbe de son avenir politique. En quelques mois, d’un dirigeant fini qui n’avait pas réussi à passer le seuil électoral il est passé à un homme politique avec qui il faudra compter dorénavant.

Il avait bénéficié de la largesse calculée de Netanyahou qui l’avait vite nommé ministre de la Défense pour l’empêcher de rejoindre Benny Gantz dans une nouvelle coalition. Mais Bennett est un homme fragile, qui a oscillé entre différents courants selon ses intérêts, depuis le Likoud jusqu’à son alliance avec les Kahanistes qui ne lui ont pas pardonné d’avoir été laissés sur le bord du chemin, par opportunisme. Il est fragile parce qu’il est prêt à tout pour un portefeuille ministériel ; Netanyahou l’avait compris et il s’en est servi d’abord pour le jeter ensuite comme un kleenex.

En effet, après les élections législatives du 2 mars 2020, il ne pesait pas très lourd, dernier de la classe avec 6 députés. Bennett avait alors été écarté du gouvernement par le bon vouloir de son maitre qui voulait le pousser à la faute en le forçant à rejoindre le camp arabe et celui des «gauchistes» de Benny Gantz. Mais Bennett a résisté malgré le pont d’or qui lui était proposé s’il se joignait aux 61 voix de l’opposition. Pourtant il ne faisait pas le poids face au Likoud et il a préféré retomber dans l’oubli, surtout face à ses concurrents de la droite extrême.

Peut-on croire les sondages  qui prétendent que Netanyahou s’est effondré, que Yaïr Lapid stagne alors qu’aucun nouveau visage ne se pointe à l’horizon de l’opposition ? La haine qui persiste entre Yamina et le Likoud aura beaucoup de mal à s’estomper dans une éventuelle coalition. La seule chance de Bennett est de tuer le père pour qu’il puisse enfin prendre seul son envol car la rancune est tenace. Le Lider Maximo n’autorise aucune alternative. D’autres ont fait l’amère expérience, Gidéon Saar, Israël Katz, Nir Barkat, et même Gilad Erdan exilé à l’ONU.

Netanyahou a beau se «planter», surtout avec le coronavirus, il arrive toujours à émerger comme un ludion. Alors Bennett a décidé de frapper, de frapper fort avec des attaques sans concessions, d’une part pour convaincre quelques militants du Likoud mais aussi pour amener à lui les déçus de Kahol-Lavan qui se sentent aujourd’hui orphelins. Sa kippa gêne un peu, mais on prétend qu’il la porte par opportunisme, pour les habitants des implantations, qui ne peuvent supporter aucun laïc. Bennett a beaucoup appris de Netanyahou comment organiser le réveil politique après le désastre du Likoud face à Kadima.  On sait qu’en tant qu’officier de Sayeret Matkal, l’unité militaire d’élite, il était le préposé aux bases œuvres politiques quand le Likoud émargeait à 12 sièges à la Knesset.

Cependant, la remontée spectaculaire de Bennett pourrait être bénéfique à un changement de gouvernance au Likoud car les «éléphants», qui attendent depuis longtemps leur tour, pensent que leur heure est arrivée et qu’ils doivent barrer la route à celui qui n’est plus des leurs et qui a les dents longues. Ils savent que s’ils ne bougent pas, ils n’auront plus leur part de gâteau. Discrètement ils semblent approuver les attaques de Bennett qui estime que Netanyahou est un facteur de division compte tenu des manifestations populaires. Ils sont convaincus que Yamina n’a pas de programme précis et que les sondages en tiendront compte en temps voulu.

De son côté, l’opposition ne s’active pas et perd tous les jours du terrain. Les dirigeants d’aujourd’hui sont usés bien qu’ils aient peu servi. Elle dispose de quelques «sauveurs» putatifs mais personne ne s’est encore lancé dans l’arène politique, laissant le champ libre à la droite et surtout à la droite extrême. Avigdor est aux abonnés absents, sonné par sa précédente défaite mais il a confirmé qu’il ne siégerait en aucun cas avec les ultra-orthodoxes ce qui lui enlève toute possibilité de s’associer avec Bennett qui ne peut rien faire sans eux.

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