Fraude algorithmique : Israël démuni

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La fraude algorithmique, un phénomène en pleine expansion sur les réseaux sociaux, cause d’importants dégâts financiers en Israël. Pourtant, aucune des parties concernées — plateformes numériques, forces de l’ordre, autorités judiciaires ou régulateurs — ne semble prête à endosser la responsabilité de sa lutte. C’est le constat préoccupant qui s’est dégagé lors d’une audition récente au sein de la commission des sciences et technologies de la Knesset.

L’enquête présentée par l’Internet Association révèle que près de la moitié des Israéliens (42 %) ont déjà été victimes de fraudes en ligne. Parmi les appels reçus sur la ligne d’assistance de l’association, près de 18 % concernent des escroqueries, avec une forte implication des plateformes Meta, à l’origine de 57 % des signalements (WhatsApp, Facebook et Instagram). Ces fraudes exploitent des technologies d’intelligence artificielle avancées pour créer des deep fakes, usurpant l’identité de personnalités publiques dans des vidéos diffusées massivement via la publicité ciblée sur les réseaux sociaux.

L’un des schémas les plus courants consiste à utiliser la vidéo truquée d’un expert financier pour attirer les internautes vers des groupes WhatsApp promouvant une escroquerie boursière dite « Pump & Dump ». Cette arnaque vise à gonfler artificiellement la valeur d’une action peu connue afin de revendre des parts achetées à bas prix avant la chute. D’autres fraudes proposent des formations en investissement fictives ou vendent des produits inexistants ou défectueux.

Tamir Mandovsky, auteur d’un livre sur les placements financiers, s’est retrouvé victime de l’usurpation de son image. Il raconte que des comptes frauduleux ont investi des dizaines de milliers de shekels en publicité sur les réseaux sociaux pour promouvoir des plans d’investissement à son nom, trompant ainsi des victimes qui ont perdu leurs économies. Malgré ses signalements répétés à Meta et à la police, les publicités réapparaissaient et aucune poursuite judiciaire n’a été engagée.

Matan P., une victime de cette escroquerie, explique avoir été convaincu par une publicité Facebook promettant un partenariat avec Mandovsky. Après plusieurs investissements dans des actions recommandées par les fraudeurs, il a perdu 150 000 shekels en quelques jours, les auteurs ayant vendu leurs parts au plus haut avant de disparaître.

Face à ce fléau, Meta adopte une position qui minimise sa responsabilité. Yehuda Ben Yaakov, directeur des politiques de l’entreprise en Israël, a décrit la fraude comme un problème mondial organisé par des réseaux criminels sophistiqués opérant à plusieurs niveaux. Selon lui, Meta n’est qu’un maillon de cette chaîne complexe, responsable uniquement de la mise en relation entre fraudeurs et victimes via ses plateformes, mais sans contrôle direct sur le contenu frauduleux hébergé en dehors de ses réseaux.

Ben Yaakov reconnaît la difficulté de lutter contre ces arnaques, en raison de la rapidité des changements de tactiques des fraudeurs et des limites des outils de signalement actuels. Il assure néanmoins que Meta déploie des moyens technologiques pour détecter et interrompre ces réseaux frauduleux. Il rejette aussi l’idée que l’entreprise privilégierait ses revenus publicitaires au détriment de la sécurité des utilisateurs, soulignant que l’intégrité de la plateforme est un enjeu économique majeur.

De son côté, TikTok, par la voix de son directeur des politiques en Israël, Lior Vaintur, souligne que la plateforme reste en marge de ces phénomènes. Elle affirme prendre des mesures rigoureuses pour supprimer rapidement les contenus frauduleux et collaborer avec les autorités.

Du côté des autorités israéliennes, la situation n’est guère plus encourageante. La police explique que ces crimes étant souvent orchestrés depuis l’étranger, leur action est limitée. La lutte contre la fraude repose principalement sur la prévention et la coopération internationale. La Direction nationale de la cybersécurité préfère quant à elle se concentrer sur les cyberattaques menaçant la sécurité nationale.

Le parquet, représenté par l’avocate Irena Inberg, confirme qu’aucune enquête spécifique n’est en cours sur ces fraudes en ligne, faute de plaintes exploitables et de localisation des auteurs. Sa principale mission consiste à demander la suppression des contenus illicites sur les plateformes, sans poursuites effectives.

Le ministère des Communications admet lui aussi son impuissance, soulignant l’absence de cadre légal clair pour encadrer la publicité en ligne. Plusieurs intervenants ont suggéré la création d’un organisme national dédié à la lutte contre la fraude algorithmique, avec les moyens et le mandat adéquats.

En conclusion de la séance, le président de la commission, le député Dr Yasser Hajirat, a appelé à légiférer rapidement afin d’instaurer une structure nationale unifiée pour affronter ce fléau grandissant. Il insiste sur le fait que les outils technologiques existent déjà et qu’il suffit de coordonner les efforts pour mieux protéger les internautes israéliens.

Jforum.fr

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