Israël a choisi l’Azerbaïdjan contre l’Arménie

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Par Jacques BENILLOUCHE – Temps et Contretemps

Alors que le conflit fait rage entre la Russie et l’Ukraine, un autre conflit aussi intense ne mérite pas les premières pages des médias. L’Azerbaïdjan lorgne, non seulement sur les territoires du haut Karabakh, mais à présent sur des zones du sud de l’Arménie qui craint de subir le sort de l’Ukraine. La guerre de 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan avait coûté la vie à plus de 6.000 soldats et s’était arrêtée après un cessez-le-feu négocié par la Russie. L’Arménie a dû céder des territoires qu’elle contrôlait depuis des décennies tandis que Moscou déployait 2.000 de ses soldats sur cette fragile trêve.

Le 13 septembre 2022, à nouveau, des affrontements se sont produits à plusieurs endroits le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le silence international. Bien qu’un cessez-le-feu ait été déclaré depuis, la situation demeure incertaine et pourrait se détériorer davantage. On pense que les difficultés de la Russie en Ukraine poussent l’Azerbaïdjan à avancer ses pions pour grignoter une partie au sud de l’Arménie qui se trouve sans défense.

L’Arménie, ancienne république socialiste soviétique, possède des frontières terrestres avec la Turquie à l’ouest et la Géorgie au nord-nord-ouest. Le pays est considéré comme un berceau du christianisme et des civilisations indo-européennes. Il a joué un rôle historique dans leur diffusion. Effectivement, l’Arménie a été la première nation à adopter le christianisme comme religion d’État en 301. Bien que ce soit un pays constitutionnellement séculier, la religion chrétienne y tient une place importante. Ce petit pays compte à peine 3 millions d’habitants et une armée faible. Derrière ce conflit territorial, un jeu d’alliances s’opère avec d’un côté la Turquie qui soutient son allié azéri, et de l’autre l’Arménie.

La Russie, principal allié historique de l’Arménie, se pose en médiateur dans la guerre du Haut-Karabagh opposant les deux anciennes républiques soviétiques. L’Azerbaïdjan, pays à majorité chiite, est soutenu par la Turquie. Mais le paradoxe reste que ce pays musulman est soutenu par Israël qui lui fournit des armes et en particulier des drones. Sa frontière commune avec l’Iran donne à ce pays un rôle très stratégique. Israël y dispose de facilités militaires au sein des bases américaines avec un œil sur ce qui se passe en Iran.

Le ministre israélien de la Défense Benny Gantz s’est rendu cette semaine en Azerbaïdjan avec la volonté d’approfondir les liens stratégiques, sécuritaires et économiques avec Bakou. Il s’est entretenu avec le président Ilham Aliyev et le ministre de la Défense Hasanov Zakir Asgar Oglu. Il a également rencontré le chef du Service national des frontières, le colonel général Elchin Guliyev, et s’est rendu au siège du Service national des frontières. Il a souligné l’importance de maintenir des relations stratégiques avec ce pays.

Israël et l’Azerbaïdjan ont établi des relations diplomatiques il y a 30 ans. Les liens sont principalement économiques, mais aussi sécuritaires. Israël importe du carburant d’Azerbaïdjan qui achète des armes et des technologies israéliennes faisant d’Israël le plus grand fournisseur d’armes à l’Azerbaïdjan. Jusqu’en 2019, 60% des importations de défense provenaient d’Israël et depuis 2020 ce nombre est passé à 70%. Dans le cadre des tensions avec l’Iran, Israël a vendu des batteries de défense antimissiles Dôme de fer et envisage de fournir le système antimissile Arrow-3.

L’Arménie n’apprécie pas cette proximité avec Israël et se sent abandonnée mais elle a malheureusement peu de choses à offrir. Les sentiments fonctionnent mal en politique. Elle craint de faire l’objet d’une invasion à la manière de l’Ukraine sachant qu’elle est à présent sans défense. Paradoxalement, face à un pays chrétien, Israël a fait son choix. Le ministre des Finances Avigdor Lieberman s’était rendu en Azerbaïdjan en mai au milieu de l’invasion russe de l’Ukraine et de la crise mondiale du blé. Officiellement, il s’agissait de discuter de questions économiques, en particulier de l’augmentation des importations de pétrole mais les questions de sécurité ont été abordées.

Israël considère la proximité géographique de l’Azerbaïdjan avec l’Iran, une frontière commune, comme un atout stratégique important si Israël décide d’une action militaire. Ses avions disposeraient alors d’une base militaire pour se ravitailler. Lieberman a aussi discuté des camps de transition pour les Juifs fuyant la Russie par la frontière azerbaidjanaise, avant leur arrivée en Israël. Le gouvernement israélien a en effet approuvé un plan d’urgence pour accueillir les Juifs russes.

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