La Russie face aux États-Unis et à Israël au Moyen-Orient 

La Russie face aux États-Unis et à Israël au Moyen-Orient 

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La Russie une puissance bien installée au Moyen-Orient 

La Russie de Poutine est une puissance bien installée au Moyen-Orient, dont les bases militaires sont voisines d’Israël. Israël a su jusqu’à présent dialoguer avec un Poutine étrangement attiré par une certaine vision du Judaïsme, à voir ses rapports avec le Grand rabbin de Russie Berel Lazar, présent au défilé du 9 mai 2022 à Moscou ou dans d’autres réceptions officielles. Il y a une certaine proximité, bien que les divergences soient très nombreuses sur des points existentiels comme l’Iran, ou la solution du conflit avec les Palestiniens. Mais il existe des points de convergences, et surtout une certaine admiration pour des Etats forts et parmi ceux-là Israël. C’est ce qu’il reproche aux Occidentaux. Ils les jugent incapables de défendre leurs intérêts, leurs identités et leurs cultures. C’est en se basant sur cette faiblesse présupposée qu’il s’est autorisé l’invasion de l’Ukraine.
Joe Biden fait sa première visite de président dans la région. Depuis que les Etats-Unis se sont désengagés du Moyen-Orient, la Russie est venue les concurrencer sur leur terrain de prédilection.
Les deux ennemis, Russes et Américains, montrent leurs muscles partout où ils le peuvent. En pleine guerre en Ukraine, Joe Biden fait son premier voyage de président américain au Moyen-Orient. Et ce n’est pas un hasard. Car la Russie tente de sécuriser ses alliances partout dans le monde, à un moment où les Etats-Unis et leurs alliés l’isolent comme jamais. Et de Damas à Riyad en passant par Abou Dhabi, la Russie a profité du désengagement américain pour placer ses pions dans la dernière décennie.
La rencontre de Joe Biden avec les dirigeants israéliens et des pays du Golfe arrive « à un moment où la guerre russe contre l’Ukraine perturbe les marchés mondiaux de l’énergie », dans « une région où aucune puissance étrangère ne peut dominer ou prendre un avantage stratégique sur les Etats-Unis », soulignait la Maison-Blanche en amont de la visite. Une telle déclaration trahit la conscience aiguë qu’ont les Américains du poids pris en quelques années par la Russie, qui avait délaissé ce terrain après la chute de l’empire soviétique. « La Russie a émergé comme une puissance négociatrice clé et un acteur militaire », soulignent Eugene Rumer et Andrew S. Weiss, du centre de recherches Carnegie Endowment for International Peace.
Moscou a utilisé une base arrière explosive pour s’imposer : la Syrie. En 2013, Barack Obama (et son vice-président, Joe Biden) trahit sa promesse : il n’intervient pas militairement en Syrie alors que le régime syrien a utilisé des armes chimiques contre sa propre population lors du massacre de la Ghouta. Il laisse ainsi le champ libre à Vladimir Poutine. Un an et demi plus tard, c’est chose faite : l’aviation russe vient au secours du dictateur Bashar el-Assad et massacre la rébellion syrienne, à Alep notamment. « Ils espéraient que la Russie s’y casse les dents », analyse Salam Kawakibi, politologue et directeur du Centre arabe de recherches et d’études politiques. La Syrie devient ainsi la base arrière de l’implantation russe au Moyen-Orient. Avec sa plus grosse base militaire en Syrie, « l’objectif russe est de faire face à l’Occident, d’avoir des armes stratégiques orientées vers l’Europe », continue le chercheur. « Utilisant son succès en Syrie comme un tremplin, la Russie a transformé ses vieilles relations dans la région et en a forgé de nouvelles », notamment dans les pays arabes du Golfe, soulignent les chercheurs du Carnegie.
Et pourtant, la Russie n’a pas l’ambition ni l’intention de remplacer les Etats-Unis, qui sont des partenaires clés de la défense israélienne, qatarie ou encore saoudienne, avec des bases militaires essentielles dans le Golfe, comme celle d’el-Udeid, au Qatar. « Les dirigeants russes souhaitent sûrement que Moscou soit vue sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis », estiment Eugene Rumer et Andrew S. Weiss. Mais pas davantage.
Pas question de se contenter d’amener son aviation, ses navires de guerre et ses groupes paramilitaires en Syrie. « Il y a également des aspects commerciaux – principalement de l’énergie et des armes –, ainsi que culturels et religieux », souligne Anna Boshchevskaya, chercheuse au Washington Institute for the Near East Policy. Une stratégie essentielle alors que les sanctions occidentales tentent d’asphyxier économiquement Moscou. Les dirigeants et diplomates russes multiplient les contacts avec les Saoudiens, les Emiratis, les Iraniens ou encore les Qataris ces derniers mois, sans toujours tenir compte des alliances régionales. Mais dans un Moyen-Orient très volatil, Vladimir Poutine pourrait se retrouver à prendre parti pour l’un de ses alliés contre un autre. Ce qu’il rechigne toujours à faire.
Vladimir Poutine sait parler aux autocrates de la région. Le club des réticents à la démocratie a bien conscience que les Etats-Unis sont capables de les lâcher du jour au lendemain (quitte à revenir quelques mois ou années plus tard la queue entre les jambes, en témoigne le revirement de Joe Biden sur le prince saoudien Mohammed Ben Salmane). « La Russie traite ces pays et leurs dirigeants pour ce qu’ils sont, et pas pour ce qu’elle aimerait qu’ils soient », résument les spécialistes du centre Carnegie. Mais « Moscou pourrait passer à côté de tendances dans la région, de la même manière que la Russie ne comprend toujours pas totalement les facteurs socio-économiques qui ont déclenché les Printemps arabes il y a une dizaine d’années », pointe Dmitriy Frolovskiy, analyste politique pour le Middle East Institute. Son atout est aussi son plus gros talon d’Achille.

Moscou a ses entrées dans la région

Une histoire commune entre Russie et Israël

La Russie n’est pas les Etats-Unis, encore moins quand il s’agit des relations avec Israël. Les dirigeants russe et israélien « divergent sur de nombreuses questions essentielles dans leurs politiques moyen-orientales mais préfèrent se concentrer sur un programme acceptable » par les deux côtés, souligne Daniel Rakov, chercheur à l’Institut nationale des études de sécurité de Tel Aviv. Moscou n’a pas donné suite aux propositions israéliennes de jouer le rôle de médiateur dans la guerre en Ukraine.
Mais pour renforcer les liens entre les deux pays, Moscou peut compter sur une manne importante pour défendre ses intérêts dans l’Etat hébreu : le million de Juifs russophones qui ont trouvé refuge en Israël après la désintégration de l’Union soviétique.

Entre Saoudiens et Russes, une entente sur l’énergie

Les Russes et les Saoudiens se retrouvent régulièrement à la table de l’Opep. Et lors d’une récente visite russe à Riyad, le ministre de l’Energie du royaume a décrit leurs relations comme « aussi chaudes que la météo à Riyad ».
Pour l’heure, l’Arabie saoudite n’a pas encore consenti à ouvrir largement les robinets de pétrole et de gaz pour apaiser les craintes occidentales sur l’inflation. Mais Joe Biden et le prince Mohammed Ben Salmane, qui règne de facto sur le pays, ont un œuf à peler lors de cette visite : le président américain avait juré de faire de l’Arabie saoudite un Etat « paria » après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.

Les Emirats, havre de paix économique pour les Russes

Il existe toujours des manières de contourner des sanctions. Et pour les entrepreneurs russes, les chemins de traverse passent par Dubaï. « Le nombre d’entrepreneurs et start-up russes a été multiplié par dix par rapport à l’année dernière », affirme Jochen Knecht, le directeur exécutif d’une des nombreuses zones franches des Emirats arabes unis. Les oligarques sanctionnés, comme l’ancien dirigeant du club de football de Chelsea, Roman Abramovitch, sont également les bienvenus dans cet émirat qui affiche sa neutralité dans la guerre en Ukraine.

Poutine et Assad, comme les deux doigts de la main

Vladimir Poutine est le meilleur allié du dictateur syrien, Bashar el-Assad, qui lui est redevable. Et il l’a encore montré récemment en mettant, à l’ONU, des bâtons dans les roues d’une aide humanitaire destinée à la population syrienne qui s’oppose encore à Assad. Ce dossier sert aussi de monnaie d’échange à Vladimir Poutine, qui vient y ennuyer les Occidentaux. Depuis 2015 et l’intervention de l’armée russe en Syrie, le président russe pousse pour la réhabilitation internationale de Damas. « Militairement, la Russie est en Syrie pour au moins 49 ans, selon l’accord signé entre Moscou et Damas », pointe Anna Borshchevskaya, la chercheuse du Washington Institute for the Near East Policy.

JForum.fe – Le Soir

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