Mariage ou mirage ?

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Tout était parfait. Une grande salle, un décor soigné, une foule émue… Reouven et Sara venaient de se marier. La cérémonie était splendide, le couple rayonnait. Puis le lendemain, Reouven sort faire une course… et ne revient pas.

Une heure passe, deux heures, la nuit tombe. Toujours rien. Sara, inquiète, contacte la police. Une enquête est lancée. Aucune trace. Rien… sauf des mouvements sur le compte bancaire. Il est vivant. Il utilise les cadeaux du mariage. Mais il a disparu.

Une semaine passe. Puis deux. Un mois. Une année. Et un soir, celui de leur anniversaire, Sara, seule, feuillette les photos du mariage. Soudain, on frappe à la porte. Elle ouvre… Reouven se tient là, souriant, en costume de marié, un bouquet à la main.

Comment réagira-t-elle ?

Ce récit nous confronte à une question : sommes-nous restés fidèles à notre engagement ?

Chaque année à Chavou’oth, nous célébrons notre alliance avec la Tora. Mais dès les jours qui suivent, restons-nous présents ? Ou avons-nous déjà déserté ?

Et voici que la Tora nous offre un clin d’œil : la paracha Nasso, lue juste après Chavou’oth, est la plus longue de toute la Tora. 176 versets. Un véritable « Chabbath ‘Hatan », où la Tora devient notre épouse spirituelle. Et le nom même de la paracha, נשא, partage sa racine avec נשואין (le mariage). Une allusion puissante : ces jours qui suivent la fête sont comme les débuts du mariage — la kala (la Tora) observe son ‘hatan (le peuple juif). Sommes-nous à la hauteur ?

Le ‘Hafets ‘Haïm illustre cette idée par une parabole.

Deux sœurs, Rivka et Sara. L’une vit dans l’opulence, l’autre dans la simplicité. Mais l’une est triste, et l’autre rayonnante. Pourquoi ? Parce que Rivka n’est pas considérée par son mari. Il ne l’écoute pas, ne la consulte pas. Tandis que Sara, bien que modeste, est pleinement respectée.

Et le ‘Hafets ‘Haïm de conclure : la Tora est notre épouse. On peut l’orner de soieries, la parer de couronnes, danser avec elle… mais si on ne l’écoute pas, si on ne la consulte pas dans notre quotidien, que vaut notre engagement ?

Moché, en brisant les Tables après la faute du veau d’or, a envoyé un message fort : on ne peut pas posséder la Tora sans la vivre. Elle ne peut rester enfermée dans un coffret, inaccessible à la vie. Elle doit nous accompagner, nous guider, nous transformer.

Alors, où en sommes-nous ?

Chavou’oth est passé. La Tora nous a été confiée. Mais qu’en avons-nous fait ? Sommes-nous toujours avec Elle ? Ou l’avons-nous laissée seule, comme Sara sur le pas de la porte ?

Chavou’oth signifie semaines, mais aussi sermentsNa’assé venichma. Une promesse de vie commune, pas un simple feu de joie.

La Guemara enseigne : « Celui qui cherche à se purifier, on l’aide«  (Chabbath 104a)
« Dans la voie qu’un homme veut suivre, on le conduit«  (Makoth 10b).

La Tora n’attend pas qu’on l’admire. Elle attend qu’on vive avec elle.

Ce Chabbath ‘Hatan est l’occasion de vérifier notre lien, de raviver notre engagement. Si notre cœur est sincère, Hachem nous aidera à faire de cette union une véritable réussite.

La Tora ne cherche pas des décorateurs, ni des gestes d’apparat. Elle attend une présence. Une vraie.
Pas celle d’un jour de fête, mais celle qui dure, qui accompagne, qui s’inscrit dans le quotidien.

On peut l’orner de rimonim, la poser sur une armoire majestueuse, la chanter à Sim’ha Tora… mais si, le lendemain, on ne la consulte plus, si on cesse de l’écouter, alors tout cela devient un décor vide.

Ce qui donne vie à la Tora, ce n’est pas l’arche qui la contient, mais le cœur qui la cherche.
Ce n’est pas la beauté du Séfer, mais la place qu’on lui fait dans nos choix, dans nos hésitations, dans nos vérités.

Ne soyons pas comme Reouven, revenu un an plus tard, sourire aux lèvres et fleurs à la main, oubliant une année entière de silence. La Tora, elle, n’a pas besoin de nos retours spectaculaires. Elle veut qu’on reste là. Simplement, fidèlement.

Qu’on l’étudie, qu’on la vive, qu’on la fasse rayonner, même cachée. Et alors, Hakadoch Baroukh Hou nous ouvrira les portes de toutes Ses bénédictions. Pas parce qu’on l’a honorée un jour — mais parce qu’on a choisi, vraiment, de vivre avec elle.

Mordekhaï Bismut

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