Netza’h Yehouda, l’unité israélienne « orthodoxe », dans le viseur des États-Unis

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Le bataillon Netza’h Yehouda pourrait devenir la première unité israélienne à être sanctionnée par les États-Unis. Une formation militaire unique en son genre, censée ouvrir les portes de l’armée aux orthodoxes, mais qui a aussi attiré un grand nombre de colons extrémistes accusés d’exactions contre les Palestiniens en Judée et Samarie.

Illustration : des soldats de l’unité Netza’h Yehouda s’adonnent à la prière du matin lors d’une séance d’entraînement, en 2014. © Menahem Kahana, AFP

C’est une unité de l’armée israélienne très controversée qui se retrouve dans le collimateur de Washington. L’administration Biden est sur le point de sanctionner le bataillon Netza’h Yehouda pour violation des droits de l’Homme, ont rapporté des médias israéliens et nord-américains samedi 20 avril.

Antony Blinken, le secrétaire d’État américain, devrait annoncer cette décision inédite “dans les prochains jours”, assure le site d’informations Axios en citant “trois sources américaines [anonymes] ayant connaissance du dossier”. Les sanctions porteraient sur des exactions dont l’unité Netza’h Yehouda est soupçonnée de s’être rendue coupable en Judée et Samarie avant le début de la guerre contre le Hamas.

« Honte de l’armée »
Cette perspective a vivement été critiquée à Tel Aviv. “L’armée israélienne ne doit pas être sanctionnée”, a réagi sur X Benjamin Netanyahou, le très Premier ministre israélien. Même refrain pour Benny Gantz, principale figure centriste du gouvernement d’union nationale formée après les attaques du Hamas du 7 octobre et membre du cabinet de guerre. “Nous avons le plus grand respect pour nos amis américains, mais imposer des sanctions créerait un dangereux précédent et enverrait le mauvais message à nos ennemis en temps de guerre”, a affirmé le rival politique de Benjamin Netanyahou.

Si le gouvernement israélien réagit aussi vivement au risque de sanction contre une unité de son armée, c’est parce que Washington compte invoquer la loi Leahy de 1997 pour s’en prendre au bataillon Netza’h Yehouda. Un texte qui a notamment servi à mettre sur liste noire des unités militaires indonésiennes accusées de kidnapping et de meurtres d’activistes politiques ou encore des membres de l’armée pakistanaise impliqués dans des campagnes d’assassinats en Afghanistan. “Israël va tout faire pour éviter une telle atteinte à la réputation de son armée. Personne n’aurait envie de se retrouver sur la même liste que les autres unités militaires sanctionnées au titre de la loi Leahy”, résume Aharon Bregman, politologue et spécialiste du conflit israélo-palestinien au King’s College de Londres.

Pour autant, l’histoire de l’unité Netza’h Yehouda est jalonnée de tant de controverses que “n’importe quelle armée au monde devrait avoir honte de la compter dans ses rangs”, estime Aharon Bregman. Cet expert va même jusqu’à comparer ce bataillon “à une sorte de groupe Wagner à la sauce israélienne, au risque de m’attirer les foudres de mes concitoyens israéliens”.

Un parallèle, en effet, très osé selon Omri Brinner, analyste israélien et spécialiste de la géopolitique du Moyen-Orient à l’International Team for the Study of Security Verona (ITSS), un collectif international d’experts des questions de sécurité internationale. “L’unité Netza’h Yehouda fait partie intégrante de l’armée israélienne et n’est pas un groupe de mercenaires qui agit par appât du gain”, nuance-t-il.

Cette unité n’en demeure pas moins un véritable ovni dans l’organigramme de l’armée israélienne, qui semble en outre répondre à ses propres règles. À l’origine, “elle a été formée il y a 25 ans pour permettre aux Juifs orthodoxes d’intégrer l’armée”, explique Omri Brinner. Ces derniers bénéficient, en effet, d’une exemption de service militaire pour poursuivre leurs études religieuses. Une spécificité qui a toujours fait l’objet de vifs débats dans la société israélienne où une partie de la population considère ce statut comme un avantage indu.

L’unité Netza’h Yehouda devait ainsi permettre d’atteindre l’idéal de l’État hébreu qui était de créer une “armée pour tous”, souligne Omri Brinner. Cette formation d’environ 500 soldats dispose de règles très particulières pour accommoder les besoins de la communauté orthodoxe comme l’absence de femmes – dans un pays où le service militaire est mixte -, la présence d’un rabbin ou encore un temps réservé pour les prières.

Mélange d’orthodoxes et de colons extrémistes

Mais malgré cela, l’armée s’est rapidement rendue compte que son projet d’associer les orthodoxes avait une faille : ces derniers étaient peu nombreux à vouloir y participer. L’unité a alors commencé à recruter au-delà des cercles orthodoxes. Elle a notamment attiré “une part significative de colons extrémistes qui y ont trouvé l’occasion d’exercer en toute légalité un pouvoir sur les Palestiniens”, résume Omri Brinner.

“L’une des décisions les plus controversées a été d’affecter cette unité à la sécurité en Cisjordanie”, indique le Wall Street Journal dans une enquête publiée en 2022 et consacrée aux exactions de ces soldats très particuliers. “Les colons israéliens en Cisjordanie ont rapidement considéré cette unité comme ‘leur bataillon’ contre les Palestiniens”, ajoute le quotidien Haaretz.

Les incidents n’ont pas manqué de se multiplier au fil des ans. “Cette unité détient le taux de condamnation le plus élevé au sein de l’armée israélienne pour des infractions commises contre les Palestiniens depuis 2010, selon le groupe de défense des droits de l’homme israélien Yesh Din”, note le Wall Street Journal. “Lors d’opérations de routine, les gars de l’unité pouvaient décider soudain de lancer une grenade assourdissante vers une maison ou une voiture [de Palestiniens, NDLR] juste pour s’amuser”, a raconté à Haaretz l’un des anciens membres.

L’état-major a décidé de les déployer exclusivement en Judée-Samarie occupée de crainte que ce mélange explosif d’orthodoxes et d’extrémistes ne fasse encore plus de dégâts s’il était déployé à la frontière avec le Liban ou aux abords de la bande de Gaza. D’après certains médias israéliens, cette unité a participé aux combats dans l’enclave palestinienne contre le Hamas depuis janvier 2024. “Le pari était risqué : l’armée estimait que ces individus s’adonneraient à des exactions contre les Palestiniens de toutes les manières et qu’en les intégrant, elle pourrait au moins les contrôler un peu”, explique Omri Brinner.

Mort d’un Palestinien-Américain

Mais le 12 janvier 2022, l’unité Netza’h Yehouda a fini par franchir la ligne rouge… américaine. Ce jour-là, certains de ses membres ont arrêté et maltraité un Palestinien de 78 ans qu’ils ont ensuite laissé sur le bord de la route, où il est mort d’un arrêt cardiaque. Problème, ce septuagénaire avait la double nationalité nord-américaine. Conséquence : Washington a commencé à s’intéresser de très près aux exactions de ce mouton noir de l’armée israélienne et a ouvert sa propre enquête.

De son côté, Israël a “renvoyé deux officiers et réprimandé un commandant de bataillon” mais n’a pas ouvert de procédure pénale contre les soldats impliqués. Fin 2022, l’unité a aussi été redéployée dans le Golan syrien occupé par Israël, vers la frontière avec le Liban. « Un décision tardive, trop tardive », assure Omri Brinner

La possible sanction américaine serait la conclusion de l’enquête entamée à la suite de cet incident. “Washington a aussi attendu le bon moment pour l’évoquer. D’un côté, il y a le Sénat validant l’aide financière accordée à Israël qui constitue la carotte, et de l’autre la perspective de cette sanction qui fait office de bâton”, remarque Aharon Bregman.

Et ce n’est pas un petit bâton. Pour l’unité Netza’h Yehouda, cela signifie qu’elle n’aurait plus le droit d’utiliser du matériel américain, que ce soit des armes ou des munitions. Il faudrait alors soit la dissoudre, soit la placer en veille en attendant la levée des sanctions.

Mais une telle sanction serait surtout un coup dur pour le gouvernement israélien. “C’est un message très clair des Américains pour dire qu’ils estiment que les institutions israéliennes ne font pas leur travail d’enquête sur les exactions de leurs soldats et que les sanctions prises sont trop légères”, conclut Aharon Bregman.

NDLR : deux conclusions face à cette « enquête » de ces médias étrangers (même si des Juifs y ont pris part) : c’est donc que l’idée d’une troupe orthodoxe n’est pas très valable, contrairement à tout ce qui est dit dans le pays de nos jours, ni donc l’enrôlement de soldats de cette origine, qui risquent d’être plus extrémistes que les soldats « moyens » ; et puis, si nos jeunes empruntent des voies qui ressemblent à celle de nos ennemis locaux, gare à eux ! Mais, au fait, à quel titre serions-nous plus gentils et plus patients que ces horribles bêtes sauvages ?

Mais en réalité il est évident que ce groupe ne fonctionne pas selon les critères du judaïsme orthodoxe, qui rejette l’idée-même d’un enrôlement de ses jeunes, et aucune autorité orthodoxe de haut niveau n’est consultée par eux, en conséquence il s’agit, si ces témoignages sont justes, d’un groupe ne représentant en rien la partie du judaïsme duquel il émane.

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