Roch Hachana et les aléas de la vie

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Autour de la table de Chabbath, n° 351 Nitsavim, Roch Hachana 5783 !

Lechana tova (Bonne année) !

Notre paracha commence par ces mots « Atem nitsavim koulekhem… » vous vous tenez debout devant Moi (Hachem) afin de rentrer dans l’alliance. Moché rabbénou prévient le peuple, juste avant son entrée en Terre sainte, qu’ils s’apprêtent à faire un pacte avec D’. Les commentateurs demandent de qu’elle alliance il s’agit. Or, déjà dans la paracha précédente (Ki Tavo Ch. 28.69) il en était déjà question ! La réponse indique que dans la section précédente il s’agissait d’un contrat entre chacun et D’ concernant la pratique des Mitsvoth. Dans « Ki Tavo  » le peuple a donc fait un pacte afin de prendre sur eux de garder la Tora. Cette alliance ne concernait pas uniquement la génération du désert mais aussi toutes les générations suivantes jusqu’à la venue du Machia’h… Donc, si de nos jours, il se peut que par un beau matin de ce mois d’octobre un habitant très éloigné de toute pratique, originaire de Caen ou de Honfleur, se lève par un temps pluvieux et s’éveille à la beauté de la Tora par exemple après être tombé sur la magnifique table du Chabbath de la semaine dernière, ce n’est pas dû à la prouesse de l’auteur de ces lignes, mais c’est qu’il y a 3300 ans le Clall Israël a passé une alliance avec D’. Et cet acte a engagé toutes les âmes, même celles qui descendront sur terre bien plus tard.

Seulement notre paracha traite d’un second pacte avec D’. Les commentateurs (Or Ha’haïm et autres) expliquent qu’il s’agit de la « Arévouth » : la responsabilité collective. C’est-à-dire que la Tora ne ressemble pas aux lois des autres peuples qui peuvent exister dans ce monde. En effet, d’une manière générale, un homme de la cité qui ne respecterait pas les lois de son pays se met dans l’embarras et risque d’être poursuivi par la juridiction du pays. Mais, en aucune manière, son voisin de palier ne s’intéressera à son (mauvais) comportement (à moins que cela ne touche au domaine du droit des personnes). Dans la Tora la chose est vécue différemment. Lorsque mon prochain (de la communauté), qui habite au Cameroun ou dans la profonde Auvergne, ne met pas les Tefillinnes ou ne garde pas le Chabbath, si j’ai la possibilité de l’éclairer sur sa voie, j’aurais le devoir de lui indiquer la voie à suivre… C’est ce qu’on appelle la responsabilité collective car au niveau des âmes nous sommes reliés les uns aux autres. Cette même responsabilité entrainera que s’il existe un homme Tsadik (saint) qui pratique parfaitement la Tora, alors son action aura des effets sur toute la communauté jusqu’à Honolulu… Car l’homme qui se travaille spirituellement, il accède à de hauts niveaux (dans la Tora), amène la bénédiction à tout le monde (justement par le fait que l’on soit garant les uns des autres). C’est pourquoi le verset dit : »Tsadik yessod ha’Olam », le juste est le fondement de l’humanité. Ces deux notions (d’alliance) traitées dans ces parachioth sont aussi une allusion aux jours de Roch Hachana. En effet, à Roch Hachana, Hachem juge toutes les créatures de la terre (et pas uniquement les membres de la communauté). Tous les évènements de l’année à venir sont élaborés à partir des 10 jours depuis Roch Hachana jusqu’à Yom Kippour. Tout se décide dans le Ciel suivant le niveau (spirituel) de la personne. Or, les sefarim demandent pourquoi a-t-on besoin de deux jours consécutifs (Roch Hachana dure 2 jours) ? Le rav Dessler (Mihtav Mé-Eliahou 2 p 75) rapporte les écrits du saint Zohar (Pin’hass 231) qui enseignent qu’il existe deux sortes de jugements. Le premier est un DIN kaché /un jugement dur, tandis que le second jour est clément. Le rav Dessler explique d’après les écrits du Ari Zal, que le premier jour, Hachem juge chaque personne en fonction de son propre niveau. Combien va-t-il pratiquer la Tora et les Mitsvoth durant l’année ? Tandis que le deuxième jour on tient compte de l’homme vis avis de son prochain et en particulier du Tsadik. En effet, cet homme (l’homme saint) donne la raison véritable au monde d’exister. Donc plus on aidera le Tsadik dans sa progression (au cours de l’année) plus on aura une part à la sanctification du Nom de D’ sur terre grâce à son service. Dans le même ordre d’idée, lorsque j’aide la communauté, j’ai une part (un mérite) dans toutes les œuvres du groupe. Si j’aide une Yechiva ou un Collel, j’ai une part dans la progression spirituelle des Avrékhim (les hommes mariés qui étudient la Tora toute la journée). D’après ce développement, mon jugement de Roch Hachana sera adouci grâce à mon dévouement pour la communauté et en particulier les Tsadikim. Un autre point intéressant à noter pour se préparer à Roch Hachana, est de savoir que dans les textes de nos prières, il n’est jamais mentionné nos fautes ni même un appel au repentir. Nous ne demandons qu’une seule chose : « Hachem, dévoile aux yeux de tous Ta royauté sur terre ! » C’est à dire que la communauté proclame, durant ces deux jours, la royauté de D’ sur terre. Plus de cultes idolâtres, la croyance dans le hasard et les aléas de la vie. Notre prière de Roch Hachana énonce qu’il n’existe qu’un seul D’ sur terre Qui organise les évènements de la vie. Ces jours de jugements sont l’acceptation du joug divin et en cela on deviendra Son peuple. Le Gaon de Vilna fait remarquer que D’ S’appelle Roi, tandis que vis-à-vis des nations il est nommé gouverneur (Mochel). Or, il n’existe de souverain que s’il y a un peuple. Donc en faisant des prières sincères ces jours à venir on fera un grand Kidouch Hachem (sanctification du Nom de D’) sur terre. Et en cela on deviendra les serviteurs du Tout Puissant et on sera certain que grâce à ce mérite on aura droit à une belle année pleine de bénédictions et de réussites.

Quand la calèche royale passe près de nous…

Cette semaine je diffuserai un texte qui est intéressant en soi à l’approche du jour  du jugement et qui a l’avantage d’évoquer ce qui s’est passé c’est dernières semaines outre-Manche. En effet, une « grande dame » vient de quitter le monde du faste et de la dentelle pour être ensevelie dans un trou d’un mètre sur deux pas loin de la Tamise… C’est donc pour nous une leçon, à l’approche de Roch Hachana, de savoir que la vie dans ce monde n’est pas éternelle et que même les personnages « étincelants » de la société finissent tous sous terre et abandonnent leurs grandes richesses à d’autres mains et c’est peut-être aussi le moment de réfléchir sur le sens de sa propre vie. Le rav Touvia Weiss zatsal est décédé tout dernièrement. C’était le grand juge du Tribunal Rabinique « Badats Ha’éda ha’harédith » de Jérusalem. Il avait l’habitude de rapporter son histoire personnelle à l’approche des fêtes de Tichri. Le rav Touvia est né en Hongrie dans une petite bourgade proche de Presbourg. Les nazis, de mémoire maudite, envahirent la Hongrie vers la fin de la guerre en 1944 et ils ont appliqué la solution finale à près d’un million de Juifs, Hachem yikom damam. A l’époque, les communautés n’étaient pas au courant de ce qui se passait dans les villes déjà conquises. Les responsables communautaires de la petite ville où résidait le jeune Touvia lui demandèrent de se rendre dans la grande ville de Presbourg pour en connaitre plus sur la situation. Le jeune accepta la mission et alla dans la grande ville. Il se rendit au siège de la communauté et rencontra des dirigeants communautaires. Ils lui expliquèrent que la situation était gravissime et qu’il fallait au plus tôt fuir les nazis. Seulement le président de la communauté dira au jeune Touvia qui devait avoir 16 ans que la ville de Presbourg avait reçu 1000 passeports pour le sauvetage des enfants de la communauté ! Et ces documents d’une importance capitale provenaient de la royauté britannique ! Un train a été affrété par le roi Georges VI (père de la reine défunte Elisabeth II) pour faire venir ces 1000 enfants en Angleterre. Le responsable poursuivit, « le choix de donner ces certificats m’est très difficile, mais je vois que tu es un bon garçon. Prends-en un ! » Le jeune Touvia accepta et repartit dans sa ville natale. Là-bas il dévoila aux responsables la gravité de la situation et ajouta qu’il avait reçu un laisser passer de la part de la communauté de Presbourg. Le jour du départ arriva et c’est avec un grand déchirement que le jeune homme se sépara de sa famille sans savoir qu’il n’allait jamais plus la revoir ! Au moment du départ, la mère de Touvia lui dit : « Là où tu vas, saches que tu dois rester juif malgré tout ! » Sur ce, il prendra le train affrété par sa majesté le roi d’Angleterre avec 1000 autres jeunes Juifs hongrois. Preuve que les dirigeants anglais et américains étaient au courant, tout du moins en 1944, de la solution finale. S’ils l’avaient véritablement voulu, ils auraient pu enrayer le carnage. C’est au bout de quelques semaines de pérégrinations dans toute l’Europe en guerre que les jeunes rescapés arrivèrent sains et saufs dans la capitale anglaise. Quelques temps plus tard sa majesté le père de feu la reine d’Angleterre, qui avait une vingtaine d’années, demanda à rencontrer les jeunes rescapés. Pour l’occasion, les services royaux placèrent les enfants sur deux rangées et la calèche royale devait passer entre les deux lignes. Le spectacle était saisissant. Tous les enfants étaient impeccablement au garde à vous lorsque la calèche toute étincelante passa solennellement sous le regard émerveillé des enfants. C’est alors qu’un des jeunes rescapés, ce n’était pas Touvia, profita de l’occasion pour sauter dans la calèche ! Les gardes voulurent se saisir du garnement et l’éjecter hors du carrosse. Seulement le Roi dit : « Laissez-le, il veut me parler « . Le petit s’exprimera tout en pleur (ndlr, je ne sais pas dans quelle langue il a pu s’exprimer, mais le langage du cœur n’a pas de frontière. Certainement qu’avec l’aide d’un interprète il dit : « Combien votre majesté à fait un acte de grande générosité pour nous. Cependant cette bonté ne saurait être entière si je ne retrouve pas ma famille ! Cela fait plusieurs semaines que je suis séparé d’eux et il n’y a pas un moment où je ne pense à eux et à leur sort. J’ai peur pour mes parents et mes frères et sœurs restés en Hongrie ! Si sa majesté peut faire quelque chose pour eux, je lui en serais très reconnaissant ! » Le roi demanda à l’enfant son nom et l’adresse de ses parents puis l’enfant sortit de la calèche royale. Deux semaines plus tard, la famille de ce jeune arrivera saine et sauf à Londres !

Le jeune Touvia deviendra, bien plus tard, le grand juge de Jérusalem et il avait l’habitude de raconter cette histoire extraordinaire, il rajoutait : »Si le roi n’était pas sorti du palais royal, les soldats et secrétaires du roi n’aurait jamais laissé rentrer le jeune garçon dans son palais. C’est seulement lorsque le roi décida de passer en revue les enfants, que notre jeune héros eut le toupet de monter dans la calèche royale pour demander la grâce pour sa famille en épanchant son cœur meurtri. Continuait le rav Weiss : « Le mois de Eloul et les fêtes de Roch Hachana ressemblent à ce même évènement. Le Roi de rois, le Saint béni-soit-Il se trouve auprès de nous. Il sort de Son palais pour venir en notre direction. Il suffit de notre Techouva sincère pour avoir le mérite de s’approcher de Lui et lui faire nos demandes. Il nous écoutera !«  Que les Avrékhim, Bakhouré Yechiva, mes lecteurs et toute la communauté soient inscrits dans le livre de la vie, le Livre des Tsadikim pour une année pleine de joie, de santé et de réussites.

Ktiva et ‘Hatima tova lekol Israël, Amen !

David GOLD

Illustration : site ‘Hassidouth

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