Charlie, 13 novembre : le tournant 2015 et la suite…

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charlie Hebdo Jan 2015En 2002, paraissait en France Les Territoires perdus de la République, un ouvrage basé sur les témoignages d’un collectif de professeurs de collèges et de lycées, sous la direction d’Emmanuel Brenner, alias de l’historien Georges Bensoussan. On y découvrait la détérioration du climat à l’école, la destruction de la relation enseignant-élève, le naufrage de la transmission du savoir avec, à l’origine, un discours pseudo-idéologique et antisémite censé venir au secours du peuple palestinien « génocidé » par Israël. La seconde Intifada avait débuté deux ans auparavant.

En 2004, un rapport rédigé par l’enseignant Jean-Pierre Obin , sur commande gouvernementale, décrivait le même paysage, la même désolation avec deux années supplémentaires de dégradation. (Le rapport Obin est disponible ici, NDLR).

Le livre fut voué aux gémonies et qualifié d’islamophobe pour ne pas tenir compte du racisme anti-noir et antimusulman : des critiques hors-sujet permettant à la police de la pensée de le rejeter d’un revers de main.

Le rapport ne connut pas un sort plus heureux et traîna de longues années dans les tiroirs poussiéreux des ministères.

Il a fallu l’électrochoc Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 et la catharsis du 11 janvier suivant pour que ce livre et ce rapport suscitent à nouveau l’intérêt et ressortent de leur oubli.

Et encore ! Après la tuerie de Charlie-Hebdo, malgré le choc psychologique engendré, certains continuaient de prétendre que le commun des mortels n’était pas concerné par la folie terroriste. Les frères Kouachi avaient ciblé leur attaque envers une élite intellectuelle supposée islamophobe qui, quelque part, « l’avait un peu cherché ». Trop de Laurent Joffrin, trop d’Edwy Plenel continuaient de polluer la réflexion et le débat se focalisait davantage sur le droit à la liberté d’expression qu’au danger mortel que nous courions. Comme si les Kouachi n’étaient que des censeurs avant d’être des assassins !

Neuf mois plus tard, survient l’horreur du 13 novembre 2015 avec, pour la première fois sur le sol national, des attaques kamikazes visant cette fois-ci le peuple français de façon totalement aveugle. Tout change alors dans la tête des gens : le deuxième palier de prise de conscience consiste à comprendre que nous sommes bien tous dans le même bateau, qu’il ne suffit plus d’être juif ou intellectuel pour risquer sa peau. Oui, Ilan Halimi était bien le canari dans la mine décrit en 2006 dans l’ouvrage collectif des membres de l’association Primo[1].

Nice, Strasbourg, interviennent comme des piqûres de rappel au cas où l’amnésie nous gagnerait, au cas où nous refuserions d’affronter la réalité dans les intervalles d’accalmie.

Aujourd’hui, les yeux semblent se déciller et les oreilles prêtes à écouter enfin les arguments de ceux qui ont prêché dans le désert depuis de si longues années et qui posaient ces questions pourtant simples et légitimes : qu’est-ce qui a raté dans cette intégration depuis les années 1980 ? Qu’est-ce qui a fait que de jeunes musulmans ayant bénéficié de l’école républicaine, ont grandi avec la détestation de leur propre pays ? Quelle est la responsabilité de la classe politique, de l’Education nationale, du Quai d’Orsay, des sociologues, des philosophes, des médias ?

Le débat reste très délicat, toujours en raison de l’accusation potentielle d’islamophobie. Il se doit de tenir absolument la ligne de crête qui consiste à refuser d’essentialiser des individus, les musulmans en l’occurrence, et à ne s’attaquer qu’au combat sur le plan des idées, des philosophies et des religions du fait de leurs conséquences sur les esprits. Une fois cela précisé, plus rien ne nous autorise à ne pas comprendre.

De Marx à Mahomet

Un premier constat : sur 67 millions d’habitants, la France compte 10 à 15% de citoyens de confession, ou du moins, de culture musulmane. Les Juifs, avec 500.000 âmes représentent une fraction de plus en plus réduite de la population. On peut remarquer que la France a toujours été une terre d’immigration. De précédentes vagues, polonaise, italienne, espagnole, portugaise, certes moins massives que celles du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, se sont parfaitement intégrées puis assimilées sur le sol français. A priori, il n’y avait aucune raison de refuser les naturalisations à ces nouveaux arrivants musulmans, ce qui fut donc fait, de façon parfois forcenée sans s’assurer préalablement de certains critères comme la maîtrise de la langue française par exemple.

Le deuxième constat est la montée du fait religieux depuis plus de trente ans. C’est vrai à l’échelle planétaire, ça ne l’est pas moins à celle de la France. Depuis la révolution islamique iranienne, l’idéologie fondamentaliste a diffusé dans le monde entier, dans les zones arabo-musulmanes comme dans les pays occidentaux. Venant combler le vide d’un marxisme moribond, elle a même réussi à séduire le monde de l’extrême-gauche, censé pourtant ne reconnaître « ni D’ ni maître », censé honnir les religions en tant qu’opium des peuples, mais avide de troupes fraîches après l’effondrement des masses prolétariennes. Il fallait bien que les damnés de la terre[2] se réincarnent.

Le dernier constat, sans doute le plus important, réside dans l’impact du fondamentalisme sur nos concitoyens de culture musulmane.

Faisons un effort de mémoire. Souvenons-nous du début des années 1980 et comparons les musulmans de cette époque à ceux d’aujourd’hui.

Près de quarante ans après, on assiste à des conversions en masse de non-musulmans à l’islam, les musulmans qui étaient peu pratiquants observent désormais le Ramadan, les musulmans pratiquants sont devenus fervents jusqu’à la dévotion, les plus pieux sont devenus de redoutables intégristes capables de terroriser les fidèles qui ne suivraient pas suffisamment les enseignements du « prophète ».

Parallèlement, une frange de la jeunesse musulmane s’est installée dans une posture de détestation de son pays. Ses membres revendiquent avec véhémence leur carte d’identité française pour faire valoir leurs « droits », mais n’hésitent pas à cracher sur le drapeau tricolore ou à siffler la Marseillaise quand l’occasion leur en est donnée, se couvrant parfois quasi-religieusement du drapeau algérien. Leurs insultes préférées sont : « Sale Français » ou « Sale Juif ». Les autres Français, tétanisés par leur sentiment de culpabilité d’anciens colonisateurs, hésitent à dénoncer ces comportements. Le fameux sanglot de l’homme blanc cher à Pascal Bruckner…

L’idéologie fondamentaliste est désormais profondément enchâssée dans notre société, agissant comme un noyau brûlant et irradiant son effet sur des couches concentriques de musulmans dont aucune ne sort indemne.

Sauf ceux qui choisissent de fuir ce maelström comme Zineb El Razhoui, Zorah Bitan, Boualem Sansal et bien d’autres.

Certains d’entre eux sont pris en otages : dans « les » quartiers, il vaut mieux ne pas chercher à échapper à l’allégeance au Coran, surtout les femmes, contraintes de se voiler et justifiant leur dernier accoutrement par leur « rencontre avec D’ », évitant ainsi les foudres de leur entourage familial machiste et patriarcal.

Amalgame ? Quel amalgame ?

Toute cette organisation est parfaitement orchestrée, de façon pyramidale, par quelques petits chefs religieux s’octroyant ainsi, sur leurs ouailles, un véritable pouvoir, parallèle au pouvoir politique.

Quand le CFCM[3], en la personne de Mohamed Moussaoui, quand il était président de cette association, dénonçait les amalgames et les stigmatisations dont auraient été victimes nos concitoyens musulmans, on aurait pu lui demander de faire d’abord le ménage devant sa propre porte.

Comment accepter, en effet, les prêches d’un Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille Sud et grand ami de Martine Aubry, comparant la France à une terre fertile qu’il faut féconder avec la semence musulmane[4] ? Après l’épisode Charlie, ce dignitaire a pu, toute honte bue, se produire sur le plateau du Journal de 20 h et jurer, la main sur le cœur, l’allégeance des Français musulmans à la République. Takya et double langage sont les deux mamelles gorgées de lait islamiste…

Comment ne pas amalgamer ce dignitaire religieux, ayant pignon sur rue, avec le djihad le plus agressif quand il tient des propos dignes d’un Abd el Rahman ou d’un Saladin ?

Aujourd’hui, le CFCM, sur son site Internet, n’hésite pas, après l’attentat de Strasbourg, à véhiculer les habituelles thèses complotistes, aussi scandaleuses qu’attendues, avec, là encore, la coutumière toile de fond : la juiverie internationale.

Ce n’est pas parce que la très grande majorité des Français musulmans se comporte de façon tout à fait pacifique que cette idéologie n’opère pas insidieusement sur eux, sécrétant à leur périphérie des Djamel Loiseau, des Mohamed Merah, des Nemmouche, des Kouachi et autres Coulibaly.

Ne nous voilons pas la face et reconnaissons le fait islamiste comme une composante non négligeable au sein des musulmans de France. Il ne s’agit pas de stigmatisation mais de description d’une réalité. Réfléchissons à l’impact que produisent 10% de radicalisés sur les 90% restants.

N’oublions pas non plus le danger que représenterait le grignotage encore plus marqué de notre laïcité : voir la Charia s’imposer progressivement et remplacer les lois républicaines. Ce n’est pas un fantasme et observons bien que partout où l’islam devient religion d’Etat, il en profite aussi pour devenir un totalitarisme. Si, par malheur, cela survenait un jour, verra-ton les musulmans « modérés » mettre leur poitrine en avant pour défendre notre laïcité ? Il parait légitime de se poser la question.

Sachons également voir en face cette surreprésentation carcérale des musulmans et essayons d’en comprendre les causes qui ne sauraient être que sociologiques. Les descendants des pieds-noirs ou des Boat people ont-ils massivement suivi la voie de la délinquance ? Revenons un court instant sur le thème éducatif pour évoquer le désarroi d’un prof du 93 qui expliquait que certains de ses élèves ne disposaient que d’un vocabulaire de 500 mots. Quand on n’a que 500 mots pour s’exprimer, seuls des comportements violents et donc délictueux peuvent en découler.

Israël : le pays qu’on aime haïr

Le substrat essentiel qui permet d’imbiber d’islamisme ces Français musulmans est la haine d’Israël.

Distillée par les médias et certains partis politiques depuis 1967, cette haine a infiltré la pensée de nos concitoyens et a servi de ciment intellectuel aux idéologues islamistes, à défaut d’une vraie philosophie et d’une vision humaniste.

On a ainsi réussi le tour de force consistant à faire adhérer la jeunesse musulmane à une cause palestinienne dont elle n’avait, a priori, rien à faire. Il suffit, d’ailleurs, de demander à de jeunes musulmans de situer la « Palestine » sur une carte pour réaliser l’artificialité de leur posture. Il est vrai que sans Juifs dans la région, l’entreprise de mobilisation sur ce conflit aurait été bien plus ardue.

Car, ne nous leurrons pas, au-delà d’Israël, ce sont bien les Juifs qui sont visés. Cela fait des siècles que l’antijudaïsme se révèle être le meilleur moyen de fédérer et de mobiliser les foules. Les crises économiques et sociétales s’intègrent dans la formule chimique en tant que catalyseurs, la paresse intellectuelle et la lâcheté faisant le reste.

Cette détestation irrationnelle d’Israël est profondément ancrée dans cette population musulmane. Il suffit de s’intéresser au contenu des grands rassemblements musulmans comme ceux de l’UOIF[5], avec pour vedette le cheikh Al-Qaradawi, prédicateur antisémite notoire et promoteur de l’islam le plus radical qui soit.

On pourra légitimement proclamer que ces amalgames sont honteux lorsque l’on verra des foules de musulmans se lever contre ceux qui veulent les enfermer dans ce carcan étouffant, lorsque l’on verra leurs services d’ordre sévir quand un drapeau d’Israël est brûlé sur la voie publique, lorsqu’ils rejoindront la légalité républicaine en refusant de participer à des opérations de boycott anti-israélien, lorsqu’ils cesseront d’assimiler l’adjectif « sioniste » à un crachat. Bref, lorsqu’ils prouveront qu’ils sont libres de penser en dehors des idéologies prémâchées par d’habiles marionnettistes tapis dans l’ombre.

Pour l’heure, c’est au contraire que l’on assiste. Par exemple, l’opération israélienne « Bordure protectrice » de l’été 2014 a donné lieu à un déchaînement antisémite dans les rues de Paris. Des synagogues ont été attaquées, des cris de « Mort aux Juifs » ont fusé dans la capitale du pays des Droits de l’Homme. En revanche, la sous-représentation des musulmans à la marche de Charlie a été criante, bien loin du message véhiculé par les médias ce jour-là et tendant à prouver le contraire.

En 2012, un imam exemplaire, Hassan Chalghoumi, avait exhorté ses coreligionnaires à un rassemblement contre le terrorisme suite à l’affaire Merah. Résultat : une centaine de personnes, dont une majorité de non-musulmans.

Il conviendrait que les larmes de crocodiles versées sur les tombes de Juifs morts, d’Auschwitz à Mireille Knoll en passant par Toulouse et la porte de Vincennes, soient remplacées par la fin de la diabolisation d’Israël, des accusations ineptes qui le décrivent comme un Etat génocidaire de Palestiniens où règne l’esprit de colonisation et d’apartheid.

Conspuer Mohamed Merah, les frères Kouachi et Abedy Coulibaly, c’est bien et quoi de plus naturel, mais reconnaître le fascisme du Hamas serait mieux.

Commémorer la Shoah, c’est bien et quoi de plus naturel, mais interdire à « l’humoriste » Dieudonné de la prolonger serait mieux.

Respecter les Israélites[6], c’est bien et quoi de plus naturel, mais accorder, sans « oui mais », aux Juifs le droit à un Etat grand comme la Bretagne serait mieux.

Et en 2019 ?

Concernant l’islam dans son essence même, il n’est plus interdit de se poser la fameuse question : « Est-t-il soluble dans la démocratie ? ».

C’est de l’intérieur même du monde musulman que s’élèvent des voix qu’il faut absolument écouter.

Méditons, par exemple, sur cette réflexion du philosophe Abdennour Bidar s’adressant à ses frères musulmans : « Que dis-tu en effet face à ce monstre (Daesh) ? Tu cries « Ce n’est pas moi ! », « Ce n’est pas l’islam ! ». Tu refuses que les crimes de ce monstre soient commis en ton nom (hashtag #NotInMyName) … La grande question : pourquoi ce monstre t’a-t-il volé ton visage ? Pourquoi ce monstre ignoble a-t-il choisi ton visage et pas un autre ? C’est qu’en réalité derrière ce monstre se cache un immense problème, que tu ne sembles pas prêt à regarder en face. Il faudra bien pourtant que tu finisses par en avoir le courage.

Il est vrai que la nature a horreur du vide et que le Mal a toujours eu besoin de s’incarner quelque part. Bidar diagnostique, lui, une maladie propre à l’islam. Et il y cherche un remède interne. Ce n’est pas raciste d’avoir ces interrogations car elles ne concernent pas ontologiquement les musulmans. Pourra-t-on avoir, un jour, un débat apaisé sur ce sujet ? Pour le moment, on en est très loin.

Un aggiornamento de l’islam, à l’échelle mondiale, devient nécessaire. Il faudra que cet islam réformé s’impose désormais comme le vrai islam, que l’on ne donne plus l’occasion aux égorgeurs de Daesh de revendiquer la vraie parole du Prophète. Car, en l’état actuel du texte coranique, et surtout des Hadits, on ne peut pas leur donner totalement tort. Ils ne font qu’appliquer littéralement les textes sacrés.

C’est à l’intérieur même du monde musulman que se trouvent les solutions. Aidons-le à les déterrer et bonne année 2019 !

Jean-Pierre Chemlamabatim.info

[1] Ilan Halimi, Le Canari dans la Mine. Éditions Yago, 2006
[2] Titre d’un livre de Franz Fanon, intellectuel antillais anticolonialiste et soutien du FLN pendant la guerre d’Algérie
[3] Conseil français du culte musulman : association destinée à représenter les musulmans de France, créée en 2003 sous Nicolas Sarkozy au Ministère de l’Intérieur.
[4] Voir la vidéo sous ce lien
Livre JPC[5] Union des Organisations Islamistes de France
[6] Dénomination des Juifs de France ayant accepté de s’insérer dans la nation française, selon les critères de lois napoléoniennes.

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