La visite du prince William à Jérusalem

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Le 25 juin prochain, le prince William va effectuer un voyage exceptionnel à Jérusalem, mais aussi à Ramallah.

La reine Elizabeth et le prince Philip ont passé cinq jours en Jordanie en 1984, mais ils n’étaient jamais allés en Israël ou sur les territoires palestiniens. En effet, aucun membre de la famille royale n’est jamais venu officiellement en Israël, même si les princes Philip, Charles et Edward ont tous accompli des visites privées en Israël. Là, ce voyage semble prendre une tournure plus officielle.

Le prince William va également, durant ce séjour, pouvoir se rendre sur la tombe de son arrière-grand-mère, enterrée à… Jérusalem !


 

Cette dame était une personne au parcours peu classique, qui aura même droit à recevoir une décoration de la part de Yad Vachem, pour avoir accueilli et sauvé une famille juive durant la Shoah en Grèce.

Alice de Battenberg est descendante de grandes familles nobles européenne, et a été mariée au prince André de Grèce et de Danemark (1882-1944), lui-même fils du roi Georges Ier de Grèce (1845-1913) et de son épouse la grande-duchesse Olga Constantinovna de Russie (1851-1926).

De cette union naissent cinq enfants, dont une partie va se lier à des Allemands, qui vont être fort proches du régime nazie…

Elle-même est diagnostiquée dans sa jeunesse comme souffrant d’une surdité congénitale, mais parviendra à apprendre à parler et à lire sur les lèvres en anglais et en allemand, puis le français et le grec. Elle semble avoir souffert de troubles psychiatriques également.

Elle se marie en 1903 et donne naissance à quatre filles entre 1905 et 1914.

Outre ses activités officielles dans le royaume hellène, le couple princier voyage beaucoup en Europe. Peu après leur retour en Grèce, le prince André et son épouse voient la situation politique de leur pays se dégrader, mais lors des guerres balkaniques de 1912-1913, le prince André est autorisé à réintégrer l’armée hellène tandis que son épouse se distingue à l’arrière comme infirmière.

Après la Première Guerre mondiale, une bonne partie des trônes européens sont destitués, et peu des dynasties sont encore en place. Alice et sa famille reviennent vivre dans leur pays et s’installent à la résidence de Mon Repos, dans l’île de Corfou. Là, la princesse donne naissance à son fils unique, le futur duc d’Édimbourg, en 1921. À cette époque, l’époux d’Alice, le prince André, est commandant de la 12e division du corps d’armée hellène qui combat la Turquie de Kemal Atatürk lors de la guerre de 1919-1922. La défaite écrasante de la Grèce provoque de nouveaux bouleversements dans la vie des membres de la famille royale hellène, et la famille d’Alice fuit le pays à bord d’un croiseur britannique, emportant avec elle, dans une caisse d’oranges reconvertie en couffin, le futur duc d’Édimbourg, alors âgé de dix-huit mois…

Tous ces événements vont troubler les esprits de la princesse, et, après une expertise psychiatrique, elle est séparée de force de sa famille et placée au sanatorium de Kreuzlingen, en Suisse. Il s’agit là d’une institution prestigieuse dont de nombreux patients sont des célébrités.

Commence alors une longue convalescence pendant laquelle Alice et son époux s’éloignent l’un de l’autre. Pendant cette période, leurs filles épousent tour à tour des princes allemands et leur mère, qui craint désormais le regard des autres, refuse d’assister à leurs mariages. Quant au seul fils d’Alice et d’André, le prince Philippe, il part vivre en Angleterre aux côtés de ses oncles, Louis et Georges Mountbatten, et de sa grand-mère, la marquise de Milford-Haven, née Victoria de Hesse-Darmstadt.

 

La princesse Alice reste à Kreuzlingen pendant deux ans mais, après un bref séjour dans une clinique de Merano, elle est déclarée guérie et commence une existence itinérante en Europe centrale. La princesse garde le contact avec sa mère mais rompt presque tous ses liens avec le reste de sa famille jusqu’à la fin de l’année 1936. En 1937, sa fille Cécile, son gendre, le chef de la Maison Hesse-Darmstadt, et deux de leurs enfants sont tués dans un accident d’avion à Ostende. La princesse Alice et son époux se retrouvent pour la première fois depuis six ans lors des funérailles. Par la suite, la princesse reste en contact avec sa famille qui accueille avec joie son retour progressif à la « normalité ».

En 1938, Alice retourne seule à Athènes pour y travailler avec les pauvres. Elle s’établit dans un petit appartement de deux chambres près du musée Benaki.
Alors que le reste de la famille royale hellène fuit du fait des hostilités la Grèce pour s’établir en Égypte puis en Afrique du Sud, la princesse Alice et une autre de ses belles-sœurs, la grande-duchesse Hélène Vladimirovna de Russie (veuve du prince Nicolas de Grèce), restent à Athènes pendant toute la guerre. Alice quitte son petit appartement et emménage dans la résidence de son beau-frère, le prince Georges. Pendant la journée, elle travaille pour la Croix-Rouge et aide, avec sa belle-sœur, à l’organisation de soupes populaires pour les Athéniens affamés. Elle organise également un service d’infirmerie dans plusieurs quartiers de la capitale et prend en charge de nombreux enfants orphelins.

L’armée allemande occupe Athènes, où résident 75 000 Juifs grecs. Parmi ceux-ci, 60 000 sont alors déportés vers les camps nazis et seuls 2 000 en sortent vivants à la fin de la guerre. Pendant cette période, la princesse Alice cache chez elle une femme juive nommée Rachel Cohen et deux de ses cinq enfants. L’époux de cette dernière, Haimaki Cohen, un Juif de Salonique, a rendu service au roi Georges Ier de Grèce en 1913 et, en retour, le monarque a proposé de lui rendre n’importe quel service. Mais Haimaki n’a rien demandé au souverain et l’un de ses fils s’est souvenu de la promesse royale lors de la vague d’arrestation nazie. Il a donc demandé de l’aide à la princesse Alice, l’une des deux seules membres de la famille souveraine encore présents dans la capitale. Naturellement, la princesse a honoré la dette de son beau-père et a ainsi sauvé la famille Cohen.

 

De la Libération à la guerre civile

Quand Athènes est libérée en octobre 1944, le futur Premier ministre britannique Harold Macmillan rend visite à la princesse Alice, qu’il décrit comme « vivant dans des conditions très humbles, pour ne pas dire sordides ». L’homme politique insiste alors auprès de la princesse pour savoir si elle a besoin de quelque chose et celle-ci finit par reconnaître qu’elle dispose « de suffisamment de pain, mais [n’a] ni réserve de sucre, de thé, de café, de riz ou de conserve ».

Début décembre, la situation à Athènes est très loin de s’être améliorée et le pays s’enfonce dans la guerre civile. La guérilla communiste (ELAS) s’oppose violemment aux Britanniques pour prendre le contrôle de la capitale. Pendant ce temps, la princesse est informée que son mari a trouvé la mort dans le Sud de la France, juste au moment où on pouvait espérer une réunion des deux époux, qui ne s’étaient pas revus depuis 1940.

Au grand déplaisir des Britanniques et malgré le couvre-feu, la princesse insiste pour sortir dans les rues durant les combats qui se déroulent à Athènes et pour distribuer des rations alimentaires aux policiers et aux orphelins. Et lorsque quelqu’un lui fait remarquer qu’en agissant ainsi elle pourrait recevoir une balle perdue, elle répond : « On m’a dit qu’on n’entend pas le coup qui nous tue et, de toute façon, moi je suis sourde. Alors pourquoi se préoccuper pour ça ? »

La princesse Alice revient en Grande-Bretagne en avril 1947 pour assister au mariage de son unique fils, qui se fait désormais appeler Philip Mountbatten, avec la future Élisabeth II du Royaume-Uni. Elle offre alors à sa belle-fille ses derniers bijoux qui sont ensuite montés en alliance. Lors de la cérémonie des noces, la princesse s’assoit du côté nord de l’abbaye de Westminster, à l’opposé du roi et de sa famille. Aucune de ses filles n’est présente à la cérémonie à cause du profond sentiment anti-allemand qui règne dans l’Angleterre d’après-guerre. Cependant, la princesse est tout de même accompagnée de ses frères et de plusieurs de ses neveux.

Voyant sa santé se dégrader du fait de l’âge et de sa consommation de tabac, la princesse Alice quitte la Grèce après le coup d’État des colonels du 21 avril 1967. La reine Élisabeth II et son époux l’invitent alors à résider en permanence au château de Buckingham.

Malgré des signes de sénilité dans ses dernières années, la princesse Alice conserve sa lucidité intellectuelle jusqu’à la fin. Elle meurt au palais de Buckingham en décembre 1969, sans rien laisser à sa famille puisqu’elle fait don de tous ses biens à des œuvres de charité.

Ses restes sont d’abord placés au château de Windsor, mais ils sont finalement déplacés, le 3 août 1988, afin de réaliser ses dernières volontés. Elle est alors ensevelie au mont des Oliviers, à Gethsemani, à Jérusalem, juste à côté de sa tante, la grande-duchesse Élisabeth Feodorovna. Quand sa fille, la princesse Sophie de Hanovre, se plaignait que sa tombe serait trop loin pour aller lui rendre visite, la princesse Alice plaisantait : « Quelle absurdité, il y a là-bas un très bon service de bus ! ».

Le 31 octobre 1994, les deux enfants survivants de la princesse Alice, le duc d’Édimbourg et la princesse de Hanovre, se rendent au mémorial de l’Holocauste de Yad Vashem, à Jérusalem, pour assister à la cérémonie honorant la princesse comme une « Juste parmi les nations » pour avoir caché des Juifs dans sa maison pendant la Seconde Guerre mondiale. Le prince Philippe déclare alors : « Je pense qu’il ne lui est jamais venu à l’esprit qu’elle avait une attitude spéciale. C’était une personne profondément religieuse, et elle devait considérer comme une réaction humaine totalement naturelle de porter secours à des êtres en état de détresse. »

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