« La face de la génération sera comme celle du chien »

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Nous reproduisons ici un texte paru le 28 décembre 2021, se trouvant être d’actualité.

Nous sommes à Paris, il fait beau. Une voiture est garée en double file, personne à l’intérieur. On entend klaxonner depuis un moment, de plus en plus fort. Un automobiliste, qui aimerait bien pouvoir partir, est en effet coincé par celui mal garé. Les gens passent, regardent, et beaucoup pestent après le trouble-fête. Certains lui crient même dessus à travers sa vitre fermée. Quel toupet celui-là de nous déranger pendant notre balade/heure de repas/ coup de fil (cocher les mentions inutiles). Et qui les dérange à ce point ? Pas celui qui est garé en double file bien sûr, pas celui qui n’en a strictement rien à faire de savoir s’il coince quelqu’un qui a besoin d’utiliser sa voiture en urgence, pas celui qui malgré les nombreux coups de klaxons ne reviendra pas le temps que nous assistons à cette scène, pas celui qui n’a d’ailleurs même pas payé son horodateur, pas celui qui gêne la circulation sur la route elle-même, pas celui qui est assez égoïste pour agir ainsi. Mais l’on s’énerve volontiers après celui qui trouble notre quiétude, ce voyou qui ose utiliser son klaxon ! Ok, il va peut-être rater un rendez-vous urgent, mais quand même…

Pourquoi est-ce ainsi, malgré une situation pourtant claire ? On devrait plutôt le plaindre cet automobiliste coincé car, la victime, c’est quand même lui non ? La Michna à la fin du traité de Sota nous apprend que lorsque « la face de la génération sera comme celle du chien », nous arriverons en période pré-messianique. Pourquoi le chien s’appelle t-il « kélev » en ‘Ivrit ? Car il est la contraction de « koulo lev » (Maharal sur Horayoth 13a), un cœur gros comme ça dirions-nous de nos jours. Le chien est affectueux, gentil, il juge les situations avec son cœur uniquement. Frappez-le avec un bâton, il attaquera ce même bâton. Sa réflexion ne va pas plus loin que le bout de son museau. On juge la situation telle qu’on la voit, sans chercher nullement à creuser ce qu’il y a derrière. Dépensons des budgets colossaux pour « certains peuples opprimés ». Des milliards pour sauver les chats et les chiens à la SPA alors que des millions d’êtres humains crèvent de faim et de froid. Marions tout le monde avec tout le monde, cela leur ferait tant plaisir. Admettons que le monde est le fruit du hasard, c’est bien plus commode. Jugeons durement notre prochain, c’est tellement plus simple et reposant que de comprendre pourquoi il agit ainsi.

Tout cela est typique du comportement canin : la facilité, la paresse intellectuelle, si significative de notre époque. Depuis toujours, notre peuple a su voir plus loin que le simple événement, a su comprendre que chaque petite chose qui arrive dans le monde ou personnellement n’est pas le fruit du hasard mais vecteur d’un message. Rav Ya’akov Galinski a un jour expliqué la Michna (Kélim 17,13) « Rabbi ‘Akiva dit : tout ce qui est dans la mer est pur, sauf le chien de mer ». Et pourquoi est-il impur ? Car en cas de danger, il va sur la terre ferme se réfugier (cf. parabole de rabbi ‘Akiva dans Berakhoth 61b sur le renard et les poissons). Ne cherchons pas « dehors » des explications légères et faciles, recentrons-nous sur notre Tora et ce qu’elle dit des événements.

Depuis des millénaires, nous klaxonnons. Voilà entre autres pourquoi la haine des nations à notre égard est une Halakha. Dans ce cas que devons-nous faire ? Surtout ne pas nous sauver sur la terre ferme, mais rester dans l’eau, celle qui nous abreuve depuis toujours.

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