Gilles-William Goldnadel: «Désormais, la haine du Juif est mondialisée»

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FIGAROVOX/CHRONIQUE – Face aux universités bloquées par des étudiants d’extrême gauche aux États-Unis comme en France, notre chroniqueur constate que l’antisémitisme, aujourd’hui, n’a plus de frontières.

Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il vient de publier Journal de guerre. C’est l’Occident qu’on assassine (Fayard).

«Est-ce que ce monde est sérieux?» demande le taureau de Francis Cabrel en entrant dans l’arène. Depuis longtemps, je soutiens que seul un regard psychiatrique est de nature à tenter de comprendre la psychologie collective de nos temps affolants. Retour donc, sur la corrida humaine de la semaine.

«Town Hall» à Sciences Po. Rien que l’utilisation acceptée par la direction française de cet anglicisme «new age» prouve scientifiquement et politiquement que les islamo-wokistes américains ont débarqué en France et qu’ils occupent le terrain. Et cette direction, affolée, accepte également de suspendre les sanctions contre les contrevenants et de discuter l’hypothèse de rompre avec les universités israéliennes. Ils ne discuteront pas des Ouïghours et des Tibétains martyrisés, alors que le président de la République populaire de Chine – pays communiste – débarque à Paris. Ni du million de Soudanais et de Congolais massacrés et affamés dans un silence de mort. Non. Ils discuteront seulement de l’État juif «génocidaire», – «Après Treblinka, Gaza» -, qu’il faut effacer de la «rivière à la mer».

Je dois une confidence à mon lecteur. En temps ordinaire, j’hésite à consacrer trop souvent mes chroniques hebdomadaires à la question juive ou israélienne. Je crains, à tort ou à raison, que ne me soit imputé quelque judéo-centrisme juif excessif. Mais hélas, en ces temps extraordinaires, règne en maître un judéo-centrisme médiatique planétaire qui m’épargne tout scrupule. Le judéo-centrisme des «gentils». Un judéo-centrisme effrayant qui place une nouvelle fois, comme au bas Moyen-Âge, Jérusalem au centre du monde. Et ce judéo-centrisme des «gentils» est méchant. Et tellement bête, que les étudiants analphabètes qui parlent de génocide ne sauraient situer Jérusalem sur la carte. Est-ce que ce monde est sérieux ?

Dans les facultés illettrées, les Juifs – ces blancs privilégiés – ne sont pas « racisés ». Ils ne sont même plus une « minorité ».

Gilles-William Goldnadel

Ceux qui, en France, ont popularisé le terme de génocide pour l’appliquer à l’État-ghetto pogromisé le 7 octobre, sont évidemment les Insoumis. La riposte israélienne au massacre terroriste du Hamas ayant forcément occasionné sur le territoire de Gaza des morts civiles, elle serait, forcément, génocidaire. Dans mon Journal de guerre, j’avais déjà évoqué les bombardements alliés autrement plus meurtriers sur les villes françaises occupées ou allemandes. Les Anglo-Américains ne prévenaient pas les civils à l’avance. J’avais également invoqué les bombardements plus récents sur Mossoul et Raqqa. On estime ces morts civiles à plus de 50.000…

Et voilà qu’on exhume sur la toile, cette semaine, l’interview que donna Jean-Luc Mélenchon à Public Sénat en 2015. Il y défendait sans aucun état d’âme particulier les bombardements des Russes – alliés au régime de Bachar Al-Assad – en Syrie. À la journaliste qui invoquait les très nombreuses victimes, le dirigeant de la France Insoumise lui répondit naturellement: «Il y a des morts civiles ? Eh bien oui ! Vous en connaissez, vous, des guerres où il n’y a pas de morts ? Ça n’existe pas ». Ainsi parlait le chef du parti politique qui épingle désormais le mot «génocide» sur la poitrine du Juif génocidé…

Cette même semaine une étude publiée dans Le Parisien montre la progression exponentielle de l’antisémitisme en France, principalement dans les banlieues islamisées – travaillées par la France Insoumise. Un antisémitisme désormais totalement «décomplexé». 35% des sondés trouvent légitime de s’en prendre aux Juifs qui soutiennent Israël. Près de la moitié de ces derniers confessent dissimuler désormais leurs signes de judéité. Dans les facultés illettrées, les Juifs – ces blancs privilégiés – ne sont pas «racisés». Ils ne sont même plus une «minorité». Est-ce que ce monde est sérieux?

Nos antiracistes se font moins vétilleux et intransigeants concernant d’autres ethnies. Sur l’autel sacrificiel de la Palestine, l’antisémitisme passe moins en pertes qu’en profits.

Gilles-William Goldnadel

Et pourtant, la presse progressiste antiraciste – demeure très calme et pondérée. Le Hamas n’est pas «terroriste», en dépit pourtant de sa classification officielle, mais seulement «islamiste». Ses otages encore vivants ne sont évoqués que très distraitement. Les étudiants ne sont pas «anti-Israël» mais seulement «propalestiniens». L’antisémitisme? Insidieux. Regrettable, sans doute, mais marginal. Nos antiracistes se font moins vétilleux et intransigeants concernant d’autres ethnies. Sur l’autel sacrificiel de la Palestine, l’antisémitisme passe moins en pertes qu’en profits. Est-ce que ce monde est sérieux ?

Sommes-nous encore en liberté ? La presse publique est idéologiquement contrôlée. La presse privée est dangereusement menacée. En Corse, un homme politique de droite est agressé par une femme et réplique par un geste de défense. Il est accusé mensongèrement de l’avoir frappée en premier et le voilà, lui, sommé de se justifier. À Perpignan, c’est Michel Onfray, trop lettré, qui est brièvement empêché de parler par des analphabètes. On a les martyrs qu’on mérite. La semaine dernière, Mathilde Panot et Rima Hassan étaient présentées comme les victimes de l’intolérance, quand ce ne serait pas d’un complot politique, pour avoir été banalement convoquées par la police. Celle-ci, comme c’est l’usage, voulait les entendre dans le cadre des plaintes diligentées à leur encontre pour apologie du terrorisme. Certains beaux esprits y ont vu l’ombre de Torquemada. Un esprit plus simple pourrait y percevoir, sauf à être daltonien, celle d’un privilège rouge.

Cette semaine, une partie de la rédaction de France Inter s’est montrée mécontente de ce que Guillaume Meurice, ayant à nouveau traité de nazi le premier ministre israélien, juif circoncis, malgré une mise en garde de l’Arcom, soit menacé de sanction par sa direction. Une journaliste d’«Arrêt sur Images», Nassira El Moaddem, suscite également la compassion de l’extrême-gauche médiatique et politique. Elle a considéré sur X que la France était «un pays de racistes dégénérés». Certains Français ont eu le front, sans doute trop national, de ne guère apprécier.

Les voilà traités de racistes harassants. Notre imagination est impuissante à décrire la réaction d’un procureur algérien – ou d’un député Insoumis – si, par hypothèse hardie, un journaliste français qualifiait son pays et ses habitants de pareille façon. Est-ce que ce monde est sérieux ? Ou les fous furieux, par leurs extravagances, vont-ils être enfin diagnostiqués ? Nous sommes tous des taureaux en sursis dans l’arène en furie.

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