Israël-Hamas, 35 ans de sang et de larmes

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Par Francis MORITZ

Terrible anniversaire que celui de la fondation, le 15 décembre 1988, de ce qui est devenu le Hamas. Depuis, le conflit a fait des centaines de victimes de part et d’autre. Le groupe terroriste a organisé un grand rassemblement dans Gaza city avec dévoilement d’un nouveau logo et en prime, la mise en scène d’un militant masqué brandissant l’arme qui aurait appartenu au soldat Hadar Goldin, assassiné par cette organisation. Les dirigeants ont réitéré leur objectif de reconquête avec cette déclaration on ne peut plus claire «Alors que nous dévoilons notre nouveau logo, nous saluons tous les justes martyrs palestiniens, les vaillants détenus, les blessés et tous les Palestiniens inébranlables en Cisjordanie occupée et à Jérusalem, dans les territoires occupés en 1948, dans la diaspora et dans la bande de Gaza» tout en évoquant de futures confrontations avec Israël. Cela fait trente-cinq ans que l’organisation terroriste souffle le chaud et le froid et qu’à chaque confrontation, elle n’hésite pas à faire payer le prix du sang aux civils.

Harakat al-Muqawama al-Islamiyah (le Mouvement de résistance islamique) connu sous son acronyme Hamas, voit le jour dans les années 1960-70 comme organisation sociale et religieuse des Frères Musulmans en Palestine. Ce n’est qu’en 1980 que l’organisation adopte sa forme actuelle qui prône la révolution par la base. L’idéologie se fraie un chemin en utilisant les failles des institutions démocratiques existantes pour les utiliser à son profit. Le but étant l’accession au pouvoir. On retrouve cette même tactique dans l’attitude des organisations islamistes en France. Dans le même temps, pour acquérir la respectabilité nécessaire, à l’intérieur comme à l’extérieur et afin de se développer et élargir le soutien populaire, l’organisation crée une infrastructure de services sociaux et culturels dénommée Dawa. Dès cet instant, la violence devient le moteur du Hamas. Elle sera sa règle.

La chartre de l’organisation est publiée en août 1988. La rhétorique antisémite y occupe une très large place. On y trouve notamment le rejet de toutes négociations avec Israël et son objectif en faveur du djihad, explicitement la lutte violente en vue de la destruction d’Israël. Elle précise que le Hamas est une organisation uniquement palestinienne. Il s’agit d’éviter qu’on lui reproche d’être sous influence ou affiliée aux Frères Musulmans. C’est pourtant la réalité, n’en déplaise à de multiples médias et politiciens de tous horizons qui n’ont jamais mis les pieds dans la région. L’article 12 de la chartre stipule «résister et réprimer l’ennemi devient le devoir individuel de chaque musulman homme ou femme. Une femme peut sortir combattre l’ennemi sans la permission de son mari». C’est une référence à la fatwa d’Abdullah Azzam, idéologue parmi les plus violents d’Al Qaida sur le devoir individuel de Djihad. En application de cette idéologie, en janvier 2022, Wafa Idris sera la première palestinienne à commettre un attentat suicide en Israël.

Le Hamas a cherché à se présenter comme une alternative à l’OLP, tout en épousant l’idéologie des Frères musulmans. La double décision en 1988 par l’OLP de reconnaître l’État d’Israël et l’acceptation de la résolution 242 sur la solution à deux États, a été un catalyseur accélérant le soutien au Hamas qui a pu recruter de nouveaux partisans mécontents, de l’absence de services sociaux par l’OLP et rejetant la reconnaissance d’Israël. L’opposition du Hamas a été totale et violente. C’est le début des attentats-suicide conjointement avec le Djihad islamiste. Néanmoins les évènements qui suivirent, première Intifada, accords d’Oslo de 1993, deuxième Intifada, amenèrent le Hamas à s’adapter aux changements successifs.

Les élections palestiniennes du Conseil législatif de 2006 constituent le point de bascule. Le Hamas entre dans l’arène politique et remporte 74 sièges sur 132. Il devient majoritaire. À ce titre, il forme un gouvernement palestinien sous la direction d’Ismail Haniyeh. La rivalité ancienne avec le Fatah culmine et se transforme en échanges meurtriers malgré un accord en 2007 qui reste lettre morte. En juin toujours avec violence, le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza. Désormais il y a aura deux gouvernements, l’un à Gaza, l’autre en Cisjordanie.

L’accès à Gaza des médias autres que ceux qui lui sont favorables est très limité et fortement contrôlé. L’implantation d’autres mouvements adversaires du Hamas est quasiment impossible en raison d’une répression féroce. La violence originelle et la terreur sont ses armes qui lui permettent de garder le pouvoir et qui se traduisent par des actions militaires et des attentats, Israël restant le premier objectif et la victime principale.

Forte de sa main de fer sur la population et de son image internationale, l’organisation a créé deux entités, l’une politique, l’autre militaire, les brigades Quassam. De sorte que certains gouvernements profondément hypocrites ont permis à la branche dite politique d’avoir une représentation officielle, tandis que d’autres, considèrent ce mouvement comme terroriste.

En mai 2007, le Hamas procède à la mise à jour de la chartre de 1988 en l’adaptant rhétoriquement aux circonstances. L’organisation prétend être différente des autres groupes djihadistes. Mais son credo reste explicite : la résistance et le djihad pour la libération de la Palestine resteront un droit légitime, un devoir et un honneur pour tous les fils et filles de notre peuple et de notre oumma (communauté musulmane)

Depuis sa conversion à l’action armée, quatre conflits ont opposé Hamas et Israël. Bien que Jérusalem considère être sorti victorieuse chaque fois. La réalité est moins rose. Les gouvernements successifs n’ont pu que conclure une trêve, régulièrement brisée par des tirs de rockets, des ballons enflammés ou des attentats. Le coût matériel et humain pour l’État hébreu est considérable et ne peut en aucun cas représenter une solution acceptable pour sa population qui reste en permanence sous la menace de tirs, notamment dans le sud du pays. Cette situation devra être analysée par le nouveau gouvernement israélien. On connaît les réticences des militaires à envisager une opération terrestre réputée très coûteuse en vies humaines, mais combien d’années et de victimes, ce cycle de violences pourra-t-il encore continuer ? Les électeurs attendent sans doute autre chose.

Alors qu’on constate que le Hamas impose son idéologie par la violence, quel que soit le prix à payer, à une population qui subit sa loi mais qui soutient globalement l’organisation, faute de disposer d’une autre perspective. L’équation se complique d’autant plus qu’on sait parfaitement que l’Iran soutient militairement et financièrement l’organisation terroriste, mais n’est pas condamnée pour autant. L’UE a certes mis le Hamas sur la liste des organisations terroristes mais elle continue à subventionner des ONG qui lui sont affiliées. On a accepté que le Qatar règle les salaires des fonctionnaires. On sait aussi qu’il existe un rapprochement Hamas-Hezbollah. Le nouveau gouvernement aura à affronter plusieurs problématiques. Il a la capacité d’intervenir en Iran directement, de bombarder des convois d’armes en Syrie, à la frontière irako-iranienne. Quand sera-t-il en mesure d’éradiquer la clique au pouvoir à Gaza et mettre fin à ce volcan mortifère que les terroristes réactivent à leur gré, d’autant qu’actuellement on assiste à une intensification de la présence du Hamas en Cisjordanie où sa popularité est croissante face à une Autorité Palestinienne déliquescente. Les incidents s’y multiplient, la violence entraine plus de violences.

Paradoxalement Jérusalem n’est pas en mesure d’arrêter la fourniture d’armes de ce territoire sous blocus alors que Tsahal jouit d’une réputation à défendre. Tous les observateurs étrangers, comme les citoyens qui ont voté pour permettre la formation de la nouvelle coalition, attendent de nombreuses réponses. Comment continuer à expliquer que l’armée de l’État hébreu est forte et efficace et rester dans cette confrontation larvée depuis des décennies ? Enfin, alors qu’il n’y a rien à attendre de l’UE qui n’a pas les moyens de peser sur le conflit, le grand allié de Washington dont on connaît le choix pour la solution à deux États, soutiendra-t-il totalement les futures décisions qu’Israël pourrait prendre ou adoptera-t-il des positions de repli ou d’attente qui pèseraient sur les fournitures militaires ou leur financement ?. Israël a-t-il les moyens d’agir en totale indépendance ? Le nouveau gouvernement aura-t-il une unité suffisante pour affronter ces choix difficiles et lourds de conséquence ou le cycle de violences se poursuivra-t-il indéfiniment comme partie intégrante du quotidien ? Les hommes politiques sont désormais devant l’obstacle.

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