Analyse: l’ambassade à Jérusalem – une dangereuse victoire pour Netanyahou?

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Dans les rues de Jérusalem l’heure a été ce lundi à la fête. Des guirlandes de drapeaux israéliens et américains s’entrecroisaient. Il était impossible de rater en approchant du périmètre de la nouvelle ambassade les panneaux de signalisation flambants neufs et l’enseigne de l’ambassade dévoilée.

Sur la petite place, en face des bâtiments consulaires – qui d’ailleurs portera bientôt le nom du 45ème président des Etats-unis – se trouvait un parterre de fleurs fraîchement plantées tandis qu’à la cérémonie officielle se sont présentés quelque 300 journalistes et 800 invités, dont une délégation américaine menée par le couple star et influent Jared et Ivanka Kushner.

Tous ont célébré dans leur discours un événement historique pour Israël.

Selon les derniers sondages, 63 % des israéliens se félicitent du déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem. Mais à une indubitable pointe de fierté de voir la conquête de 1967 reconnue par l’allie américain se mêle une bonne dose d’incertitude sur l’impact de cette décision.

Tout d’abord, les divisions croissantes au sein de l’Union européenne, où la Hongrie, la Bulgarie l’Autriche et la République Tchèque ont répondu présents, malgré le boycott de la France, de l’Allemagne et des représentants de la diplomatie européenne.

Pour Netanyahou en revanche, le mois de ;ai est à marquer d’une pierre blanche, notamment grâce aux révélations sur le programme nucléaire à l’aide d’une spectaculaire opération du Mossad au coeur de Téhéran et une mise en scène remarquée du Premier ministre israélien.

Mais aussi en raison de la dramatique annonce de Trump sur la sortie américaine de l’accord iranien, des frappes israéliennes en Syrie contre les bases militaires iraniennes avec l’accord mutique mais suffisant de Moscou et les sondages en hausses pour le Likoud.

AP Photo/Sebastian ScheinerIsraeli Prime Minister Benjamin Netanyahu presents material on Iranian nuclear weapons development during a press conference in in Tel Aviv, Israel, Monday, April 30, 2018.
AP Photo/Sebastian Scheiner

Ainsi, les affaires de corruption ont été reléguées au dernier rang des préoccupations, et si la victoire d’Israël à l’Eurovision ne peut lui être attribuée, le Premier ministre estime bénéficier de l’image positive du pays diffusée à cette occasion de même que celle de l’organisation d’un événement culturel international à Jérusalem dans un an.

En effet, pour les proches de Netanyahou c’est un couronnement tandis que Trump lui est proche de la béatification.

Mais le président américain n’est pas un saint et les méthodes diplomatiques de l’homme d’affaires sont souvent déconcertantes. Si la politique de la porte claquée semble porter ses premiers fruits avec la Corée du Nord, après des années d’échecs pour la diplomatie conventionnelle, il n’est pas certain que la doctrine Trump fonctionne aussi bien au Moyen-Orient.

Il est vrai qu’Abbas refuse désormais toute crédibilité à la médiation américaine, mais le vieux raïs palestinien est lui-même tant en perte de légitimité que personne ne semble s’émouvoir de ses états d’âme.

Les leaders palestiniens sont plus que jamais divisés politiquement et géographiquement entre Gaza et Ramallah. Malgré un accord de réconciliation officiel, ils peinent à représenter une population où prévaut la colère la frustration et la méfiance, tant envers ses propres dirigeants qu’envers les Israéliens et l’administration Trump.

Brendan Smialowski (AFP/Archives)Le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas et le président américain Donald Trump, lors d’une rencontre à New-York, le 20 septembre 2017
Brendan Smialowski (AFP/Archives)

Quand aux Européens, ils sont réduits à protester contre l’unilatéralité des décisions américaines, à tenter de recoller les débris de l’accord iranien et défendre les intérêts des entreprises européennes qui se sont arrogées la part du lion depuis 2016.

Si les sanctions contre l’Iran se sont révélées productives, la politique de pressions continues d’Obama sur le gouvernement israéliennes n’a que considérablement refroidi les relations entre les leaders israéliens et américains.

Aujourd’hui la véritable cible de Trump, c’est Netanyahou. Le président américain a depuis longtemps intégré que si les Israéliens ne veulent pas plus activement la paix, aucun accord avec les Palestiniens ne pourra être matérialisé.

Et le premier ministre israelien – à la longévité politique record – n’est depuis le discours de Bar Ilan de 2003 jamais revenu sur son intention de se plier à la solution de deux Etats, Palestinien et Israélien, côte à côte.

Dans le contexte actuel qui lui semble si favorable, Bibi ne peut plus refuser grand-chose à son ami Donald Trump. Lui qui a depuis des années placé l’Iran en tête de ses priorités, qui a fait de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israel un pilier fondateur d’un futur et hypothétique accord de paix voit toutes ces batailles abouties.

Le Deal de Trump ne sera probablement pas très innovant dans son contenu, mais il l’est déjà dans son habilité à gérer le calendrier. La cession de plusieurs quartiers arabes de Jérusalem aux Palestiniens a déjà été évoquée il y a quelques jours.

Ce qui signifie que le président américain le plus proche de la droite israélienne et de Netanyahou au cours de ces dernières années est peut être celui qui fera plier le faucon. Avec ou sans le soutien et la reconnaissance des Palestiniens.

Myriam Danan est journaliste pour i24NEWS en français

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