Entre le Qatar et les Emirats, une guerre qui ne dit pas son nom

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Entre « Louvre d’Abu Dhabi gate » et les incidents aériens à répétition, le ton monte sérieusement entre les deux voisins, sur fond de rivalité sunnite-chiite.

Une carte comme un résumé criant de l’état de la relation entre le Qatar et les Emirats arabes unis. Le « Louvre d’Abu Dhabi gate » vient de témoigner que l’objet n’est décidément pas un simple outil de représentation mais aussi le vecteur d’un discours politique sur l’espace. Inauguré en novembre dernier en présence du président français Emmanuel Macron, le musée conçu par l’architecte Jean Nouvel s’est retrouvé au cœur de la crise qui oppose Doha et Abu Dhabi depuis plusieurs mois. Une carte exposée dans le musée des enfants compte en effet un grand absent, effacé par le poids des rivalités : le Qatar.

L’épisode en dit long sur la guerre que se mènent les deux Etats. Depuis juin dernier, les EAU ont entrepris, aux côtés de l’Arabie Saoudite, d’isoler le petit voisin aux ambitions pharaoniques en procédant à une rupture diplomatique et en multipliant les menaces plus ou moins explicites contre sa souveraineté. Motivations officielles de la mise en quarantaine : le maintien des relations du Qatar avec l’Iran, ennemi intime des puissances sunnites du Golfe, et le soutien apporté à des groupes considérés comme terroristes par la coalition sunnite, les Frères musulmans, Al Qaïda ou l’Etat islamique. Les Qatariens y voient plutôt une attaque contre leur souveraineté et la volonté de mettre la main sur leur indépendance de décision. A l’origine d’initiatives diplomatiques et commerciales tous azimuts, Doha est considéré comme un acteur incontrôlable par l’Arabie Saoudite de Mohammed Ben Salman et les Emirats de Mohammed Ben Zayef. Les deux princes héritiers sont engagés dans un bras de fer avec l’Iran qu’il soupçonne de vouloir mettre le Moyen-Orient sous la coupe chiite. Or Doha, pourtant sunnite, partage des intérêts communs avec Téhéran, notamment le contrôle partagé d’importants gisements gaziers. Les ingrédients d’une escalade sont réunis.

Engagés dans un bras de fer

Pour Simon Henderson, chercheur au Washington Institute for Near East Policy, à l’origine de la révélation sur le musée du Louvre Abu Dhabi, le Qatar n’a pas intérêt à un tel scénario. « L’Arabie Saoudite a fermé l’unique frontière terrestre du pays, faisant ainsi réaliser à Doha qu’il est désormais essentiellement une île sans moyens fiables de s’approvisionner pour ses besoins à long terme. L’Iran a fourni une route alternative pour les importations de nourriture, mais toute coopération avec Téhéran au-delà de cela ne peut-être garantie », estime M. Henderson dans une note. Doha a néanmoins pu compter ces derniers mois sur le soutien de la Turquie, pas mécontente d’enfoncer des coins dans la stratégie saoudienne.

Alors qu’un membre de la famille royale qatarie a affirmé sur Al Jazeera être retenu contre son gré aux Emirats arabes unis,  un nouvel appendice est venu se greffer à ce feuilleton qui inquiète les chancelleries occidentales. A la mi-janvier, les deux Etats se sont successivement accusés de violation d’espace aérien. C’est d’abord l’ambassadrice du Qatar à l’ONU qui a saisi les instances onusiennes de deux incidents survenus selon elle le 21 décembre et le 3 janvier. Des avions de chasse émiratis auraient pénétré le territoire qatari. Faux, rétorque Abu Dhabi qui en retour a reproché, le 15 janvier, au Qatar d’avoir « intercepté » deux avions de ligne émiratis en route vers Bahreïn. « Une menace flagrante pour la sécurité de l’aviation civile et une claire violation de la loi internationale » pour l’Autorité générale de l’aviation civile émiratie qui a déposé plainte. Petit détail gênant, ni le quartier général de l’armée américaine au Moyen-Orient (US Central Command) ni le site spécialisé FlightRadar24 n’ont repéré ce jour-là le moindre incident.

Source www.actuj.com

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