« Je comprends la situation d’Israël » – Imam Hassen Chalghoumi

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L’Imam de Drancy, Hassen Chalghoumi est connu pour ses idées à contre-courant de la majorité du monde musulman, qu’il exprime avec courage. Il n’a jamais caché sa proximité avec les Juifs et Israël. Il y a quelques jours, il était à la tête d’une délégation de 40 jeunes musulmans de France et de Belgique, venus visiter Israël pour la première fois. Du nord au sud, ces jeunes ont découvert le pays et fait des rencontres importantes. Ils ont été reçus par le Président Rivlin mais ont aussi visité Yad Vashem, la Judée-Samarie. Ils ont été à la rencontre des différentes communautés qui constituent le pays ainsi qu’à celle des habitants de la bordure de Gaza. Un séjour bien rempli, chacun des participants y aura acquis une image bien différente d’Israël de celle qu’ils avaient jusqu’alors.

LPH a pu recueillir le sentiment de l’Imam ainsi que de Leïla, une participante, à quelques heures de la fin de leur séjour.

Le P’tit Hebdo: Pourquoi avez-vous décidé d’organiser une telle délégation?

Imam Hassen Chalghoumi: Malheureusement, nous constatons au quotidien que l’antisémitisme musulman est important. Il se manifeste aussi violemment comme on a pu le voir dans les terribles attentats qui ont frappé la communauté juive. Je me suis dit qu’il était nécessaire de faire contre-poids. Les jeunes musulmans veulent découvrir Israël, j’ai donc décidé de monter une délégation pour qu’ils puissent le faire et ainsi devenir des médiateurs.

Lph: Leïla, pourquoi avez-vous décidé de participer à ce voyage?

Leïla: J’ai 25 ans et je ne connais Israël que par ce que l’on nous montre dans les médias ou que l’on entend. L’image véhiculée est, globalement, négative et je voulais voir de mes propres yeux ce qu’il se passait sur le terrain.

Lph: Vous êtes-vous heurté à des difficultés pour organiser ce voyage de jeunes musulmans en Israël?

Imam H.C.: Un tabou doit être cassé, en effet. Nous avons reçu beaucoup de menaces et d’insultes de la part d’antisémites. Je veux rendre hommage à ces jeunes qui ne tombent pas dans la peur et qui portent une réelle flamme d’espoir.

Ces menaces de mort que l’on reçoit lorsque l’on veut tendre la main sont en décalage total avec la volonté d’ouverture vers Israël que l’on perçoit dans le monde arabe.

Lph: Dans cette perspective comment jugez-vous la politique de la France en général et de l’Europe en particulier?

Imam H.C.: J’espère que le Président Macron possède une volonté de changement de la politique française vis-à-vis d’Israël. Ses déclarations assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme sont un pas dans la bonne direction, vers Israël.

Mais, à vrai dire, je suis plus optimiste pour le monde arabe que pour l’Europe. Les puissances européennes s’entêtent à vouloir discuter avec l’Iran, l’ennemi numéro 1 d’Israël et l’Etat qui finance le terrorisme dans le monde depuis 40 ans. L’Europe dialogue avec le diable en personne. Parallèlement, le monde arabe semble ouvrir les yeux. Nous vivons un moment historique, propice à la paix.

A Yad Vashem

Lph: Quels ont été les moments forts de votre séjour?

Imam H.C.: Nous avons visité de nombreux endroits très symboliques et rencontrer ceux qui font la société israélienne. La réception par le président Rivlin était chaleureuse et les jeunes membres de notre délégation ont beaucoup apprécié. L’une d’entre eux s’est même laissée à une confidence devant le président. Elle lui a avoué qu’elle était une sympathisante du BDS avant son voyage et que ce qu’elle voyait sur le terrain lui avait fait changer d’opinion. C’est exactement le but de notre voyage, je tiens à ce que les Musulmans viennent voir la vérité.

Par ailleurs, nous avons fait rencontrer des responsables militaires à l’Etat-major à Tel Aviv mais aussi en bordure de Gaza. Je comprends Israël, tiraillé entre la nécessité de se protéger et la volonté de vivre normalement. Nous avons vu combien les civils souffrent, que ce soit les Israéliens sous les bombes ou les Gazaouis otages des fanatiques du Hamas. Le général qui nous a reçus nous a parlé en arabe, il nous a affirmé que Tsahal cherchait à faciliter la vie des Gazaouis, c’est ce que l’on ressent sur place. Une dame a témoigné de la vie sous les roquettes, elle n’a pas eu un mot de haine envers les Musulmans. Nous avons pu nous rendre compte que la coexistence était possible et qu’elle était déjà là.

Lph: C’est aussi ce que vous avez ressenti Leïla?

Leïla: J’ai été très marquée par le Shouk de Jérusalem mais aussi la vieille ville où j’ai photographié trois religieux (juif, musulman et chrétien) qui marchait ensemble, dans la même rue, sans animosité, dans une ambiance si pacifiée. J’ai découvert cette cohabitation, que je croyais inexistante avant de venir. J’ai, en revanche, moins apprécié le discours du général en bordure de Gaza, qui semblait tenir les Gazaouis pour responsables de leur situation, parce qu’ils ont élu le Hamas. Ils subissent tellement la politique du Hamas, que l’on ne peut pas les tenir comme responsables. Israël aussi doit aussi prendre sa part de responsabilité. Cela étant, les craintes sécuritaires d’Israël sont légitimes.

En tout cas, j’ai exprimé mon opinion et le général m’a écoutée. J’ai apprécié cette écoute.

Lph: Après avoir vu la réalité israélienne et rectifié l’image que vous aviez du pays, que comptez-vous faire en rentrant en France?

Leïla: Pour moi, il est très important de diffuser ces messages. J’ai plus qu’ouvert les yeux lors de ce voyage. On ne peut pas ignorer le dénigrement d’Israël. Les conséquences sont trop graves, on l’a vu avec les attentats qui ont touché la communauté juive. Je me considère aujourd’hui comme une médiatrice. Dans mon école, dans l’entreprise où je travaille, je raconterai ce que j’ai vu. Mon récit aura le poids de celle qui a été sur le terrain et qui ne parle pas à partir de ce qu’elle voit et entend dans les médias et sur les réseaux sociaux. J’encouragerai les Musulmans à venir voir Israël.

Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay

Source lphinfo.com

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