Le Talmud – édition de Bomberg

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Ce mois-ci, consacrons notre présente rubrique à la vente d’une pièce spéciale, effectuée voici quelques semaines par Sotheby’s, à un prix jamais vu pour un élément de Judaïca ! 9,3 millions de dollars, alors que l’estimation première était de 5,4 millions !

Il s’agit d’une édition, entière semble-t-il, du Talmud, due à Daniel Bomberg, cet éditeur-imprimeur flamand de la Renaissance, né à Anvers, puis établi à Venise où il fut actif à partir de 1516, et mort dans cette ville en 1549. Il se spécialisa dans l’impression de textes de la littérature religieuse hébraïque, secteur qu’il fut le premier non-Juif à aborder.

Jusqu’alors, seuls des Juifs s’étaient occupés de l’impression de textes en langue (et caractères) hébraïques : la première, en 1475 à Reggio de Calabre, avait été celle d’un commentaire de Rachi sur le Pentateuque ; vers le même moment, Abraham Conat fondait son imprimerie à Mantoue ; en 1480, à Soncino, Yehochoua’ et Moché créèrent l’imprimerie d’où sortit en 1488 le premier Tanakh imprimé ; en 1487, un commentaire hébraïque sur le Pentateuque constitua le premier livre imprimé à Lisbonne ; une grammaire hébraïque avait été imprimée à Naples en 1488 ; en 1493, le tirage d’un commentaire de rav Yitsh’aq Abravanel sur des textes bibliques par des Juifs de Thessalonique fut le premier dans l’Empire ottoman ; en 1505, un Pentateuque commenté fut imprimé par des Juifs de Constantinople, une première dans cette capitale.

Pour en revenir au Talmud de Bomberg, son impression a été lancée en 1520 : Talmud de Babylone (en douze volumes in-folio, 1520/23) et Talmud de Jérusalem (1524). Dans l’intention originale, l’ouvrage devait être complété par les réponses du renégat Félix de Prato aux objections des rabbanim contre le christianisme ; ces répliques, rédigées avant 1527, furent perdues à l’occasion du sac de Rome, qui intervint cette année-là, et Bomberg ne les imprima pas, bien que, dans sa demande de renouvellement de privilège au pape Clément VII en 1532, il souligne la disponibilité de Félix de Prato à les réécrire. Il réimprima trois fois le Talmud de Babylone en entier.

Bomberg, pour sa part, mourut à peu près ruiné, mais entouré de l’immense considération de tout le monde savant d’Europe. Si seulement il avait pu attendre cette vente américaine…

On ne compte, de nos jours, que 14 exemplaires de la collection entière de cette première édition. Cette pièce appartenait à Jack Lunzer, un riche Juif anglais, propriétaire d’une des collections privées de livres précieux et de manuscrits des plus importantes au monde, le Valmadonna Trust (13.000 ouvrages). Soit dit en passant, Lunzer avait exigé qu’aucune pièce de sa collection ne fasse l’objet d’une vente séparée. Il fallait acquérir la collection en entier. Toutefois, vu sa valeur, la famille a finalement décidé de vendre diverses pièces séparément, contrairement à la volonté de Lunzer (qui vit encore, mais n’a plus toute sa tête). Les chercheurs protestent contre le fait qu’ainsi, toute cette remarquable collection risque dorénavant d’échapper au domaine public.

Lunzer avait trouvé cet exemplaire… dans la collection de livres de la cathédrale de Westminster. Il s’intéressa à des pièces prêtées à un musée londonien, pour arriver à constater que la collection de l’institut religieux comprenait cette pièce unique. Il parvint alors à en acheter une partie, puis, bien plus tard, réussit à obtenir la suite et la fin de cette édition du Talmud.

Léon Black, un Juif de New York, directeur d’une entreprise privée locale, en est devenu le nouveau propriétaire.

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