Israël-Palestine : « La légalité internationale, boite de Pandore »

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On évoque beaucoup, ces temps-ci la légalité internationale à propos de la souveraineté d’Israël ou de l’annexion d’une partie de la Cisjordanie dont l’appellation ancienne était « Judée-Samarie ». La « légalité internationale » est diversement interprétée selon les pays, les époques, les circonstances et la réalité géopolitique du moment.

Il est vrai que le découpage des frontières est souvent terriblement injuste :

Après la première guerre mondiale, la conférence de San Remo et les traités de Sèvres et de Lausanne ont fixé les limites des États après la défaite de la Turquie. Le traité de Sèvres en 1920, avait établi une Arménie indépendante et un Kurdistan autonome. L’existence de Chypre, de l’Arabie Saoudite, le mandat français sur la Syrie et le Liban et celui britannique sur la Palestine et l’Irak ont été confirmés par le traité de Lausanne en 1923.

Sykes et Picot, pour l’Angleterre et la France, ont réalisé ce découpage dans l’intérêt de leurs pays respectifs, en se basant sur des considérations politiques et économiques, sans tenir compte des réalités du terrain.

Cependant, ces frontières ont été et sont toujours reconnues par des traités ratifiés.

Une remise en question arbitraire de ces frontières sans négociations entre les États concernés et appliquée comme une sanction par des pays extérieurs pour des motivations de politique intérieure ne pourra, en remplaçant une injustice, par une autre injustice qu’apporter la guerre.

Voyons le cas d’Israël et de la Palestine à travers les cartes.

1 – L’Empire ottoman, après des siècles de guerres et d’invasions, dominait la Palestine. À aucun moment, sous la domination turque, la Palestine ne forma une entité administrative distincte. Ci-dessous en voici la division administrative[1].

Pendant la première guerre mondiale, les Turcs étaient alliés avec l’Allemagne. À la fin du conflit, la Grande-Bretagne conquit la région lors de la Campagne de Palestine en 1919.

2 – Conférence de San Remo Le 25 avril 1920.

La Société des Nations adopta une résolution attribuant au Royaume-Uni un mandat sur la Palestine[2]. Elle a exigé de la Grande-Bretagne qu’elle « place le pays dans des conditions politiques, administratives et économiques propres à assurer l’établissement du foyer national juif » et qu’elle « sauvegarde les droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, sans distinction de race et de religion ».

Il faut rappeler que le statut de dhimmi perdurait encore et que Chrétiens et Juifs étaient des citoyens de seconde zone, humiliés, maltraités et soumis à une lourde taxe spéciale, la Jisya, impôt de soumission.

3 – La Grande Bretagne crée la Transjordanie

Le 1er avril 1921, la Grande-Bretagne créa le royaume hachémite de Transjordanie en lui attribuant les ¾ du territoire du mandat. La Palestine juive restant comprenait les territoires d’Israël, de Judée et Samarie (Cisjordanie) et le plateau du Golan[3]. L’ensemble de ces dispositions fut ratifié par la Société des Nations le 24 juillet 1922. Les frontières furent officialisées le 29 septembre 1923 par les Britanniques et les Français.

4 – Résolution de partage de l’ONU (Novembre 1947)

Le 29 novembre 1947, l’ONU vota la résolution 181, plan de partage de la Palestine résiduelle entre un état Juif et un état Arabe[4]. Les pays arabes rejetèrent ce plan. La partie juive composée principalement de déserts était amputée de la majeure partie du territoire prévu pour le foyer Juif. En Israël, l’Irgoun et le Lehi refusèrent ce partage, réclamant la totalité des territoires du mandat britannique, mais le plan fut accepté par la majorité de la population.

5 – Indépendance d’Israël

Le 14 mai 1948, Israël proclama son indépendance conformément à la déclaration de l’ONU. Dans la nuit du 14 au 15 mai, Tel Aviv fut bombardée par les avions égyptiens. La guerre entra dans une phase offensive directe : Les armées régulières de cinq États arabes – l’Égypte, le Liban, la Syrie, la Jordanie et l’Irak –attaquèrent et envahirent le jeune État juif, au nord, au sud et à l’est. L’Arabie Saoudite envoya des hommes sous commandement égyptien, des contingents soudanais s’y joignirent. En partant les Anglais avaient laissé leurs installations et des armes entre les mains des Arabes, les Israéliens étaient sous-armés. En juin 1948, les Arabes sont près de réaliser leur projet, « jeter les Juifs à la mer ». L’État d’Israël n’était plus qu’une mince bande de terre…

Cette carte[5] est très peu connue. Elle montre que contrairement aux idées reçues, l’agresseur n’est pas toujours Israël et que ce dernier doit vaincre pour survivre.

6- Trêve de Juillet 1948

Pendant la trêve de juillet 1948 demandée par le Conseil de sécurité de l’ONU, les Israéliens s’organisèrent. Ils reçurent des armes de Tchécoslovaquie. La contre-attaque renversa la situation. Israël, après 6 mois de guerre et de lourdes pertes, récupéra 77 % de la Palestine mandataire hors Jordanie. Gaza resta à l’Égypte et la Judée-Samarie (Cisjordanie) à la Jordanie qui l’annexa[6].

7 – Guerre des Six jours 1967

Mai – Juin 1967. La guerre commença par des tirs d’obus sur les villages agricoles israéliens depuis le plateau du Golan où était positionnée l’armée syrienne. Les infiltrations palestiniennes se multiplièrent, souvent meurtrières. Le Président égyptien Nasser déclara qu’il allait rayer Israël de la carte et jeter tous les Juifs à la mer, Oum Kalsoum, la célèbre chanteuse le répétait en boucle sur les radios égyptiennes et arabes. Le 16 mai 1967, les troupes égyptiennes traversèrent le canal de Suez et entrèrent dans le désert du Sinaï, avançant rapidement vers la frontière israélienne. Nasser demanda à l’ONU de retirer ses forces d’interposition dans le Sinaï, l’ONU obtempéra dès le 19 mai. Le 22 mai, l’Égypte ferma le Détroit de Tiran au commerce israélien, coupant la seule route d’Israël vers l’Asie et l’Iran, son principal fournisseur de pétrole de l’époque. Il s’agissait là d’un casus belli. Le 4 juin, une alliance militaire entre l’Égypte, la Syrie, la Jordanie et l’Irak était constituée. Rien ne semblait pouvoir stopper la volonté guerrière des voisins d’Israël. Le 5 juin, Israël répondit aux agressions ennemies et, en six jours, défit les armées arabes.

Situation territoriale d’Avril 1921

Après le traité de paix avec l’Égypte et la restitution du Sinaï à l’exception de Gaza refusé par l’Égypte, Israël se trouvait exactement dans la situation territoriale d’avril 1921, avec le territoire ratifié par la Société Des Nations, unique traité ratifié[7].

Ceci est, à l’aide de quelques cartes incontestables, un résumé de 100 ans d’histoire de la Palestine, de l’Empire ottoman à Israël en passant par le mandat britannique.

On peut trouver sur les réseaux sociaux quantités de cartes fantaisistes, partisanes dans un sens ou dans un autre, ce ne sont que des tentatives de propagande politique, pour mettre de l’huile sur le feu.

Pandore jouait-elle aux cartes ? La question se pose, car ces cartes figurent dans la boite de Pandore de l’ONU. Si les cartes établies au fil de l’histoire sont battues, désavouées et mises dans le désordre, la boite de Pandore ouverte par l’ONU contribuera à répandre la guerre et tous les maux de l’humanité. Seules des négociations entre les États concernés pourront réduire les injustices, apaiser les conflits. L’Autorité Palestinienne et le gouvernement israélien semblent s’orienter vers cette voie.

Malheureusement, ni la France ni surtout la Turquie ne prennent ce chemin. La France menace Israël de sanctions (mais quelles sanctions la France peut-elle infliger pour contraindre Israël ?). Quant à la Turquie national-islamiste elle veut reconstruire son empire et fait entendre des bruits de bottes sur tout le pourtour de la Méditerranée.

Guerre à responsabilité limitée

Absurde et terrifiant, un nouveau concept est apparu avec les pays arabes à l’ONU « la guerre à responsabilité limitée[8] ». Selon ce principe un pays qui en attaque un autre garde ses conquêtes s’il est vainqueur, mais s’il est vaincu il est fondé à réclamer qu’on lui restitue la totalité des territoires perdus. C’est ainsi que l’on a vu déclencher des guerres par des pays totalitaires qui savent que, quel qu’en soit le dénouement, elles seront pour eux sans conséquences territoriales, les pertes humaines étant sans importance pour ces pays. KF

Klod Frydman, MABATIM.INFO

[1] Carte : Nations Unies – La question de Palestine. Origins and Evolution of the Palestine Problem : 1917-1947 (Part I)annexe 1
[2] Carte : ProCon/Encyclopaedia Britannica, Inc.
[3] Carte de gauche : 1922 – The final territory aassigned to the Jewish National Home. (Map : © Eli E. Hertz, courtesy www.mandateforpalestine.org). Droite : Syrian National Congress borders 1920
[4] ONU : Plan de partage de la résolution 181
[5] Carte : Le Monde Diplomatique : la 1ère guerre israélo-arabe (1948-1949). Territoires encore aux mains des israéliens le 1er juin 1948.
[6] Carte publiée par France Culture : les lignes de cessez-le-feu de 1949. Reconnues comme frontières de 1967 par l’ONU et Israël mais refusées par les pays arabes, donc non légales et non appliquées.
[7] Carte : https://fr.wikipedia.org/wiki/Isra%C3 %ABl
[8] Mitchell G. Bard, Le guide du conflit israélo-arabe :
« Après 1949, afin d’accepter de négocier la fin de la guerre, qu’ils avaient eux-mêmes déclenchée, les Arabes insistèrent pour qu’Israël accepte les frontières de la Résolution de Partition de 1947, et rapatrie les réfugiés palestiniens. C’est à cause de leurs défaites successives et après ces défaites, qu’ils adoptèrent cette nouvelle approche, à savoir : la guerre à responsabilité limitée. Selon cette théorie, les agresseurs peuvent rejeter l’accord d’un compromis et parier sur la guerre afin de tout gagner, en ayant, de plus, la certitude rassurante que même s’ils échouent, ils peuvent insister pour réinstaurer le statu quo ante. »

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