Début de résistance ?

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La photo de Abdelmalik Petitjean, le 2nd déséquilibré de Saint-Etienne-du-Rouvray, publiée en plein débat...

La chaîne d’info BFM TV a annoncé que « Le Monde » et « La Croix » ne publieraient plus de photos montrant le visage des auteurs d’attentats, et ce, « afin d’éviter d’éventuels effets de glorification posthume » et pour « ne pas mettre au même niveau les victimes et les terroristes »…

« Nous nous sommes rendu compte après l’attentat de Nice, écrit dans son édito de mercredi, le directeur du Monde, Jérôme Fenoglio, que nous étions très mal à l’aise avec une série de photos, issue du passé des auteurs ». Même décision prise par Hervé Béroud, le directeur de la rédaction de BFM TV : « La réflexion était engagée dans la rédaction depuis un certain temps. Elle s’est accélérée après Nice, avec la répétition de ces tragédies ».

Certains vont même jusqu’à ne vouloir publier « que le prénom et l’initiale du nom et pas de photo », comme l’a annoncé François Ernenwein, rédacteur en chef à La Croix.

Bien entendu, les voix d’une certaine gauche se sont aussi élevées, comme celle du directeur adjoint de « Libération », Johan Hufnagel : « Imaginez un papier avec les frères SA et BA, AA, FAM », a-t-il rétorqué. « Publier les photos de terroristes et les glorifier, ce n’est pas la même chose. Dabiq (une revue éditée par Daech) glorifie », a-t-il encore dit, et puis « le débat sur l’utilisation de la photo est une discussion permanente depuis l’existence du journal ».

Et oui… voilà bien les conclusions des prémisses d’une réflexion en France.

Prémisses, parce que l’idée de ne pas vulgariser le terrorisme est bonne, mais elle ne doit pas se limiter aux photos. C’est tout l’alphabet qui doit y passer ! Même si on répondra tout de même à « La croix » qu’il n’est pas nécessaire pour cela de revenir à l’âge du télégraphe…

Il suffit juste de réfléchir à ce qu’on écrit et d’assembler les lettres en conséquence.

Libé a raison, « le débat sur l’utilisation de la photo est une discussion permanente depuis l’existence du journal ». Mais le vrai débat se trouve plus en amont là où, précisément, Hufnagel ne parvient pas à se hisser…

C’est toute l’écriture qui doit changer et une profonde réflexion doit s’engager pour déboucher sur des campagnes intelligentes contre la terreur : les groupes de presse, les bureaux de communication, les publicitaires, tous les médias quels qu’ils soient, doivent travailler dur pour étouffer le feu qui gagne. Car sinon, ils devront rendre des comptes pour la manière dont ils ont présenté la figure d’une nouvelle tyrannie que tous les responsables de la communication du monde occidental semblent presque fantasmer…

La question n’est pas de savoir si l’on publie ou non la photo d’un assassin, car tout dépend du message qu’on cherche à véhiculer. Or, là, il doit y avoir débat. La France doit comprendre qu’à côté du travail que doivent mener le ministère de l’intérieur et celui de la défense, il est impératif d’apprendre à communiquer avec la terreur.

Et premièrement, de ne plus faire le récit « psychologique » du détraqué djihadiste. Oui, cet homme est fou, mais connaissez-vous un être humain qui ne l’est pas ? On se suicide pour d’autres raisons, comme on assassine aussi très sauvagement pour une multitude d’autres raisons (avant-hier encore, au Japon ; l’homme ne supportait pas l’idée qu’un handicapé puisse être un être vivant, il en a poignardés une vingtaine).

Là n’est pas la question. Se cacher derrière des arguments psychologiques pour excuser tel ou tel comportement inhumain, c’est se donner toutes les chances de banaliser la folie, la folie de tout un chacun justement…

Deuxième, il est fort probable que si l’on arrêtait délibérément de parler de ce qui se passe vraiment sur le terrain des commanditaires, cela serait aussi un moyen d’isoler Daech de ses recrues, en lui coupant les tentacules. Il est impératif de faire en sorte que Daech ne passe pas pour ce qu’il prétend être : un mouvement planétaire.

Mais cela, seule la presse et les agences de communication sont capables de le faire. Là se situe, à mon sens, un vrai foyer de résistance et de quoi éteindre ce qui ne sont encore que de simples feux de brindilles. Et en bon pompier que vous êtes, n’oubliez pas non plus qu’il faut toujours prendre en considération le sens du vent, s’il y en a.

Bref : ce qu’il faut c’est une vraie vigilance des mots.

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