Chemoth : au nom des miens

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Réflexion sur la paracha de la semaine par le rav Mordekhai Bismuth:

« Et ceux-ci sont les noms des Bené Israël qui étaient venus en Égypte… » (1,1).

« Le roi d’Égypte s’adressa aux sages-femmes hébreux, qui se nommaient, l’une Chifra, l’autre Pouah » (1,15).

Nous ouvrons cette semaine avec l’aide de Hachem le second livre du ‘Houmach, Chemoth, qui est aussi appelé « Séfer haGueoula/ le livre de la délivrance ».

Quel est le lien entre l’appellation « Chemoth/les noms » et celui de la délivrance ?

Le Kli Yakar écrit au nom du Midrach (Vayikra Rabba 36) que les Bené Israël furent sauvés d’Égypte par le mérite de quatre choses : « Ils ne changèrent pas leurs prénoms, ils ne changèrent pas leur langage, ne tombèrent point dans la débauche et ils ne se livrèrent pas à la médisance».

Le Yalkout Chemouni explique que toutes les tribus ont été nommées en référence à la délivrance. Reouven, vient de « réo-voir », J’ai vu la misère de mon peuple ; Chim’on du fait que Hachem entendit leur gémissement… Selon cet enseignement s’ils avaient changé leurs noms, ils n’auraient plus porté cette « empreinte » de la délivrance. Ils n’auraient pas été dignes d’être sauvés, s’ils avaient modifié leurs appellations annonciatrices de cette libération, et avaient porté un nouveau nom sans référence à celle-ci. Ou encore ce changement les aurait incités au découragement par rapport à la délivrance, et n’auraient plus supplié Hachem de les délivrer et les rédimer »- Fin des paroles du Kli Yakar

Les mots du Kli Yakar nous permettent de prendre conscience de l’importance extrême du prénom, puisque le simple fait de les conserver et de n’avoir pas cédé à l’influence environnante en adoptant des prénoms égyptiens, a constitué une des raisons pour mettre un terme de 210 ans d’exil et d’esclavage égyptien.

Un prénom ‘hébraïque’ au titre personnel reflète notre identité et appartenance au peuple élu, mais aussi la manière dont l’âme divine exprime sa connexion au corps. L’âme elle-même n’a pas de nom, c’est uniquement en descendant dans un corps quelle adopte une forme spécifique.

Mais le nom évoque aussi le devoir du peuple juif parmi les nations, en tant que vecteur du message de Hachem. C’est pour cela, que chaque parent doit prendre soin d’attribuer à leurs enfants un prénom adapté à ce futur rôle qu’il aura à jouer. Cette nomination sera d’une grande aide pour accomplir correctement notre mission et une influence sur son comportement.

La guémara (Berakhoth 7b) nous enseigne au nom de rabbi Elazar que le prénom a une influence sur le destin de l’enfant. Rabbi Elazar s’appuie sur un verset des Tehilim (46,9) : « Venez contempler les œuvres de l’Éternel qui a provoqué des ruines [chamoth] sur la terre ». Le mot ruine se traduit en hébreu par « Chamoth » et Rabbi Elazar par une explication homilétique de la Bible, affirme qu’il faut lire ici, non pas « Chamoth » mais « Chemoth », à savoir les noms. Par conséquent, le verset se lit ainsi : « Venez contempler les œuvres de l’Éternel, qui donne des noms sur la terre ».

Si le nom d’une personne est aussi important, comment se fait-il que Yokhéved et Myriam se font-elles surnommées Chifra et Poua ? Essayons de comprendre l’influence et l’impact d’un prénom sur une personne, et pourquoi le fait de ne pas changer de nom a permis la délivrance.

Voyons pourquoi le fait de conserver son nom nous préserve et nous délivre à travers deux principes de Halakha.

Commençons avec le principe de « Batel bechichim » qui consiste à l’annulation d’un élément dans un volume soixante fois plus grand. Cependant ce principe ne s’appliquera pas dans une chose qui est dénombrée, une entité, ce que l’on appelle « Davar chébe minyan » (Voir Bétsa 3b).

Deuxièmement, il existe dans la Tora une mitsva qui se nomme « Chikhe’ha/ l’oubli». La Tora ordonne au propriétaire d’un champ de laisser aux pauvres la part qu’il aurait oubliée de récolter lors de son premier passage de sa moisson (Devarim/Deutéronome 24,19).

Cependant la Tora nous enseigne que si l’on oublie de cueillir des fruits d’un arbre qui porte un nom spécifique, la mitsva de « l’oubli » ne s’appliquera pas et le propriétaire peut revenir y cueillir les fruits laissés sur l’arbre lors du premier passage.

Autrement dit, de ces deux principes nous voyons que ceux qui portent un nom ne peuvent pas réellement s’annuler et s’oublier. En gardant leurs noms, les Bené Israël ont appliqués ces deux principes et ne se sont pas annulé dans la civilisation égyptienne, et ne se sont pas fait oublier de Hachem.

Nous allons comprendre maintenant pourquoi Yokhéved et Myriam ont été surnommées.

Comme le rabbi de Riminov zatsal explique que Pharaon savait que, tant qu’elles garderaient leurs noms hébraïques, il ne pourrait pas leur demander d’agir cruellement, en tuant les nouveau-nés juifs. C’est pourquoi il commença par leur imposer de nouveaux noms, égyptiens, espérant que ceux-ci influeraient sur leur intériorité. Il savait que l’attribution d’un nom influe considérablement sur son essence et sur son caractère profond.

Mais le Kli Yakar nous dévoile que ces surnoms portent l’annonce de la naissance du sauveur d’Israël dont Pharaon n’avait pas prêté attention, et c’est pourquoi elles n’ont pas agi comme il leur avait enjoint.

Nous aussi pour ne pas oublier nos racines et notre nom, le Elya Rabba ainsi que le Kaf Ha’haïm (Ora’h ‘Haïm chap. 122 alinéa 11) rapportent qu’il est bon de dire un verset de la Tora, des prophètes ou des Écritures saintes (Tehillim, Michlé…) qui commencent et qui se terminent par les mêmes lettres que son prénom hébraïque. Ceci est une segoula afin de ne pas oublier son nom lorsque l’on se retrouvera, après 120 ans, effrayés par la grandeur de Hachem, nous oublierons notre prénom devant le trône céleste pour y être jugé. Cette habitude est aussi rapportée par Rachi dans son commentaire sur le prophète Mikha (6,9). Celui-ci ajoute que cela sera pour celui qui le dit, un mérite afin d’être sauvé du Guehinam.

Ce n’est donc pas un hasard si le livre qui décrit la construction, la naissance et la délivrance du peuple juif à travers l’exil égyptien s’appelle « Chemoth-les noms », qui forme les initiales de « Chemor massoreth vegueoula tavo-Garde la tradition (nom, langue et vêtement) et la délivrance viendra ».

Le Tachbets nous enseigne que nous sommes appelés les Bené Israël car le nom Israël -ישראל renferme le nom des patriarches et matriarches. (Youd=isthak/Yaakov; Sine=Sarah ; Reich=Rivka/Ra’hel ; Alef=Avraham et Lamed=Lea)

A nous de comprendre que l’assimilation commence bien souvent par l’adoption des prénoms profanes, souvent associés à des célébrités cinématographiques, musicales ou sportives, qui sont un prélude à l’adoption des mœurs et de la culture non-juive. Cette tendance est néfaste pour nous puisqu’à l’inverse de ce qui s’est passé en Égypte, elle est risque que D’ préserve être un facteur de prolongation de l’exil.

Contribuons à hâter la délivrance, en prenant l’habitude de se faire appeler par un prénom issu de nos racines. Et pour celui qui n’en a pas, il serait bon qu’il en choisisse un conforme à la tradition. Notre nom n’est pas anodin, il constitue un enjeu majeur. Puisse Hachem nous inspirer des choix conformes à Sa volonté et nous faire mériter la délivrance finale.

Chabat Chalom – Rav Mordékhai Bismuth

Extrait de la Daf de Chabat disponible sur notre site OVDHM.com

 

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